Ces miroirs singuliers, qui ont la propriété de réfléchir dans de certaines conditions l’image des sculptures en saillie sur leur face postérieure, ont été dans ces derniers temps l’objet d’études intéressantes dont nos lecteurs ont eu le résumé ici même [1]. Dans la dernière séance de la Société de physique, M. Bertin a confirmé les explications qui avaient été données de ce curieux phénomène (voy. p. 18), et il a rappelé que M. Govi avait, il y a quelques années, trouvé la véritable théorie des miroirs magiques de l’Extrême Orient.
Nous croyons utile de compléter ces documents en rappelant les noms d’expérimentateurs habiles qui sont arrivés à des résultats identiques depuis plus de trente ans, et qui ont su confectionner artificiellement des miroirs chinois à cette époque déjà ancienne.
C’est en 1847 que l’Académie des sciences de Paris s’est préoccupée de l’étude des miroirs magiques. Dans les Comptes rendus de cette année, M. Stanislas Julien a publié une longue note sur ces miroirs, d’après les livres chinois. L’éminent linguiste décrit toutes les propriétés de ces instruments. Voici notamment ce qu’il cite de l’encyclopédie intitulée Ke-tchi-king-youen, Iiv. LVI. fol. 6 et suiv. :
« Si l’on reçoit les rayons du soleil sur la surface polie d’un de ces miroirs, les caractères ou les fleurs en relief qui existent sur le revers se reproduisent fidèlement dans l’image reflétée du disque. »
Dans la même séance du 7 juin 1847, un miroir magique a été présenté à l’Académie par M. Séguier. Ce miroir appartenait à M. le comte de La Grange.
« En cherchant, dit M. Séguier, si notre industrie n’offre rien de semblable à ce que les Chinois obtiennent par l’emploi de métal à des degrés d’alliage différents, nous trouvons que dans la confection des cylindres à imprimer les étoffes, il arrive souvent que la trace des dessins frappés au mouton subsiste encore lorsque le cylindre a été réduit de diamètre, en ramenant sur un même plan toutes les parties du cylindre pour faire disparaitre le creux du dessin. Un effet analogue se fait aussi remarquer lorsque l’on abat le relief d’une pièce de monnaie ou d’une médaille et que l’on polit le métal. La différence des densités qui subsiste entre les diverses parties différemment comprimées pendant la frappe, laisse apercevoir très nettement les contours d’un relief qui n’existe plus [2]. »
Six ans plus tard, dans la séance de l’Académie des sciences du 1er avril 1855 , on est encore revenu sur les miroirs magiques. Biot a présenté, au nom de M. Maillard, une note sur la fabrication de ces miroirs. M. Maillard, dans ce travail, annonça que M. Lerebours avait pu fabriquer, sur ses indications, un miroir magique : « Cet habile opticien, dit M. Maillard, a fait prendre une plaque de métal argenté, puis après y avoir fait graver derrière deux croissants opposés, et y avoir collé un carré de papier pour former épaisseur, il a fait poser cette plaque au tour sur un mandrin convexe, et lui a fait donner sa courbure en passant vivement un brunissoir sur le côté brillant ; après le polissage, l’effet attendu s’est produit ; si l’on expose au soleil le miroir en plaqué d’argent, on voit sur l’écran opposé les deux croissants, qui se dessinent en noir, et les bords du carré de papier, qui se dessinent en blanc. »
L’échantillon de miroir magique fabriqué par MM. Lerebours et Maillard a été exposé au soleil, en présence de plusieurs membres de l’Académie, et il a produit tous les effets annoncés.
On voit que les miroirs magiques de l’Extrême Orient ont été autrefois très complètement étudiés, et qu’il est facile de reproduire à volonté la propriété qu’ils possèdent, en suivant les indications données dès 1853par MM. Maillard et Lerebours.
Gaston Tissandier