La lampe à huile a consisté, jusqu’à l’époque de Louis XVI, en un vase contenant le liquide combustible et en une ou plusieurs mèches dans lesquelles l’huile montait par capillarité. Sa lumière était fumante, rougeâtre, répandant une odeur suffocante, aussi lui préférait-on beaucoup l’usage de la bougie ou celui de la chandelle.
Le premier perfectionnement consista, vers la fin du XVIIe siècle, à remplacer les mèches rondes par des mèches plates brûlant mieux. Un peu plus tard on adapta aux lampes un mécanisme propre à monter et à baisser la mèche à volonté.
Enfin, en 1783, le médecin génevois Ami Argand, déjà connu par ses travaux sur les alcools et la distillation, eut l’idée de substituer une mèche circulaire à la mèche plate et le bec à double courant d’air au bec simple employé jusqu’alors. L’air arrivant en masse dans l’intérieur même de la flamme détermine une combustion complète de l’huile, d’où disparition de la fumée et production d’une lumière blanche et vive. Il compléta son invention en entourant la flamme d’un verre cylindrique qui évitait le vacillement de la flamme et augmentait le tirage.
Quinquet, cousin d’Argand, lui vola sa découverte qu’en collaboration avec un ferblantier nommé Lange, il fit paraître, en 1784, sous son propre nom. L’Académie des sciences, quelques années plus tard, reconnut d’ailleurs publiquement les titres d ’Argand.
Lange imagina cependant un perfectionnement sensible ; il eut l’idée de rétrécir le verre de la lampe à la hauteur moyenne de la flamme, ce qui activa encore la combustion en rejetant l’air sur cette dernière.
La lampe d’ Argand reçut différentes formes. Les deux plus répandues étaient la lampe à bouteille et la lampe astrale.
Dans la première, l’huile, contenue dans un réservoir, passait lentement dans le bec placé à côté et, par une disposition particulière, avait toujours la même vitesse d’écoulement, qu’il y eût peu ou beaucoup d’huile dans la bouteille.
Le modèle le plus employé était la lampe astrale, inventée par Bordier Marcet, beau-père d’Argand. Le réservoir qui renferme l’huile, circulaire, est placé à la même hauteur que le bec ; l’huile y a peu de profondeur et présente une grande surface, de sorte qu’après l’écoulement d’une certaine quantité du liquide, la différence de niveau entre le bec et l’huile du réservoir change peu. Un réflecteur placé autour du verre et prenant appui sur le pourtour du réservoir permettait d’éclairer facilement une table de travail.
En 1800, Carcel eut l’idée de rendre le verre mobile au lieu de le fixer à demeure au porte-mèche. Philippe de Girard, en 1804, inventa la crémaillère à pignon et, un peu plus tard, entoura les lampes d’un globe de verre donnant une lumière uniforme dans toutes les directions.
Malheureusement, la lampe d’Argand présentait un grave inconvénient : le réservoir à huile étant supérieur ou latéral produisait toujours une ombre fort gênante. Pour faire disparaître cet inconvénient il suffisait de placer l’huile à la partie inférieure de l’appareil et de l’élever ensuite jusqu’à la mèche.
Plusieurs inventeurs résolurent ce problème ; entre autres la lampe hydrostatique qui est une application de la fontaine de Héron, et la lampe mécanique ou lampe Carcel ; imaginée en 1800, dans laquelle l’huile est mise en mouvement par un mécanisme d’horlogerie qui la refoule dans un tube ascensionnel par l’intermédiaire d’une pompe foulante à double effet. Trop compliquée et trop chère, au début, cette lampe ne se répandit partout que lorsque Franchet, en 1836, eut inventé le modérateur, Dans ce nouveau type, le piston agit de haut en bas sur l’huile au moyen d’un ressort à boudin.
L’extension de l’industrie du pétrole depuis trente ans a révolutionné la lampe. On revient aujourd’hui à la capillarité qui exige de nouveau un réservoir voisin de la flamme et très élevé sur son pied.
Le gaz, l’acétylène, l’incandescence électrique nécessitent aussi des lampes spéciales qui se perfectionnent de jour en jour et dont l’esthétique est autre.
Il est intéressant, au point de vue de l’art, de suivre le renouvellement des formes imposé aux objets usuels par les recherches scientifiques.
La lampe ancienne à mèche imbibée par capillarité a produit des chefs d ’œuvre. Certaines lampes orfévrées du moyen âge, les lampes d’église de Pierre Germain, ne peuvent être autrement qualifiées. L’addition d’une cheminée, la présence d’un gros réservoir distinct du bec, modifièrent profondément la disposition des lampes, Le quinquet fut lourd, sans grâce, à part, cependant, la forme dite lampe astrale, et il vécut trop peu pour attirer l’attention des artistes.
La lampe Carcel et le modérateur, avec leur réservoir inférieur à la lumière, ont été fabriqués en toutes les matières : faïence décorative, émaux cloisonnés, bronze ciselé ; on en trouve de tous les styles, souvent même d’aucun. On les a groupés souvent de façon fort élégante et on a obtenu des résultats intéressants en combinant, comme dans la torchère que nous reproduisons, la lampe à huile et les bougies. Le triomphe du pétrole a changé encore une fois notre idéal en matière de lampe et des modèles à la fois élégants et pratiques sont en vente depuis quelques années. On sait qu’en 1894, les magasins du Louvre ouvrirent un concours de lampes à pétrole pour lequel 440 projets furent envoyés, dont quelques-uns vraiment inédits et fort réussis.