Nous avons, par trois articles parus en 1899 [1], décrit l’état de l’automobilisme à cette époque, et montré le prodigieux essor pris par cette industrie, qui ne datait alors que de cinq ans à peine. Elle compte maintenant trois années de plus, et l’on peut bien penser que, partie comme nous l’avons vu, elle n’a pas manqué de mettre à profit cette nouvelle période.
Effectivement, elle a.réalisé de très grands progrès et pris un énorme développement, qui se sont affirmés de grandiose façon, en décembre 1901, à Paris, au Grand Palais, dans le Salon de l’Automobile, du Cycle et des Sports [2].
Nous allons esquisser le tableau de l’automobile en 1902, nous occupant successivement des voitures à moteurs explosifs, à vapeur, électriques et mixtes, et conservant, pour chacune de ces catégories, les divisions que nous avons adoptées dans nos articles de 1899.
Ces diverses parties de notre étude auront, d’ailleurs, des importances bien différentes, car les applications de la vapeur et de l’électricité n’ont guère changé, tandis que celles du pétrole et de son succédané, l’alcool, ont marché à pas de géant.
Le présent article sera consacré à l’étude des éléments des voiturés à moteurs explosifs (carburateur, moteur, transmissions, châssis, direction, roues, caisse) ; le second, à la description des principaux types de voitures à pétrole ou à alcool ; le troisième, aux véhicules à vapeur ; le quatrième, aux voitures électriques et mixtes.
I. - LE CARBURATEUR.
Le carburateur, âme du moteur à explosions, a été l’objet d’études et d’essais nombreux : ses modèles sont, aujourd’hui légion. A quelques exceptions près, pour lesquelles nous devrons créer une nouvelle classe, celle des distributeurs mécaniques, ils rentrent dans les trois que nous avons distinguées [3] : barbotage, léchage, pulvérisation, principalement dans la dernière, qui a de très nombreux représentants, presque toujours fort voisins les uns des autres.
Les carburateurs à barbotage et à léchage ne sont guère utilisés que par les motocycles, dont la clientèle ne leur est même pas exclusivement réservée. Pourtant, un carburateur à barbotage est toujours employé sur les voitures Delahaye.
Les carburateurs à pulvérisation se prêtent maintenant fort bien à la régulation par l’admission, vers laquelle semble s’orienter la construction nouvelle [4].
Les figures 1 à 5 donnent des exemples nouveaux et variés de ces carburateurs.
D’une façon générale, ils comprennent un réservoir à niveau constant et une chambre carburatrice ; pourtant, le carburateur Roubeau (fig. 3) n’a pas de réservoir.
La constance du niveau est obtenue par un flotteur qui, à l’aide d’un pointeau, ferme l’arrivée de l’essence quand le liquide a atteint dans le réservoir la hauteur voulue. Le plus souvent, le pointeau est manœuvré par l’intermédiaire de bras articulés [5] ; dans certains modèles récents (fig. 1, 2, 4), l’intermédiaire, assez inutile, de ces leviers est supprimé : le pointeau fait partie intégrante du flotteur, qui l’applique directement sur l’orifice qu’il doit boucher.
Du réservoir à niveau constant, l’essence se rend dans la chambre de carburation, où elle jaillit par un ajutage, sous l’influence de la dépression que cause la fuite du piston.
Si le tuyau qui relie le réservoir à l’ajutage est trop long, de trop grand volume, cela peut avoir un inconvénient quand, par suite d’une irrégularité dans le jeu des soupapes du moteur, les gaz brûlés arrivent dans la chambre carburatrice, et jusque dans le tuyau en question. Il peut, en effet, se faire que la présence des gaz brûlés empêche le piston d’aspirer utilement l’essence ou, en tout cas, l’essence exempte de ces gaz. Pour éviter cet inconvénient, certains carburateurs (fig. 4 et 5) sont disposés de façon à assurer le dégagement immédiat des gaz brûlés dans le réservoir à niveau constant, dès qu’ils ont pénétré dans l’appareil.
A sa sortie de l’ajutage, l’essence se mélange avec l’air ; dans certains carburateurs, jet d’air et jet d’essence se rencontrent à angle droit (fig, 4 et 5). Cette disposition nous semble préférable à celle qui leur assigne des trajectoires parallèles : les deux éléments doivent se pénétrer plus intimement.
Les distributeurs mécaniques envoient au cylindre, à chacune de ses aspirations, un volume d’essence ne dépendant en rien des circonstances qui peuvent le faire varier avec les autres carburateurs (dépression créée par la fuite du piston, pression et température de l’air extérieur, etc.), mais simplement du réglage donné une fois pour toutes à l’appareil ou modifié à chaque instant par le régulateur. Tels sont les distributeurs Henriod et Brillié.
Il nous reste à dire comment les appareils ci-dessus doivent être modifiés pour marcher avec l’alcool, qui, depuis quelques mois, remplace souvent l’essence dans l’alimentation des moteurs.
Pour les distributeurs mécaniques, il ny a aucun changement à effectuer, pourvu que la capacité des cavités qui mesurent le liquide conviennent à l’emploi de l’alcool.
Pour les autres, il faut distinguer entre l’alcool carburé et l’alcool pur. Avec l’alcool carburé à 50% au moins, la plupart des carburateurs marchent comme avec l’essence ; avec l’alcool moins carburé et a fortiori avec l’alcool pur, la mise en train est plus difficile et demande une température assez élevée. La plupart des carburateurs à barbotage sont suffisamment échauffés comme ils le sont pour la marche à l’essence. Les carburateurs à léchage demandent, le plus souvent, à être plus réchauffés que pour la gazoline ; il faut aussi enfoncer un peu plus dans le liquide la cheminée d’entrée de l’air, Pour les appareils à pulvérisation, le réchauffage est demandé aux gaz de l’échappement ou à l’eau de refroidissement du moteur ; il faut modifier le poids du flotteur dans le réservoir à niveau constant, pour tenir compte de la différence de densité des deux liquides (celle de l’alcool carburé est d’environ 0,850, alors que celle de l’essence oscille autour de 0,700).
II. - LE MOTEUR.
§ 1. - Cycle.
C’est toujours le cycle à 4 temps qui est universellement employé. Le moteur à 2 temps continue il ne pas l’être, malgré l’avantage qu’il offrirait de donner un mouvement plus uniforme avec sa course motrice par tour [6] . L ’infériorité du cycle à 4 temps diminue, d’ailleurs, à mesure que la vitesse augmente. Or, si les moteurs des grandes voitures, avec leurs 6, 8, 12 chevaux et plus, continuent à ne tourner qu’à 700 ou 850 tours, beaucoup de moteurs de voiturettes et même de voitures légères, de 3 à 8 chevaux, sans arriver aux 1.800 tours des motocycles, en font bien de 1.200 à 1.500 par minute : tels les moteurs Clément de 8 chevaux et Darracq de 9 chevaux, qui tournent respectivement à raison de 1.100 et 1.400 tours.
Il faut dire que ces moteurs à grande vitesse ne sont pas approuvés par tout le monde. Beaucoup se demandent si leur surmenage ne les voue pas à une usure rapide, capable de faire oublier leurs autres avantages, en tête desquels il faut placer l’augmentation de puissance, qui résulte de l’augmentation de leur vitesse [7].
Quoi qu’il en soit, on arrive avec eux à faire des moteurs d’une puissance étonnante comparativement à leur poids [8].
§ 2. - Puissance.
L’augmentation du nombre des tours n’est pas le seul moyen d’augmenter la puissance.
On peut aussi élever le taux de la compression, d’abord en diminuant les pertes par une bonne étanchéité des joints, puis en réduisant la chambre de compression.
Il est vrai qu’avec une compression plus forte le moteur chauffe davantage. Il y a deux moyens de combattre cet échauffement : activer le refroidissement ou faciliter le dégagement des gaz brûlés. Le premier conduit à une moins bonne utilisation, ou, pour être plus exact, à un plus grand gaspillage du combustible ; aussi lui préférons-nous le second, qui conduit à augmenter le diamètre et la levée des clapets d’échappement.
Dans les moteurs actuels, la compression varie de 2,5 à 4 ou 5 atmosphères ; peut-être pourrait-on la porter utilement à 6, même 7 atmosphères ; en tout cas, il faudrait se tenir toujours plus près de sa limite supérieure que de sa limite inférieure.
Pour déterminer l’influence véritable de la compression, comme celle des autres éléments qui peuvent faire varier la puissance d’un moteur(carburation, allumage, vitesse, etc … ), il serait bien désirable qu’on procédât à des expériences méthodiques.
L’indicateur Mathot, qui n’est autre que l’indicateur de Watt accommodé à l’usage des moteurs à explosions, par la suppression des difficultés inhérentes à la marche très rapide de ces moteurs et surtout aux dissemblances que peuvent présenter les explosions successives, serait pour ces expériences un outil tout indiqué.
L’Exposition de décembre 1901 nous en a révélé un autre, dont remploi semble très commode et très sûr : le manographe ou indicateur optique de MM. Hospitalier et Carpentier, qui utilise, pour tracer le diagramme, un rayon lumineux ; ses indications ne sont pas faussées par les trépidations du moteur, parce que l’appareil ne lui est relié qu’à l’aide d’un tube et d’un arbre flexibles [9].
Mais la mesure de la puissance indiquée d’un moteur, comme la détermination au frein de la puissance disponible sur son arbre ou sur les jantes de la voiture, restent toujours assez complexes. Or, il peut être intéressant de calculer approximativement la puissance d’un semblable moteur. Beaucoup de formules empiriques ont été proposées. Nous nous contenterons de citer celle que propose M. G. Richard : P= nD²lx, P étant la puissance en chevaux, n le nombre de cylindres, D le diamètre de l’alésage et l la course des pistons en décimètres, x un coefficient, égal à 6 pour les moteurs à grande vitesse (tricycles, voiturettes), à 3,5 pour les moteurs à vitesse normale (700 à 800 tours).
§ 3. - Distribution.
Quelques constructeurs, reprenant une idée qui remonte à la construction des premiers moteurs i pétrole, commandent mécaniquement leurs soupapes d’admission, afin d’assurer à l’aspiration plus de régularité. Effectivement, les soupapes automatiques, encore presque universellement employées parce qu’elles sont plus simples, ne donnent l’admission uniforme voulue que quand elles sont bien construites et bien réglées ; et le réglage en est assez délicat.
Dans les moteurs Bucher, auxquels leurs succès en maintes courses et les essais aéronautiques de M. Santos-Dumont ont donné un relief bien mérité, les soupapes d’admission et d’échappement sont montées sur le cylindre même, sans l’interposition d’aucune chambre.
La soupape d’échappement est ordinairement placée juste au centre de la culasse, de forme hémisphérique, en un point où l’échappement intégral est bien facilité. cette position a été rendue possible par l’emploi d’un levier à bascule pour actionner cette soupape.
Quand il y a deux cylindres au moteur Buchet, une came double d’une seule pièce, dès lors indéréglable, commande les deux échappements et leur assure des périodes bien identiques. Cela a permis de fractionner entre deux cylindres la force motrice appliquée aux motocycles de courses, et d’atténuer ainsi, par l’équilibrage partiel résultant du fonctionnement des deux pistons, les chocs formidables qu’un seul piston trop puissant imprimait au léger véhicule.
Lorsqu’il y a deux paires de cylindres, chaque paire est commandée par une came d’échappement ; ces deux cames, bien semblables, assurent un fonctionnement identique aux quatre pistons, et le rendement en est augmenté. C’est le cas des moteurs à quatre cylindres qui actionnent les dirigeables de M. Santos-Dumont.
§ 4. - Régulation.
C’est une grosse question, intimement liée à la souplesse et à la bonne marche de la voiture, à sa consommation qu’il y a tant d’intérêt à réduire [10].
Le moyen le plus logique, et qui n’est pourtant que rarement employé, consiste, dans les moteurs comprenant de multiples cylindres, à ne laisser en activité qu’un nombre de ces cylindres proportionnel au travail à effectuer, Ce moyen est le plus rationnel. parce qu’il ménage mieux que tout autre la possibilité de faire travailler les cylindres à pleine charge, c’est-à-dire dans les conditions les plus économiques. Les moteurs à quatre cylindres Mercédès l’utilisent assez couramment, et plus rarement certains moteurs Panhard.
Mais ce procédé ne saurait suffire pour graduer constamment la puissance du moteur au travail qui lui est demandé : il faut pouvoir faire varier la puissance d’un cylindre.
Pour les moteurs munis de l’allumage électrique, un moyen assez simple consiste à changer le moment de l’inflammation, ou même à supprimer cette dernière : M. Partin et la Pope Manufacturing Co emploient la première variante ; M. de Boisse et Mme veuve Levassor, la seconde. Aucune d’elles, la dernière surtout, n’est économique : si l’inflammation est trop avancée ou retardée, elle ne produit pas tout l’effet dont elle est capable ; si elle est supprimée, la cylindrée est expulsée sans avoir été du tout utilisée.
Il vaut mieux agir, comme on le fait d’habitude sur I’échappernent ou l’admission.
Très souvent, on empêche les soupapes d’échappement de s’ouvrir : le cylindre reste plein de gaz brûlés, et, lors de la course suivante du piston, qui devrai t être aspirante, aucune dépression ne provoque l’ouverture de la soupape d’admission : .aucun gaz neuf n’entre dans le cylindre.
Plus rarement, on empêche les soupapes d’échappement de se fermer : après l’expulsion des gaz brûlés, le piston aspire de l’air extérieur, qui a l’avantage de refroidir le cylindre ; il n’entre, d’ailleurs, dans ce dernier pas plus de gaz frais qu’avec le dispositif précédent.
Ces deux variantes du procédé suppriment, en somme, l’admission. Ce qu’elles font indirectement, on peut le faire directement, en empêchant les soupapes d’admission de s’ouvrir (comme le fait la maison Panhard, quand elle bloque électro-magnétiquement ces soupapes) ou en obturant complètement le canal qui amène, du carburateur au cylindre, le mélange détonant (comme dans certains moteurs Abeille et Aster). On peut même suspendre toute sortie d’essence du carburateur, comme le fait M. Schaudel dans son appareil à pulvérisation : quand le moteur dépasse le nombre de tours normal, le courant d’air aspiré par lui prend une vitesse telle qu’un disque placé sur son parcours fait basculer un doigt qui obture le gicleur.
Tous les procédés que nous avons énumérés jusqu’ici procèdent par tout ou rien. Ils ont l’avantage de n’admettre dans le cylindre qu’une quantité constante de mélange carburé à dosage uniforme, qu’on s’efforce de régler pour la meilleure combustion possible ; mais ils ont un inconvénient fort grave : pour peu que la puissance du moteur devienne supérieure au travail que lui demande le véhicule, le régulateur suspend brusquement toute action propulsive. Marchant en vertu de la seule vitesse acquise, le moteur ne tarde pas à se montrer au-dessous de sa tâche : le régulateur lui rend alors toute sa force, jusqu’au moment où, cette force étant de nouveau supérieure au travail requis, il la lui supprimera encore intégralement. Le moteur marche ainsi par à-coups, peu favorables à la durée du mécanisme, et encore moins compatibles avec la bonne utilisation de la voiture, sa souplesse et le confort des voyageurs.
Le régulateur ne lui donne pas, en effet, cette élasticité, qui lui permettrait de prendre les allures intermédiaires entre celles que définit mécaniquement la transmission. Il laisse la voiture soumise à ces crans de vitesse, toujours trop séparés, quelque soin qu’on ait pris d’en multiplier le nombre au prix des complications les plus sérieuses.
Aussi observe-t-on chez les constructeurs de très louables efforts pour rendre progressive la régulation.
Quand elle agit sur l’échappement, on peut faire varier la durée ou la hauteur d’ouverture de la soupape.
Si l’on augmente la durée au-delà de sa valeur’ normale, c’est-à-dire quand on donne de l’avance à. l’échappement, les gaz brûlés n’exercent pas sur le piston toute leur action propulsive : une partie de leur énergie est perdue.
Si l’on diminue cette durée ou la course de la soupape, une partie des gaz brûlés reste dans le cylindre. On pourrait craindre qu’ils diluent les gaz neufs et qu’ils rendent le mélange inexplosible ; en fait il n’en est rien [11].
La régulation progressive par échappement est notamment employée : dans les voitures Hautier , où elle agit par retard apporté à cet échappement ; dans certaines voitures Mors, où elle agit par retard apporté à l’échappement et à l’allumage ; dans les voitures Tourand et certaines voitures Peugeot, où elle procède par ouverture variable de la soupape d’échappement ; dans les nouvelles voitures de Dion-Bouton 1902, où elle fait varier la durée et l’amplitude de l’échappement, mais sans avancer ni retarder celui-ci, qui commence toujours au même point de la course du piston. Sur les voitures de Dion-Boulon, l’échappement est ainsi réglé par la main même du chauffeur ; il serait, d’ailleurs, facile de le commander automatiquement.
Mais c’est principalement sur l’admission qu’agit la régulation progressive.
Avec les distributeurs mécaniques, on peut faire varier l’arrivée de l’essence dans le carburateur. C’est ce que l’on fait dans les voitures Gobron-Brillié ; dans les voitures américaines Winton, on étrangle également l’arrivée de l’essence au carburateur, mais on étrangle aussi l’arrivée du mélange carburé au cylindre.
Sur les voitures où les soupapes d’admission sont commandées mécaniquement, on peut faire varier la levée et la durée d’ouverture de ces soupapes : c’est ce qu’on pratique sur certaines voitures Daimler ; M. Léon Bollée, dans ses voitures 1902, fait aussi varier la course de la soupape d’admission.
Le même procédé peut s’employer, sans commander mécaniquement les soupapes, en faisant varier la tension de leurs ressorts.
Mais le mode de régulation progressive par l’admission de beaucoup le plus employé est celui qui consiste à étrangler plus ou moins le conduit qui amène le mélange explosible du carburateur au cylindre. L’Exposition de 1901 nous a montré combien ce procédé était actuellement en faveur. Nous l’avons notamment remarqué sur les voitures Panhard à moteur Centaure, sur les voitures Mors, Darracq, Clément (où le réglage se fait par tout ou rien quand le moteur est débrayé, et progressivement quand il est embrayé). La figure 6 représente le schéma de la régulation par l’admission, telle qu’elle est appliquée sur le moteur Centaure.
Ce procédé de régulation par étranglement de la conduite d’admission est très simple ; mais il a besoin d’être bien appliqué. Il faut éviter que cet étranglement, par la détente qu’il occasionne dans le mélange carburé et par l’abaissement de température qui peut en résulter, n’amène la condensation d’une partie de l’essence et l’appauvrissement du mélange ; si cet inconvénient se produisait sérieusement, il en résulterait des ratés d’explosions. D’une façon générale, quand on fait varier l’admission, on s’expose au danger de n’introduire dans le cylindre qu’une quantité de mélange détonant trop faible pour qu’il en résulte, par le jeu du piston, une compression capable d’amener les gaz frais au contact du tube incandescent : aussi est-il prudent, sinon indispensable, de recourir à l’allumage électrique, avec lequel I’étincelle jaillit toujours au sein du mélange carburé.
§ 5. - Allumage.
A l’époque où nous avons décrit les procédés : d’allumage par brûleurs et par étincelle électrique, et mis en relief leurs avantages réciproques [12], ces deux procédés étaient seuls à se disputer la clientèle des constructeurs, et l’allumage par incandescence était le plus employé. Nous n’avons rien à ajouter à ce que nous avons dit de ce dernier ; mais nous parlerons assez longuement de l’allumage électrique, qui a pris un grand développement, et nous dirons quelques mots de certains systèmes qui ont fait leur apparition depuis noire dernière étude.
L’allumage électrique utilise le plus ordinairement encore l’étincelle d’induction d’un courant secondaire (étincelle de fermeture ou de rupture) ; mais, depuis quelques mois (et la tendance s’était déjà affirmée à l’Exposition dernière), l’étincelle de rupture du courant primaire, renforcé ou non par la self-induction, a reçu des applications fréquentes.
1. Allumage par étincelle d’induction. - Il comporte remploi d’un générateur d’électricité, d’une bobine d’induction, d’une came et d’une bougie.
Le générateur d’électricité est souvent une pile sèche : une bonne pile de ce genre doit fournir le service de 4.000 à 5.000 kilomètres. Mais elle est toujours chère. On lui préfère, pour ce motif, des accumulateurs, dans lesquels la matière première peut être réutilisée par un nouveau chargement : les accumulateurs sont plus délicats que les piles, mais ils fournissent un allumage plus nourri. Les constructeurs ont une tendance à remplacer ces entrepôts secondaires d’électricité par un générateur primaire, magnéto ou dynamo. Ainsi, la maison Decauville emploie parfois une magnéto avec un appareil destiné à redresser ses courants. Mais, quand on emploie l’étincelle d’induction, il est plus naturel de demander, comme le fait aussi la même maison, le fluide à une dynamo, qui donne directement du courant continu, et n’oblige pas, comme la magnéto, à réaimanter quelquefois les inducteurs.
C’est ce que fait également la maison Panhard, qui avait exposé un dispositif d’allumage par dynamo, actuellement appliqué à ses voitures (fig. 7) : cette dynamo alimente normalement la bobine d’induction et accessoirement les accumulateurs, qui ne servent ordinairement que pour la mise en marche [13].
Les bobines de Ruhmkorff employées en automobilisme doivent pouvoir donner des étincelles de près de deux centimètres de long, ce qui correspond à une tension d’environ 20.000 volts , avec un ampérage, d’ailleurs très faible, d’environ un deux-cent-millionième d’ampère.
La came est l’organe chargé de ne laisser passer le courant primaire qu’au moment où il est nécessaire pour l’allumage. Quand la bobine n’est pas munie du trembleur ordinaire, la came doit remplir, en outre, le rôle d’interrupteur.
La bougie, entre les pointes de laquelle jaillit l’étincelle, se compose d’un fil métallique occupant l’axe d’un cylindre de porcelaine isolante, ordinairement scellé dans un culot de métal formant lui-même écrou pour visser le tout dans la culasse du moteur ; les filets de cet écrou portent un petit crochet de platine, qui se termine à un millimètre de l’extrémité du fil. La bougie est un organe délicat, dont il existe beaucoup de modèles ; pour parer aux dislocations que les différences de dilatation peuvent amener dans leur scellement, la maison G. Richard a construit celle de la figure 8.
La figure 9 montre comment les divers organes que nous venons de décrire sont groupés dans le dispositif d’allumage Panhard.
2. Allumage par étincelle de rupture du courant primaire. - Cet allumage est, comme dispositif, plus simple que celui qui utilise l’étincelle d’induction, surtout quand on emploie, non plus une dynamo avec accumulateur pour la mise en marche, et bobine de self-induction, comme le faisait primitivement M. Mors, le véritable instigateur du procédé, mais simplement une magnéto.
Les visiteurs de l’Exposition ont pu faire fonctionner le mécanisme d’allumage que cette Maison avait installé dans son stand : quelques tours de manivelle, à une allure fort modérée, faisaient jaillir l’étincelle, successivement dans les quatre cylindres, grâce à une came produisant, au moment voulu pour chaque cylindre, l’interruption du circuit lui amenant le courant de la magnéto.
La simplicité est poussée à son maximum par l’absence de tout mécanisme d’avance à l’allumage : les constructeurs jugent cette dernière parfaitement inutile. La figure 10 donne le schéma du dispositif.
Certains moteurs Peugeot, Gobron-Brillié , Eldin-Lagier, Mutel, etc., sont munis de dispositifs d’allumage par magnéto et étincelle de rupture. Les dispositifs Simms et Bosch, et Bargmann. connus depuis plus longtemps, le premier avec le mouvement oscillatoire, le second avec le mouvement rotatif de la partie mobile de la magnéto, continuent à être employés sur quelques voitures [14].
3. Allumage par auto-incandescence. - Il est fondé sur la propriété dont jouissent la mousse ou un fil de platine de se maintenir incandescents au contact de l’air carburé : le tube ordinaire d’allumage est entouré par un autre tube en platine, ouvert aux deux bouts, et l’intervalle entre les deux tubes est rempli par la mousse ou le fil en question ; un conduit amène à leur contact l’air carburé qui entretient leur incandescence. La figure 11 représente l’auto-incandescent Deschamps [15].
L’auto-incandescent a l’avantage de supprimer toute flamme ; le vent et la pluie n’en gênent donc pas le fonctionnement, et tout danger d’incendie semble supprimé. Il suffit, pour arrêter la voiture, de fermer le robinet d’accès de l’air carburé.
4. Allumage électro-catalytique Wydts. - Il a fait son apparition à la dernière Exposition, et n’a dés lors pu recevoir encore la sanction d’une assez longue pratique. Il est, comme son nom l’indique, fondé sur la force catalytique (d’un alliage d’osmium) excitée par un courant électrique [16].
L’appareil, qui affecte la forme générale d’une bougie électrique, à la place de laquelle il se visse sur le cylindre, est représenté par la figure 12, qu’accompagne une légende très explicite. Pour la mise en marche, on réunit les bornes b et p avec les pôles d’une pile, simplement capable de fournir un courant de 1 volt et 0,5 ampère. Si la carburation est bonne, le moteur part dès qu’à l’aide du levier l on a enfoncé le piston jusqu’à obturer l’ouverture e ; vingt secondes après, on peut couper le courant qui traverse le fil d’osmium et le moteur continue à tourner. On peut, d’ailleurs, lui donner de l’avance à l’allumage en enfonçant un peu plus le piston dans le corps cylindrique. Pour provoquer l’arrêt instantané de l’allumage, il suffit de ramener, à l’aide du levier l, le piston en arrière jusqu’à ce qu’il découvre l’orifice e : l’air froid abaisse la température du fil, en même temps qu’il trouble la carburation du mélange : les explosions cessent aussitôt [17].
§ 6. - Cylindres.
On en emploie le plus ordinairement deux, assez souvent quatre. Pourtant, l’Exposition a accusé chez certains constructeurs une tendance très marquée à employer des moteurs mono-cylindriques, dont la puissance est portée jusqu’à 8 et 9 chevaux : tels les moteurs de Dion-Bouton, Clément, Darracq, Léon Bollée, Henriod, Lepape , etc. que nous décrivons plus loin pour la plupart.
Au point de vue de l’équilibrage, cette tendance nous paraît peu logique.
§ 7. - Équilibrage des moteurs.
La question de l’équilibrage des moteurs est, en effet, très importante à résoudre, parce qu’elle s’attaque à l’un des gros défauts de la voiture à pétrole : les trépidations qui, amplifiées par les ressorts, nuisent au confort, fatiguent les assemblages, déforment le châssis et certainement réduisent beaucoup la durée de la voiture [18].
Dans les moteurs mono-cylindriques, ces trépidations peuvent bien être partiellement atténuées par des contre-poids, par l’association de deux arbres tournant en sens inverse avec des vitesses égales, etc … Mais, avec les moteurs à plusieurs cylindres, on a, en outre, la ressource de faire varier les positions réciproques de ces cylindres, des manivelles, les phases des distributions.
A vrai dire, ces variations ne donnent pas toujours, dans la pratique, les résultats qu’on serait en droit d’attendre. Ainsi, il paraît tout indiqué, avec deux cylindres, de caler leurs manivelles à 180°, pour équilibrer les efforts d’inertie ; mais cette disposition a le défaut d’espacer inégalement les explosions, qui se produisent avec elle dans les deux cylindres à un demi-tour d’intervalle, le groupe de deux explosions successives étant alors séparé du groupe suivant par un tour et demi : de sorte qu’en pratique il semble préférable d’atteler les deux bielles sur un même vilebrequin, qu’on peut d’ailleurs équilibrer, et qui permet d’avoir une explosion à chaque tour. Le calage des manivelles à 180° retrouve, au contraire, tous ses avantages avec quatre pistons groupés deux à deux sur les deux manivelles : les forces d’inertie sont équilibrées, et l’on a une explosion à chaque demi-tour. La multiplicité des cylindres a, du reste, en dehors de tout calage combiné des manivelles, et même quand ils ne sont que deux, l’avantage d’augmenter le nombre des explosions et de régulariser la marche du moteur.
Les solutions adoptées par les constructeurs sont assez diverses. MM. Gobron et Brillié accolent ordinairement deux cylindres parallèles dans un même plan passant par l’axe de l’arbre du moteur ; chacun de ces cylindres contient deux pistons, entre lesquels se produit. l’explosion : l’un, qui attaque directement l’arbre par une bielle ; l’autre, qui l’actionne par un palonnier, deux bielles et deux manivelles. M. Bardon n’emploie qu’un cylindre, mais deux pistons séparés par une chambre d’explosion commune. M. Tourand emploie deux axes connexes, tournant en sens inverse l’un de l’autre, et sur lesquels sont calées à 180° les manivelles des deux cylindres parallèles, d’ailleurs équilibrées par des contre-poids. Dans un dispositif récent, appliqué à un moteur bi-cylindrique avec manivelles calées à 180°, la maison Panhard dispose deux masses convenables, l’une sur une manivelle, l’autre du côté opposé sur le volant.
§ 8. - Moteurs verticaux et moteurs horizontaux.
Le moteur vertical domine de beaucoup. M. L. Périssé a trouvé, au Salon de 1901, 86 moteurs verticaux pour 14 moteurs horizontaux. Il n’est pas défendu de voir dans ces proportions numériques quelque influence de la mode du jour : l’ovalisation du moteur horizontal n’est pas aussi redoutable qu’on a bien voulu le dire, car le poids du piston est assez insignifiant, si on le compare à la pression, normale aux parois du cylindre, qui résulte de l’obliquité de la bielle. La véritable supériorité du moteur vertical réside dans sa plus grande uniformité de graissage et dans la facilité qu’il donne pour le loger à l’avant de la voiture ; mais ces avantages n’expliquent pas l’abandon presque complet du moteur horizontal.
Signalons la position inclinée donnée il leurs cylindres par MM. Ader et Schaudel, dont nous décrirons les voitures dans notre second article.
§ 9. - Refroidissement des cylindres.
Il faut empêcher le moteur de chauffer, pour éviter la décomposition des huiles de graissage, qui se produirait vers 300°, et donnerait des dépôts charbonneux qui gêneraient le fonctionnement des soupapes et pourraient les mettre hors d’usage. Le mal pourrait aller jusqu’au grippage du piston.
C’est le cylindre, plus spécialement la culasse et les soupapes (celle d’échappement surtout), qu’il faut refroidir. On a presque exclusivement recours à un courant d’eau.
La circulation par différence de densités n’est pas très employée. Elle donne pourtant de très bons résultats dans les voitures Renault, à moteur de Dion-Bouton, comme elle en donnait, paraît-il, dans les voitures Bolide de M. Lefebvre [19].
La circulation par pompe est, au contraire, fort souvent utilisée, presque toujours avec appareil centrifuge. Il est essentiel d’éviter l’usure trop rapide de son axe en le faisant supporter par deux paliers très longs, et de maintenir le contact de la poulie qui l’actionne avec le volant du moteur. Quelquefois la pompe centrifuge est actionnée par engrenages, très rarement par une chaîne Galle. Quelquefois aussi, on emploie une pompe à engrenages, qui débite moins, mais qui se contente de vitesses beaucoup plus faibles, 300 à 400 tours à la minute.
L’eau, que la différence des densités ou la pompe ont fait circuler autour du cylindre, est refroidie par le radiateur, tube de cuivre ordinairement replié en serpentin, et armé d’ailettes en fer ou aluminium, plates ou ondulées, soudées ou simplement embouties. Un défaut du radiateur ordinaire est de ne demander sa réfrigération qu’au seul courant d’air résultant pour lui du vent et du mouvement de la voiture. Or ce courant d’air se montre insuffisant, de façon accidentelle avec les voitures de tourisme, quand l’ascension d’une côte réduit leur vitesse à un taux assez bas, de façon permanente avec les voitures industrielles transportant des poids lourds à des vitesses minimes. Le remède consiste il charger un ventilateur, que le moteur actionne, d’envoyer sur le radiateur un courant d’air à peu près indépendant de la vitesse du véhicule.
C’est le cas du radiateur à nid d’abeilles que nous décrirons en parlant du moteur Mercédès ; c’est aussi celui du radiateur soufflé, que MM. Grouvelle et Arquembourg ont exposé en 1901.
Au lieu d’agir comme véhicule de la chaleur, seulement chargé de la transporter en un point où elle est plus facile à dissiper, l’eau peut absorber la chaleur du moteur en se vaporisant : la température de ce dernier est donc toujours maintenue à 100°. Ce procédé est employé sur les voitures Amédée Bollée, sur les voiturettes Delahaye : la vapeur produite est en majeure partie condensée par un radiateur.
Pour les petits moteurs, jusqu’à trois chevaux environ, on continue à employer le refroidissement par le courant d’air qui frappe les ailettes dont sont munis la culasse et le cylindre.
III. - DESCRIPTION DE QUELQUES NOUVEAUX MOTEURS.
§ 1 . - Moteur Centaure.
C’est la dernière création de la maison Panhard : nous en connaissons le carburateur, le mode de régulation par l’admission, et l’allumage électrique. Les cylindres sont coulés d’une seule pièce, de manière à éviter les joints de culasse : la partie supérieure du bloc est fermée par un couvercle qui recouvre la chambre d’eau. Les soupapes d’admission et d’échappement sont situées l’une au-dessus de l’autre dans un logement fermé par un bouchon : les bouchons des deux cylindres accolés sont maintenus sur leurs orifices par une bride, que maintiennent serrée un écrou et un contre-écrou. Les soupapes d’échappement sont commandées par des liges verticales, qui se terminent par des fourches embrassant les cames de l’arbre de dédoublement : ce mode de commande est beaucoup plus simple que ne l’était celui des soupapes du moteur Phénix par lesquelles se faisait la régulation. L’arbre à cames est enfermé dans une gaîne, qui communique avec le carter, et il est lubrifié par les projections d’huile qui lui arrivent des têtes de bielles.
La figure 13 représente le moteur Centaure dit de 30 chevaux.
Il se fait à 2 ou 4 cylindres (toujours avec un seul carburateur), donnant une force de 6, 8, 12, 20 chevaux. Les voitures engagées par la maison, en 1901, dans les courses Paris-Bordeaux et Paris-Berlin, où elles sont arrivées en paquets de six, sans aucune défaillance, étaient équipées avec un moteur dit de 30 chevaux, capable d’en développer 40 et de leur imprimer la vitesse de 100 et 120 kilomètres à l’heure en palier. Ce moteur fait 750 tours à la minute, pèse environ 350 kg, occupe un espace de 1 mètre de hauteur sur 1 mètre de largeur et 0,65 m de profondeur, et consomme moins de 500 grammes d’essence par cheval-heure. Dans la course Paris-Vienne, la maison a engagé des voitures de 70 chevaux dont le moteur, nous l’avons dit, ne pèse pas beaucoup plus de 4 kg par cheval [20] .
§ 2. - Moteurs Mors.
Le moteur Mors, type Paris-Berlin, se fait à 4 cylindres avec chemises rapportées en aluminium. L’allumage s’opère par magnéto tournante, comme nous l’avons expliqué ; pourtant, sur les voitures de courses, il est fait par des accumulateurs, mais toujours avec étincelle de rupture. Dans les moteurs de 8 chevaux, le régulateur mécanique agit sur l’admission des gaz ; dans ceux de 12 à 15 chevaux, sur l’échappement, par tout ou rien. Une pédale permet d’accélérer le moteur en bloquant les culbuteurs chargés d’empêcher l’ouverture des soupapes d’échappement. La modération peut être obtenue par un secteur denté, dont le levier porte une tige à fourche agissant sur un ressort don t l’action vient s’ajouter à celle de la force centrifuge sur les boules et permet ainsi d’augmenter le nombre des passages à vide. Enfin, un levier commande les obturateurs de l’admission. La circulation d’eau est assurée par une pompe à double refoulement que commandent des engrenages.
S 3. - Moteurs Mercédès.
C’est avec eux que la Daimler Motoren Gesellschaft, de Cannstatt, équipe ses voitures.
Le moteur Mercédès 1901, de 35 chevaux (à 1.000 tours), a 4 cylindres de 110 mm d’alésage et de 145 mm de course, fondus deux par deux avec leurs enveloppes et n’ayant pour deux cylindres qu’un carburateur, un tube d’admission, un tube d’échappement, un conduit d’entrée et un conduit de sortie d’eau. Chaque carburateur, placé au contact même des cylindres qu’il dessert, se compose simplement d’un ajutage, communiquant avec un réservoir à niveau constant. Les deux carburateurs reçoivent l’essence venant d’un récipient d’environ 125 litres placé à l’arrière de la voiture, au-dessous du châssis, et dans lequel s’exerce la pression des gaz d’échappement.
Les soupapes d’admission sont commandées pm’ un arbre à cames, qui porte aussi le régulateur : celui-ci agit en empêcha n t les soupapes de s’ouvrir, par un mécanisme analogue à celui des soupapes d’échappement des moteurs Phénix [21]. L’allumage se fait par’ étincelles de rupture : la magnéto est commandée, à l’aide d’engrenages, par l’arbre d’échappement ; les doigts mobiles qui produisent la rupture du circuit (comme nous ra vans vu dans l’allumage Mors) sont ici manœuvrés par des tiges qu’on peut déplacer dans le sens horizontal, pour faire varier l’avance à l’allumage. Un dispositif à cames étagées permet de ne mettre en jeu qu’un, deux ou trois cylindres, en maintenant bloquées les soupapes d’aspiration des autres.
Le refroidissement est assuré par un courant d’eau, que fait circuler une pompe, montée sur le prolongement de la magnéto et, dès lors, conduite comme elle par l’arbre d’échappement. Le radiateur, à nid d’abeilles, est formé par 5.800 tubes horizon taux , de section carrée, laissant entre eux des intervalles très petits entre lesquels circulent les 7 litres d’eau qui suffisent pour le refroidissement du moteur. Un ventilateur, conduit encore par l’arbre d’échappement, entretient dans les tubes du radiateur un courant d’air qui les rafraîchit, même pendant l’arrêt du véhicule.
Le moteur Mercédès- Simplex 1902, de 40 chevaux, qui actionnait la voiture arrivée première dans la course de côte de la Turbie, le 8 avril 1902, et le gagnant de la course du Mille, à Nice, le 13 avril 1902, est, comme son nom l’indique, beaucoup plus simple que le précédent. La régulation se fait progressivement par l’admission et permet au moteur de marcher entre 200 et 1.200 tours par minute. L’allumage est assuré par un appareil à courant alternatif, sans pièces sujettes à usure. Le ventilateur est constitué par le volant lui-même.
§ 4. - Moteur Darracq.
Ce moteur mono-cylindrique de 9 chevaux forme (fig. 14), avec le carburateur et la pompe, un bloc fixé au châssis par 4 boulons. Il est vertical, sans culasse rapportée. L’allumage se fait par pile et bobine. La régulation s’opère automatiquement par un appareil à boules, qui ferme plus ou moins une valve placée sur la conduite d’admission. Un ressort est relié à la commande rigide de ce régulateur ; en diminuant ou augmentant, à l’aide d’une pédale, la tension de ce ressort, on modère ou l’on accélère l’allure du moteur, entre 200 et 1.600 tours ; le taux normal est de 1.400 tours.
Le carter du moteur porte un regard que ferme un tampon à charnière appliqué par un ressort à boudin. On voit ainsi facilement ce qui se passe à l’intérieur.
§ 2. - Moteurs Buchet.
Ils ont tous leurs soupapes d’admission et d’échappement montées sur la culasse, comme nous l’avons dit.
Ceux de 4 à 24 chevaux, destinés aux motocycles, voitures et ballons, ont de 1 à 4 cylindres, refroidis par des ailettes. A chacune des manivelles sont accolés deux volants, qui sont donc intérieurs au carter. La régulation s’y fait par échappement avec la came double indéréglable pour chaque paire de cylindres dont nous avons parlé ; l’allumage par came et bobine sans trembleur peut, grâce à ce réglage de l’échappement, être assuré et avancé de quantités identiques pour tous les cylindres.
M. Buchet construit, jusqu’à 40 chevaux, des moteurs à refroidissement par circulation d’eau, volant extérieur, régulation par d’admission. La figure 15 représente celui de 40 chevaux, dont les cylindres ont 110 millimètres d’alésage, 120 millimètres de course ; il donne sa force nominale à 1.800 tours, et ne pèse, avec son volant, que 175 kilogrammes, ce qui donne environ 4,300 kg par cheval.
§ 6. - Moteur Hautier.
Le moteur Espérance, de 7 ou 10 chevaux, se fait à deux cylindres parallèles, avec ou sans régulateur automatique ; la régulation est, comme nous l’avons dit, obtenue en faisant varier le temps de la levée de la soupape qui sert à l’échappement ; cette soupape est commandée par une came à redans qu’on peut déplacer sur son arbre, de manière à raire attaquer la soupape par le redan convenable, et la tenir ouverte pendant le quart, la moitié ou la totalité du temps normal, mais toujours avec sa levée totale.
Pour permettre l’avance à l’allumage avec les tubes incandescents qui sont ordinairement employés sur ce moteur, les cylindres peuvent être, sur demande, munis d’une chambre auxiliaire, qu’une soupape fait ou non communiquer avec la chambre ordinaire de la culasse [22].
§ 7. - Moteurs de Dion-Bouton.
Les moteurs de voitures, de 6 et 8 chevaux, se font sur le type bien connu du moteur de tricycle des mêmes constructeurs ; les dimensions en sont convenablement agrandies. Le cylindre, toujours unique, est coulé d’une pièce en fonte de fer ordinaire ; le bâti, en aluminium additionné d’un peu de cuivre, qui le rend plus résistant et plus fluide au moment de la coulée, est en deux demi-boîtes qui se joignent hermétiquement dans le sens vertical, La soupape d’échappement est en nickel ; c’est par elle que se fait la régulation progressive telle que nous l’avons définie plus haut. Le mécanisme de cette régulation, logé dans un renflement du bâti, comprend, indépendamment de la came et de la tige ordinaire de soulèvement de la soupape, un levier qui porte sur la came par un galet, et sur lequel repose, par son extrémité inférieure, la tige de soulèvement ; un excentrique permet de donner à ce levier une inclinaison variable, et de modifier ainsi la durée et l’amplitude. du l’échappement, en le faisant toujours commencer au même point de la course du piston [23].
Pour suppléer à la dualité des cylindres, propice, comme on le sait, à l’uniformisation du mouvement, MM. de Dion et Bouton adjoignent à leur cylindre moteur de 12 chevaux un second cylindre, ouvert aux deux bouts et parcouru par un piston, dont le mouvement parallèle et de même sens que celui du piston moteur est accessoirement utilisé pour la commande d’une pompe de graissage, mais est destiné à actionner un arbre horizontal parallèle à l’axe moteur auquel il est relié par des engrenages. Le piston moteur et le piston auxiliaire ont le même poids ; ils sont équilibrés chacun par un contre-poids situé sur le prolongement de sa manivelle. Mais ces contre-poids n’équilibrent les efforts verticaux, dus à l’inertie des pistons, qu’en créant des efforts horizontaux de même période ; or, ces derniers sont annulés par l’accouplement des deux cylindres et des deux contre-poids.
§ 8. - Moteur Lepape.
Le moteur X, à deux temps, se compose (fig.16) d’un cylindre moteur (simplement muni d’une soupape d’admission automatique B et d’un orifice d’échappement E) et d’un cylindre auxiliaire pourvu d’une soupape d’admission automatique A. Dans ces deux cylindres se meuvent deux pistons, de poids égaux malgré leurs diamètres différents, et dont les manivelles sont calées à 180° environ ; la figure représente le piston auxiliaire au haut de sa course ; le piston principal n’a pas atteint le bas de la sienne, car il n’a pas encore découvert l’orifice E.
Dès que celui-ci s’ouvrira, les gaz brûlés s’échapperont à l’extérieur, sous la poussée des gaz neufs, que le piston auxiliaire a préalablement aspirés pendant sa course descendante et refoulés dans le cylindre moteur pendant sa course montante. les gaz neufs, restés seuls au-dessus du piston moteur, seront comprimés par lui pendant son retour ascendant ; leur explosion fera redescendre le piston, qui aura ainsi une course motrice sur deux.
Ce moteur est d’une très grande simplicité : pas de soupape d’échappement, pas de mécanisme destiné à ouvrir cette soupape, pas d’arbre de dédoublement, puisque la came, ayant à provoquer l’allumage électrique à chaque tour, doit être montée directement sur l’arbre moteur. Il peut être établi très économiquement. Il donne, paraît-il, un très bon service sur la voiture de l’inventeur.
IV. - TRANSMISSIONS.
§ 1. - Embrayage.
L’embrayage, destiné à établir et à rompre facilement toute liaison entre l’arbre du moteur et le mécanisme chargé de transmettre le mouvement aux roues, est presque toujours un appareil à friction, quelquefois une courroie avec poulies folle et fixe, exceptionnellement un appareil magnétique, espèce de solénoïde Jans lequel le passage d’un courant provoque l’adhérence de l’armature et du noyau.
L’embrayage magnétique, depuis longtemps proposé, n’est véritablement appliqué que depuis. l’époque, toute récente, où M. Riégel en a fait la base de ses changements de vitesse (et de direction) dans l’avant-train moteur qu’il a exposé en décembre 1901.
La courroie est encore employée par MM. Amédée Bollée, de Dietrich, G. Richard (pour ses voiturettes).
Comme embrayages à friction, on emploie des appareils à collier ou à ruban, mais surtout des. appareils à cône ; un cône mâle, monté à glissière sur le prolongement de l’arbre moteur, s’engage dans un cône .femelle calé sur cet arbre [24].
§ 2. - Changements de vitesse.
La courroie, quand on a la précaution de la monter sur des poulies d’assez grand diamètre, de la faire marcher à une vitesse aussi constante que possible (comprise entre 15 et 30 mètres par seconde), et de la protéger contre les projections de boue et d’huile, donne d’assez bons résultats ; cependant, elle tend de plus en plus à être abandonnée [25].
Elle retrouverait certainement la faveur, si l’on parvenait à construire des poulies extensibles vraiment pratiques, M. Roger de Montais et, plus récemment, M, Fouillaron ont fait dans ce sens des tentatives intéressantes, sur la valeur desquelles l’expérience ne tardera pas à se prononcer : dans le système Fouillaron, pour faire bien épouser à la courroie la forme du logement triangulaire que lui offrent les poulies, cette courroie se compose de minces plaquettes de cuir à profil triangulaire, enfilées sur trois boyaux légèrement tordus afin d’assurer l’espacement des plaquettes.
Les engrenages sont de plus en plus employés ; mais leurs partisans se divisent sur la question de savoir s’il vaut mieux les composer de trois ou quatre couples de roues donnant chacun une vitesse, ou simplement de deux couples, l’un servant au démarrage et aux fortes rampes, l’autre à la marche ordinaire, en demandant au moteur assez d’élasticité pour faire varier convenablement la vitesse. Ce dernier moyen, employé notamment par MM. de Dion et Bouton, est évidemment fort commode, mais il ne doit être utilisé qu’avec un moteur restant économique aux allures variées qu’on lui demande. La tendance s’accuse aussi, et celle-là toujours économique, de supprimer les engrenages intermédiaires, quand la voiture est actionnée par le moteur marchant à sa grande vitesse : c’est le cas des voitures Renault, G. Richard, Schaudel.
Les engrenages à changement par train baladeur sont plus employés (dans le rapport de 3 à 1, d’après la statistique de M. L. Périssé pour l’Exposition de 1901) que les engrenages toujours en prise : ils leur sont pourtant inférieurs, au point de vue des chocs plus ou moins bruyants et destructeurs, auxquels donnent lieu les changements d’engrenages.
Pour éviter ces chocs, certains constructeurs notamment MM. Renault, donnent à leur train baladeur, non seulement un déplacement. parallèle aux arêtes des dents, mais d’abord un mouvement perpendiculaire à ces arêtes pour dégager les roues en prise, puis un autre parallèle à ces arêtes pour amener en face les unes des autres les nouvelles roues, enfin un troisième perpendiculaire, pour mettre ces dernières en prise.
Dans certains systèmes, on trouve associés la courroie et les engrenages.
§ 3. Marche arrière.
Avec les systèmes à courroies, elle peut être assurée par un groupe spécial de deux poulies et d’une courroie à brins croisés ; mais on préfère ordinairement avoir recours, comme dans les voitures Delahaye, à une combinaison de poulie et d’engrenages. Dans la voiture Fouillaron à courroie extensible et à chaînes, un pignon de chaîne peul être rendu fou sur son arbre : le recul est produit par l’autre roue, qui reste seule motrice, en lui imprimant un mouvement arrière.
Dans les transmissions par engrenages, le mode actuellement le plus employé consiste à transmettre le mouvement, non plus simplement par deux engrenages montés sur deux arbres, mais par trois roues portées par trois arbres,
On peut aussi employer un différentiel entraîné d’un bloc pour la marche avant, et disposé pour qu’à la marche arrière, sa couronne une fois bloquée, ses pignons deviennent libres et renversent la marche.
§ 4. - Différentiel et Encliquetage.
Le différentiel à pignons coniques se fait à deux, quelquefois trois et même quatre satellites [26]. Le différentiel à engrenages plats n’est guère utilisé que pour les motocycles ; cependant M. Clément l’emploie pour ses voitures type 1902.
Les encliquetages sont rarement appliqués : ils n’ont pas la souplesse du différentiel et deviennent plus compliqués que lui, lorsqu’ils sont disposés pour transmettre l’effort dans les deux sens.
Dans l’engin que M. Truffault a piloté sur la terrasse de Deauville, lors de la course du kilomètre en 1901, le différentiel est remplacé par un montage spécial des roues d’arrière, qui leur permet de tourner sur leurs fusées dans les virages.
§. 5. - Transmission élastique.
Le rôle de celle partie est de relier le dernier mobile de l’ensemble que nous venons d’analyser, solidaire du châssis, aux roues motrices séparées de ce dernier par les ressorts. Son élasticité doit obvier aux différences de distance et de positions réciproques des deux organes.
Au Salon de 1901, elle était représentée moitié par des chaînes, moitié par des arbres à la cardan, ceux-ci n’étant d’ailleurs pas employés pour des voitures dont la force dépassait 8 ou 10 chevaux [27].
Les arbres à la cardan sont presque toujours longitudinaux : ils prolongent le dernier arbre des changements de vitesse et engrènent, par un pignon d’angle, avec la roue dentée du différentiel ; celui-ci occupe le milieu de l’essieu d’arrière, coupé en deux parties, sur chacune desquelles est calée une roue motrice [28].
Certains sont pourtant transversaux : tel l’essieu articulé de Dion- Bouton [29] avec lequel l’entraînement des roues, dans les voitures à pétrole, se fuit par le côté extérieur du moyeu.
§ 6. - Freins.
Les constructeurs ont compris la nécessité qu’il y avait de munir les automobiles de bons freins et notamment de faire serrer ceux-ci aussi bien dans la marche arrière que dans la marche avant afin de ne pas laisser les voitures exposées à une dérive sur les fortes rampes, si le jeu, toujours un peu problématique, d’une béquille ou d’un cliquet vient à leur manquer.
Le frein à sabots ou mâchoires donne, à cet égard, toute satisfaction : aussi le voyons-nous appliqué dans les voitures de Dion-Bouton à 6 et 8 chevaux 1902 sur l’arbre à la cardan longitudinal [30]. Mais il peut y avoir intérêt à le faire agir sur les roues motrices elles-mêmes : à cet effet, M. Paillard, successeur de Lemoine, a appliqué aux automobiles le système qui a donné de si bons résultats dans le concours de freins pour bicyclettes, organisé en août 1901 par le Touring-Club. Le freinage se fait par friction d’un large patin à semelle d’aluminium, simplement commandé par un mouvement de sonnette, contre la face intérieure d’une jante auxiliaire, d’un diamètre un peu inférieur à celui de la jante véritable près de laquelle elle est montée : l’effet est énergique, sans qu’il y ait à redouter de grippage.
Le serrage vers l’arrière peut aussi être obtenu avec des freins à semelle, comme celui de MM. Charron, Girardot et Voigt, qui agit à l’intérieur d’une couronne montée sur chaque roue ; avec des freins à lame, comme celui de M. Déchamps, qui agit par deux vis, de pas inverse, qui rapprochent ou éloignent les oreilles formant les extrémités de la lame ; même avec des freins à enroulement comme celui de M. Amédée Bollée.
Une autre conséquence du concours de freins du Touring-Club est l’application aux automobiles du système Rassinier, qui produit le freinage par le sel’’l’age d’une couronne, solidaire de la roue motrice, entre deux galets, qui roulent chacun d’un côté de cette couronne sous l’influence d’un jeu de leviers ; quand le frein n’agit pas, la couronne passe librement entre les deux galets ; quand on pèse sur le levier , les deux galets se coincent contre la couronne et l’empêchent de tourner.
Une condition qui n’est pas toujours aussi bien assurée qu’elle devrait l’être, c’est l’égalité d’action des deux freins qui agissent sur une paire de roues : son absence peut donner lieu à une déviation brusque, à un véritable dérapage de la voiture en cas de serrage instantané. Pour l’assurer, il est bon de monter les deux freins sur un palonnier transversai tiré en son milieu par la timonerie de commande.
V. AUTRES PARTIES DE L’AUTOMOBILE.
§ 1. - Châssis.
L’acier profilé, avec ou sans garniture intérieure de bois, reste toujours la règle pour les grosses voitures, et l’exception pour certaines voitures légères, comme les 5 et 7 chevaux Panhard, et les 8 chevaux Clément 1902.
Mais le tube d’acier, plus léger, est presque toujours employé pour les voitures jusqu’à 8 et 10 chevaux, notamment par Darracq, G. Richard, Haulier, Renault, de Dion-Bouton, Schaudel, Léon Bollée.
Le châssis est d’ailleurs susceptible de bien des variantes, notamment dans la disposition de ses contreventements, qui consistent, le plus souvent, en traverses reliant les deux longerons.
Dans la voiture Darracq, ces traverses sont peu nombreuses, mais un gros tube à peu près horizontal, appelé balancier, est disposé longitudinalement entre la traverse qui porte les organes de changements de vitesse et l’essieu d’arrière : il est articulé à ses deux extrémités et peut même pivoter légèrement pour suivre les mouvements du châssis.
Dans la voiture G. Richard de 10 chevaux 1902, le châssis (fig. 17) comprend deux étages : les longerons sur lesquels repose la caisse, un berceau inférieur, auquel sont fixés les divers organes du mécanisme.
Sur tous ces châssis rectangulaires, celui des voitures légères de M. Léon Bollée, type 1902, tranche par sa forme toute spéciale (fig. 18) : un gros tube longitudinal parle, brasées à l’arrière et vers le milieu, deux traverses, qui sont aussi de gros diamètre ; à l’avant, pas d’essieu, mais deux ressorts transversaux, reliés par un gros tube vertical au centre, et sur les cotés par deux tubes plus petits, qui servent d’appui aux fusées des roues. M. Léon Bollée préfère les tubes aux cornières, parce qu’ils ne se fendent jamais, tout au moins quand ils sont de gros calibre ; il évite la forme rectangulaire, parce que les cadres mis au feu pour le brasage en sortent gauchis et qu’on ne peut les redresser à froid qu’en les soumettant à des efforts énormes, qui compromettent leur résistance ultérieure [31]
§ 2. — Ressorts.
Ce sont toujours les mêmes genres de ressorts qui sont employés, et qui laissent les voitures soumises à des chocs d’autant plus considérables que les allures s’accélèrent davantage. Pour les atténuer sur l’engin de course dont nous avons déjà parlé, M. Truffault a Freine ses ressorts, c’est-à-dire qu’il les force, après avoir cédé sous l’influence d’un choc, à reprendre leur forme sans osciller de part et d’autre de leur position d’équilibre, Ce freinage lui a donné de bons résultats, comme il en a aussi donné sur un tricycle Buchet, qui a permis à Rigal d’établir de retentissants records, Certaines voitures, entre autres les Mors Paris-Vienne, ont des ressorts freinés.
§ 3. — Direction.
La direction se fait toujours avec l’essieu à deux pivots. Aux vitesses qui sont de venues courantes, le conducteur n’a plus le temps de remédier aux d éviations que les chocs de route peuvent imprimer à sa voiture [32] ; aussi est-il pruudent de disposer la commande de la direction pour que son mouvement, normalement produit par la main du conducteur, ne soit pas réversible [33].
L’irréversibilité est le plus souvent demandée à une vis sans fin, qui engrène avec un secteur (système Panhard), ou le long de laquelle se déplace un écrou (système Turent et Méry) ; quelquefois à une came portant une rainure dans laquelle se déplace un galet (système de Dietrich), ou à une commande épicycloïdale (système Brillié).
§ 4. — Essieux. Roues. Bandages,
Pour la fabrication des essieux, le fer paraît être le seul métal qui donne la sécurité désirable.
Les roues à rais métalliques ne sont plus employées que pour quelques voiturettes. Les moyeux à billes commencent à être un peu plus appliqués.
La question des pneumatiques, dont l’emploi est à peu près universel, est toujours fort délicate, d’abord à cause des énormes frais d’entretien qu’ils entraînent et qui sont certainement plus élevés que la consommation d’essence [34] ensuite à cause du dérapage auquel ils exposent la voiture sur les routes glissantes.
Le dérapage est constitué par le pivotement du train d’arrière autour du train d’avant ; il provient de ce que la voiture est poussée par son arrière (qui tend à passer devant l’avant-train, s’il est en oblique par rapport à ce dernier) et de ce que le différentiel ne commande pas toujours également les deux roues.
Pour le rendre plus difficile, il faut augmenter l’adhérence du bandage et du sol. On y arrive en recouvrant la surface de roulement de lamelles de fer : le fer adhère mieux que le caoutchouc au sol mouillé, et les lamelles, à peu près plates, facilitent moins que la surface arrondie du pneumatique le glissement latéral, sans compter que leurs arêtes, en se coinçant pour ainsi dire dans le sol, empêchent la roue de glisser. Mais si le dérapage est empêché, l’usure du pneumatique est beaucoup moins atténuée, quand elle n’est pas augmentée par le frottement des lamelles contre un trottoir. Le pneu ferré, qui augmente d’ailleurs le coût du bandage, ne constitue donc pas la solution définitive.
§ 5. - Caisse.
Il est juste de reconnaître que la carrosserie automobile, si disgracieuse à l’origine, a fait de sérieux progrès, Elle a adapté aux voitures mécaniques toutes les formes connues, qui ne s’y prêtent d’ailleurs par également. Les trois qui s’en accommodent le mieux sont certainement l’omnibus, le tonneau et le double phaéton. L’omnibus, qui est forcément une voiture lourde, est assez rare. Le tonneau, dont la forme se prête mieux que toutes les autres à la disposition d’une automobile avec moteur vertical à l’avant (surtout au point de vue du facile accès des sièges), ale double inconvénient de faire voyager de côté ses passagers d’arrière et de les exposer à une forte poussière [35]. Le double phaéton est, à notre avis, la voiture la plus agréable et l’avenir lui appartient. Avec le moteur vertical à l’avant, il est assez difficile de ménager aux sièges d’arrière un accès latéral ; mais on arrive jusqu’à eux par l’avant ou par l’arrière, comme dans la limousine, qui est une voiture très confortable.
Un avantage que l’on demande de plus en plus à la caisse automobile est d’être interchangeable ; l’unification des châssis l’aidera à le devenir et à bénéficier de l’économie qui résulte toujours de la fabrication en séries. Il sera alors facile de monter sur un même châssis une caisse ouverte pour l’été et une autre fermée pour l’hiver.
La carrosserie doit être à la fois solide et légère : on gagne la moitié du poids environ par la substitution au bois d’un alliage d’aluminium [36].
§ 6. - Graissage.
Un graissage convenable et sûr est une condition primordiale de la bonne marche d’une voiture. On emploie beaucoup les graisseurs mécaniques, capables d’assurer automatiquement la lubrification de plusieurs organes. Parfois on utilise la pression des gaz de l’échappement, avec lesquels on retrouve l’avantage des graisseurs mécaniques : mettre le graissage en train quand la voiture part, l’arrêter dès qu’elle stoppe.
Dans un prochain article, nous décrirons les principaux types des voitures à pétrole et à alcool.
Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines.
L’automobile en 1902. 2e partie : Les voitures à moteur explosif (suite)