Nos lecteurs ont appris par les journaux que de très intéressants essais de voitures propulsées par le « gaz des forêts » viennent d’avoir lieu sous les auspices de l’Automobile Club de France. Après un parcours de trois mille sept cents kilomètres à travers la France, qui n’a donné lieu à aucun déboire du côté des gazéificateurs employés, les voitures concurrentes ont été soumises, sur la piste de Montlhéry, à des épreuves sévères dont les résultats semblent avoir été également fort satisfaisants.
Nous assistons ici à l’aboutissement d’une longue série de recherches techniques dont le but est d’adapter aux voitures de tourisme le générateur de gaz à charbon de bois dont l’emploi est aujourd’hui classique à bord des camions.
Comment on fabrique le « gaz des forêts »
La fabrication de gaz combustible à partir du charbon de bois (ou même du bois sec) se présente de la façon suivante : Dans un foyer clos contenant le charbon de bois, on injecte un courant d’air, produit au moment de la mise en train au moyen d’un ventilateur et en régime normal par l’aspiration du moteur. Cet air est admis en quantité insuffisante pour produire du gaz carbonique, qui correspondrait à une combustion complète. Dans ces conditions, il se forme de l’oxyde de carbone combustible ou gaz pauvre qui est envoyé au moteur après une épuration convenable.
La question des épurateurs a été très difficile à résoudre, mais semble aujourd’hui bien au point. Constitués par de longs tubes qui forment en même temps refroidisseurs, ces épurateurs doivent arrêter strictement les poussières tout en se prêtant à un nettoyage facile.
Du côté du moteur, quelques modifications sont nécessaires car le « gaz de forêt » est pauvre, donc donnerait une puissance insuffisante. Fort heureusement, ce gaz est également antidétonant, c’est-à-dire qu’il supporte des compressions élevées qui permettent d’augmenter la puissance et d’améliorer le rendement du moteur.
Pratiquement, on ne peut guère dépasser le taux de 5 pour la compression d’un moteur à essence sous peine d’auto-allumage et de cognements, alors qu’on peut dépasser 8 avec le « gaz des forêts ». On peut aussi utiliser un moteur ordinaire avec un compresseur.
Voici le tourisme sans essence
Pour les voitures de tourisme, il ne saurait être question d’employer l’énorme et disgracieux gazéificateur cylindrique placé à côté du conducteur sur les camions.
Les constructeurs se sont efforcés de dissimuler les appareils sans modifier les lignes de la voiture. Berliet place le générateur dans la malle arrière et l’épurateur sous le châssis ; Panhard dissimule le générateur dans le « dôme aérodynamique » arrière et rejette l’épurateur sur le marchepied.
La mise en marche à froid s’est révélée relativement rapide, n’ayant exigé en aucun cas plus de 15 minutes, y compris l’allumage du charbon. L’essence n’a pas été employée pour ces lancements, qui ont été effectués uniquement avec le gazogène. Le « grand nettoyage » périodique n’a pas excédé une demi-heure. Quant aux vitesses réalisées, avec des moteurs de 13 et 14 CV fiscaux, elles ont été entièrement comparables à celles que l’on peut attendre de l’essence : 90 à 100 km à l’heure en palier, la vitesse commerciale ressortant alors à 70 km à l’heure et la vitesse commerciale en montagne à 50 km à l’heure. Ce sont là des résultats très satisfaisants.
Verrons-nous, sur nos routes, les voitures à gaz des forêts supplanter entièrement les voitures automobiles à essence ? Cela est peu probable, mais un développement important du nouveau mode de propulsion est possible, partout où la question du prix au kilomètre joue un rôle, car le gaz des forêts revient de 4 à 5 fois moins cher que l’essence.
Un problème pratique et… commercial reste maintenant à résoudre : celui de la préparation « standard » du charbon moteur et de sa vente en paquets le long de la route. Après la pompe à essence, nous aurions ainsi par un curieux retour des choses, le poste à charbon, comme pour les locomotives.
De nouvelles automobiles à vapeur
En Allemagne, on semble s’orienter actuellement dans une voie un peu différente avec les voitures à vapeur.
L’automobile à vapeur, avec les inventeurs français Cugnot au XVIIIe siècle, puis Serpollet à la fin du XIXe, a largement devancé le grand développement de l’automobile à essence. Serpollet utilisait une chaudière « continue », sans réserve d’eau, constituée par un serpentin à tube aplati, logé en plein feu ; refoulée par une pompe, l’eau sortait par l’autre extrémité du serpentin à l’état de vapeur.
La Société Henschel vient de mettre en exploitation un système analogue (licence Doble) qui peut être utilisé pour les voitures de tourisme. La chaudière, constituée par un serpentin enfermé dans une enveloppe calorifugée, est logée sous le capot et chauffée au mazout : le radiateur forme condenseur. La machine motrice, du type à double détente (compound), fonctionne sous 100 atmosphères et développe 80 CV ; la distribution est faite par tiroirs cylindriques. Il n’y a ni embrayage, ni boite de vitesses, la machine attaquant directement la couronne du différentiel par l’intermédiaire d’un pignon. Toutes les commandes se font au pied. La mise en train de la voiture ne demande pas plus de 2 minutes.
On a également construit des autobus et des camions de 120 à 150 CV, ainsi que des canots de 80 CV et des automotrices de 300 CV. Les possibilités de ce nouveau mode de propulsion sont donc très grandes et, ici, une concurrence assez sévère pour l’essence peut sans doute être envisagée.
Arthenay