Les promoteurs du Palais de l’Optique à I’Exposition de 1900 ont songé à réunir dans une salle spéciale tout ce qui concerne l’histoire des miroirs. D’autres pièces y aboutiront dans lesquelles le public pourra voir des miroirs curieux ou assister à des expériences amusantes ayant pour point de départ la réflexion par les surfaces planes ou courbes. Miroirs métalliques de l’antiquité, miroirs en verre doublé de plomb du moyen âge, miroirs étamés et argentés voisineront le long des murailles ; on se rendra compte en cinq minutes des progrès réalisés en deux mille ans ; merveilleuse leçon de choses ! On verra rassemblés, en cette salle unique au monde, les miroirs au manche gravé, au cadre ciselé que tenaient les élégantes grecques ou romaines, les « mirouers » du XVe siècle suspendus à la ceinture par une chainette en métal précieux, les belles glaces fixes de la Renaissance, ornées de devises, dont l’encadrement affecte la forme monumentale d’un portique, et qui sont souvent munie d’un volet rabattu en forme de porte ou glissant devant le verre qu’il protège.
A côté des glaces immenses que fabrique l’industrie contemporaine, figureront les glaces minuscules employées en physique.
Par leurs applications, plus encore que par leurs formes, les miroirs peuvent fournir un utile enseignement.
Accessoires indispensables, non seulement de la coquetterie, mais aussi de la propreté et de l’hygiène, ils ornent les meubles et les appartements, ils jouent un rôle important dans les sciences.
Les doubles miroirs que l’on rencontre dans bien des villes du nord de la France, en Suisse et en Allemagne, permettent de correspondre avec l’intérieur, et de se retourner quand on entend un coup de sonnette venant de la rue pour voir le visiteur qui vient.
Auxiliaire, dans ce cas, de la curiosité des petites villes, le miroir est l’âme d’une foule de jouets, comme le kaléidoscope, le praxinoscope et bien d’autres qu’il serait trop long d’énumérer. Grâce à qui sont possibles des illusions fort curieuses comme le décapité parlant, la crémation magique, la femme à trois têtes, etc, qui ont fait vivre plusieurs génératrices de forains et qui, se modifiant au goût du jour, sont employées au théâtre, dans les féeries où elles excitent le joyeux étonnement des enfants.
Les miroirs à surfaces courbes, par les étranges déformations de la figure humaine qu’ils produisent, excitent le rire et ont toujours un vif succès : au Conservatoire des Arts et métiers, dans une galerie du premier étage, en face d’un beau lot de miroirs courbes, il y a foule le dimanche. Un phonographe enregistrerait de façon fort amusante les rires les plus variés.
Parmi les types de miroirs les plus curieux nous citerons le miroir transformable de M. Carlos Alban et les miroirs magiques des Chinois et des Japonais.
Le miroir transformable de M. Carlos Alban est composé d’une plaque circulaire de verre mince argenté formant la face antérieure d’une sorte de boite remplie d’air. Quand cet air est à la pression atmosphérique, le verre argenté fonctionne comme un miroir plan ordinaire ; quand on augmente la pression de l’air à l’aide d’une poire en caoutchouc, le miroir se bombe et le spectateur voit son image devenir de plus en plus petite, d’où une illusion fort curieuse.
Si, au contraire, on aspire une partie de l’air de la caisse, l’image réfléchie grandit comme si elle s’avançait vers l’objet.
Quant aux miroirs magiques [1], leurs propriétés semblent véritablement merveilleuses. Ce sont des disques en bronze coulé d’un demi-centimètre d’épaisseur et dont la face postérieure porte des dessins en relief tandis que l’autre face légèrement convexe et parfaitement polie est recouverte d’un amalgame d’étain qui forme le miroir proprement dit. Quand on se place devant eux, on voit qu’ils fonctionnent comme tous les autres miroirs, c’est-à-dire qu’ils réfléchissent les objets placés devant eux ; mais si une grande quantité de lumière est réfléchie par cette face polie sur un écran, on voit paraître, sur ce dernier, une image représentant les reliefs de la face postérieure du miroir, face non éclairée.
Suivant la position de l’écran et la convergence du faisceau lumineux, on obtient une figure claire sur fond noir ou l’inverse. L’explication est que la surface réfléchissante porte en réalité des bosses et des creux imperceptibles correspondant aux cavités et aux saillies du revers.
Ces très faibles irrégularités se forment lorsqu’on travaille le métal pour le polir, sa résistance n’étant pas la même en tous ses points.
On fabrique d’ailleurs aujourd’hui des miroirs magiques en verre argenté qui donnent des résultats très satisfaisants.