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Le concours de véhicules électriques à accumulateurs, qui a eu lieu dernièrement, a suscité un grand intérêt. Le programme prévoyait de 40 à 80 km par jour et l’excursion dans Paris comprenait la montée de Montmartre par les rues Lepic et Nervins qui furent gravies sans à-coups.
Il est assez surprenant de constater que notre pays est le plus en retard au point de vue de l’utilisation du véhicule électrique et c’est cependant en France, pour le moment pays pauvre en pétrole, que les véhicules à accumulateurs devraient être le plus employés.
La cause de ce retard tient évidemment à l’insuffisante organisation des postes électriques de recharge, mais on peut à ce point de vue prévoir un prompt essor, dont profitera évidemment la traction des automobiles par accumulateurs, système avantageux pour le producteur et aussi pour le consommateur, si l’on peut arriver à un tarif spécial de charge pendant les heures creuses.
Les véhicules du concours présentaient des dispositions originales suivant deux tendances très différentes. La première veut bénéficier complètement de la présence du moteur électrique et sur des châssis spécialement étudiés, perfectionnés au point de vue roulement et suspension ; elle utilise la souplesse de marche du moteur électrique, pour supprimer le plus possible les organes délicats de l’automobile, notamment la boîte de vitesse.
La seconde tendance veut faire profiter le véhicule des perfectionnements mécaniques des châssis automobiles ordinaires. On y rencontre donc à peu près tous les organes d’une transmission automobile et comme certains ajoutent à la boîte de vitesse les variations possibles de la vitesse du moteur par un combinateur, on obtient un véhicule d’une très grande souplesse. Souplesse trop grande, à notre avis, en pratique ; car il est à penser que le conducteur néglige de se servir de toutes les combinaisons mises à sa disposition : un camion ne saurait être assimilé à une machine-outil de précision.
Examinons rapidement les divers châssis.
I. Châssis électriques proprement dits
1° Châssis Laporte. - Ces châssis comportent deux moteurs indépendants blindés, placés près de l’essieu arrière. Chaque moteur attaque, par l’intermédiaire d’un réducteur de vitesse, une couronne à denture intérieure, solidaire d’une roue arrière. Ceci, pour les fortes rampes ; mais en marche norrmale le réducteur n’intervient pas : l’attaque du pignon sur la couronne se fait directement.
La réduction de vitesse évite la surcharge du moteur, son échauffement et assure une plus longue durée aux plaques des batteries d’accumulateurs.
Les moteurs sont à six pôles, du type série ; ils sont commandés par un combinateur, un inverseur et un interrupteur général. L’interrupteur est ouvert quand on freine et il est enclenché dans cette position tant que le combinateur n’est pas ramené à la position de démarrage.
Les batteries sont dans des caisses amovibles suspendues sur le milieu du châssis.
2° Châssis Krieqer. - Le moteur unique est placé contre le différentiel, son axe est parallèle à celui du châssis. Il est à quatre pôles à excitation compound. L’enroulement shunt qui est un peu prédominant est alimenté directement par la batterie avec rhéostat de réglage manœuvré par une pédale.
On actionne cette pédale de la même manière que la pédale d’accélération s’actionne sur une automobile : poussée à fond, elle coupe le shunt et le moteur tourne à sa vitesse maximum, car il fonctionne comme un moteur série. En levant la pédale pour ralentir, on freine.
Le démarrage s’opère en fermant le circuit sur des résistances branchées sur l’induit. Une manette sur le volant de direction décale les balais et assure la marche arrière, Tant que ceux-ci ne sont pas revenus à leur position normale, la commande de mise en route est enclenchée.
Les batteries sont placées l’une sous le capot, l’autre dans la caisse arrière.
Les roues sont à suspension indépendante. Pour les roues arrière, les arbres de commande venant du différentiel sont munis d’accouplements élastiques.
3° Châssis Crochai. - Le moteur série se trouve dans un coffrage suspendu à l’arrière du châssis. Il commande le différentiel par un pignon à la transmission se fait ensuite par chaînes.
Un combinateur permet les couplages nécessaires à l’obtention des différentes vitesses et inverse le courant pour la marche arrière. Une petite batterie auxiliaire peut envoyer du courant dans l’inducteur et assurer le freinage, qui se fait avec récupération, si la vitesse du moteur est suffisante.
La batterie est dans une caisse au-dessous du châssis.
4° Châssis de la Société d’Applications Électro-Mécanique. - Ce système est à avant-train moteur avec roues indépendantes.
Le moteur unique est du type compound avec induit à double enroulement. Il attaque, par vis sans fin, le différentiel placé au milieu de l’essieu avant. Les deux demi-arbres actionnent les roues avant avec des cardans doubles qui permettent un braquage de 50°.
Le conducteur dispose d’un controller qui assure les combinaisons de couplage et peut donner six vitesses avant et deux vitesses arrière.
Une pédale coupe le courant progressivement en insérant des résistances. La batterie est contenue dans des sortes de tiroirs facilement enlevés sur les côtés du châssis.
II. Châssis d’automobiles munis de moteur électrique.
- Châssis Berliet. - Le moteur est du type compound avec induit à double enroulement.
Il est enfermé dans un carter et ventilé. Un combinateur donne cinq vitesses avant et une vitesse arrière et le démarrage progressif est assuré par un combinateur auxiliaire, qui met des résistances en court-circuit. Un contacteur spécial assure les coupures sous charge.
Il faut ajouter la boite de vitesse ordinaire de la voiture qui donne deux vitesses sans embrayage, avec une position rendant le moteur indépendant de l’arbre.
Les batteries sont, suivant les types de véhicules, de part et d’autre du châssis ou bien en partie sous le capot.
2° Châssis Electrix. - Le moteur électrique blindé est simplement mis à la place du moteur à essence, sur un châssis de voilure. Il est du type série avec induit à enroulement double.
Le combinateur comporte deux tambours pour les couplages et pour le démarrage. le moteur tourne donc toujours à la même vitesse et la vitesse du véhicule est réglée au moyen de la boîte de vitesse : on obtient quatre vitesses avant et la marche arrière et on dispose d’un embrayage à disques.
La batterie est en partie sous le capot, en partie sous la caisse.
3° Châssis de la Société d’Étude de Matériel et Traction. - Là aussi le moteur électrique remplace le moteur à essence : il est du type shunt avec pôles de commutation. Les commandes électriques comportent les appareils suivants :
L’inverseur qui assure le changement de marche ; Le combinateur à cinq touches pour le démarrage et la recharge ;
La pédale qui commande le rhéostat de champ à trente touches et varie la vitesse. Cette pédale donne aussi le freinage électrique ;
Un relais automatique qui avertit le conducteur que le maximum dangereux d’intensité pour la batterie est dépassé ;
La boite de vitesse qui, de son côté, a deux rapports de vitesse, dont la prise directe et l’embrayage sont à cônes inverses.
La batterie est en partie sous le capot, en partie vers l’arrière de la carrosserie dans une caisse,
4° Châssis S. A. T. M. E. — C’est un châssis de voiture où le bloc moteur à essence est remplacé par le bloc moteur électrique. La boîte de vitesse a deux vitesses sans embrayage.
Le combinateur se manœuvre avec un levier à main disposé comme le levier de changement de vitesse dans une voiture à essence.
III. Accumulateurs.
Il faut noter que les épreuves de véhicules électriques se sont appelées « Épreuves de véhicules à accumulateurs ». Tant que nous n’aurons pas d’autres réservoirs transportables d’électricité, nous serons tenus de nous servir de batteries pour alimenter les moteurs électriques des véhicules.
La lutte est circonscrite entre les accumulateurs au plomb, que tout le monde connaît, et les accumulateurs fer-nickel, dont nous allons rappeler brièvement le principe.
Les plaques positives sont à base d’hydroxyde de nickel et de graphite et les plaques négatives à base de fer pur. La partie essentielle des éléments fer-nickel actuels est la pochette qui contient les matières actives sous forme de poudres granulées. Cette pochette est en feuille mince d’acier nickelé, percée de trous très fins évitant le passage des grains de matière.
Les électrodes ont ainsi la forme de plaques minces et creuses, avec un cadre en acier nickelé qui maintient la pochette.
L’électrolyte est une solution à base de potasse caustique.
Pendant la décharge, le fer se transforme en oxydes et pendant la charge l’hydroxyde de nickel s’oxyde partiellement en peroxyde.
D’ailleurs les réactions chimiques secondaires sont très complexes et encore insuffisamment expliquées. L’électrolyte ne semble pas prendre part à la réaction, il la facilite seulement, ce qui rend donc l’accumulateur moins délicat. On a certainement moins d’accidents à craindre pendant la charge et la décharge qu’avec les accumulateurs au plomb et ces batteries conviennent ainsi parfaitement à leur emploi sur des véhicules, qui, mis en service courant, doivent être conduits par un personnel peu exercé et quelquefois peu soigneux.
C’est sur cette dernière idée que nous terminerons en insistant sur la réalisation pratique des véhicules électriques. La voiture automobile ne s’est développée et diffusée, vulgarisée même, que du jour où les pannes se sont faites moins fréquentes. Aurions-nous vu, il y a vingt ans, des jeunes filles circuler dans Paris avec des voiturettes Renault, Citroën, Mathis, etc. ?
Le jour où la voiture électrique possédera une conduite simple, des organes robustes et des accumulateurs dont on n’a pas besoin de s’occuper, la diffusion se fera d’ elle-même, car le véhicule électrique est plus propre et plus silencieux.
Mais… tout cela est subordonné à l’installation de stations nombreuses de recharge, où l’on pourra échanger une batterie d’accumulateurs vide contre une batterie chargée, de la même manière qu’on achète actuellement un bidon d’essence touriste ou poids lourd.
E. Weiss