La vie de Strasburger réaIise au suprême degré l’existence de l’homme voué à l’idéal de la recherche scientifique ; elle se partage tout entière entre la famille et le laboratoire, avec, pendant la période des vacances, quelque course dans la montagne ou quelque séjour sur les bords ensoleillés de la Méditerranée. Une œuvre aussi considérable que celle de ce Maître ne pouvait éclore que dans l’atmosphère calme d’une vie régulière. Cette existence de savant peut paraître monotone au profane ; les initiés savent, au contraire, combien elle est intense et pleine de joies. Strasburger dut les éprouver plus que tout autre, car chaque jour, dans sa carrière féconde, quelque champ inconnu du monde qu’il explorait s’éclairait à la lueur de sa vive intelligence. Les dates de sa vie sont celles de ses travaux, de ses nominations à des postes universitaires et, bientôt, des honneurs, qui, de tous les pays où la science est cultivée, vinrent consacrer sa réputation scientifique.
Édouard Strasburger est né en Pologne, à Varsovie, le 1er février 1844, de parents négociants et d’origine allemande. Il passe son enfance dans sa ville natale, dont il fréquente le lycée. A dix-huit ans, il quitte l’école et le pays pour faire route vers Paris, où Il fut inscrit deux années à la Sorbonne (1862-1864). De retour à Varsovie, il part bientôt pour Berne, où se trouvait alors Schacht, comme professeur à l’université, tandis que Julius Sachs, qui devait être bientôt un des plus grands botanistes de notre temps, enseignait à l’École d’Agriculture. Il n’y reste cependant qu’un semestre et se rend à Iéna (octobre 1864). Il trouva là, sous la direction de Pringsheim, un milieu particulièrement favorable et y subit les impressions qui devaient décider sa carrière scientifique. En 1866, il prend à la Faculté de Philosophie de cette ville ses doctorats en Philosophie, en Médecine et en Jurisprudence et, dès l’hiver suivant (1866-1867), il se fait « habiliter » à l’enseignement, en qualité de privat docent, à l’université de Varsovie. Mais sa carrière, si stable par la suite, devait décidément l’être bien peu à ses débuts, car, au commencement de 1869, il est nommé professeur extraordinaire et directeur de l’Institut botanique de Iéna et, dès 1871, professeur ordinaire. Le désire qu’il avait de vivre en Allemagne, pays dont il admirait les tendances d’esprit, était ainsi réalisé ; de plus, l’avenir était dès lors assuré. Toutes ces circonstances favorisèrent de bonne heure la manifestation de l’immense force productive latente que le jeune savant renfermait en lui. Les dix années passées à Iéna sont marquées par une fécondité surprenante.
Ce fut en 1880 que Strasburger reçut sa nomination de professeur ordinaire à Bonn. Il y succédait à Hanstein et y demeura jusqu’à la fin de sa vie. C’est là qu’il a pu parfaire la science de la cellule, la cytologie, qu’il avait pour ainsi dire créée et qu’il domina de sa personnalité jusqu’à sa mort.
Il reçut à Bonn le titre honorifique de Conseiller intime du Gouvernement (1887) ; c’est vers cette époque que les honneurs viennent de tous côtés consacrer son éclatante renommée. Il serait fastidieux de les énumérer ; ce sont ceux qui vont aux hommes exceptionnels : il était membre de la plupart des Académies ; de nombreuses Universités avaient voulu lui décerner le titre de Docteur honoraire. Mais, dans ce cas, les institutions s’honorent elles-mêmes bien plus qu’elles n’ajoutent de renommée à celui qu’elles ont distingué. Disons, cependant, à titre de document, que, membre de l’Académie royale de Prusse (Berlin) dès 1890, il fut élu correspondant de celle de Paris, en 1901. li était membre de la Société Royale de Londres, et la Société Linnéenne de cette ville lui avait attribué, en 1895, sa grande médaille d’or.
Strasburger avait épousé, à Varsovie, Alexandrine Wertheim, qu’il perdit en 1902, mais dont, il lui resta deux enfants : une fille et un fils, le Dr Julius Strasburger, professeur de Médecine à l’Université de Breslau et connu par de savants travaux.
L’homme possédait, nous apprend J. B. Farmer, un charme singulier de manières, qui se trahit dans certains de ses écrits. Les élèves elles savants qui travaillèrent à Bonn se rappellent la respectueuse affection qui entourait le Maître, le Geheimrath, comme on l’appelait habituellement. Sa conversation, qui abordait les sujets les plus variés de philosophie des sciences et de politique, de littérature et d’art, laissait une profonde impression et rendait inoubliable une excursion faite en sa compagnie.
Quelque temps avant sa mort, ses amis et ses élèves se préparaient à fêter son 70e anniversaire. Un Festschrift avait été projeté pour lequel le concours de 80 personnes était déjà assuré. L’espoir de ce jubilé, qui s’annonçait particulièrement heureux et brillant, a rendu plus mélancolique la nouvelle inopinée de sa mort.
Ne pouvant analyser ici l’œuvre du savant, nous nous contenterons d’en marquer à grands traits les étapes [1]. Cette œuvre s’impose d’abord par une grande unité et une remarquable continuité. A part le travail de ses années de début sur les Gymnospermes, c’est dans le champ de la Cytologie, dont il peut être considéré comme le fondateur, et particulièrement de la Cytologie de la reproduction, ainsi qu’à un moindre degré de l’Anatomie, que sa réputation trouve surtout sa consécration.
Il publie, en 1872, un grand ouvrage sur les Conifères et les Gnétacées qui concerne principalement la morphologie de la fleur, l’origine des tissus, etc. Il cherche cependant encore sa voie ; un fait va l’orienter dans le sens de l’étude de la reproduction et de la multiplication cellulaire qui, dès ses tout premiers débuts, avait retenu son attention : à la base de l’oosphère fécondée des Gymnospermes, il avait vu un noyau non pas arrondi, mais bien présentant la forme d’un fuseau. Ce phénomène l’intrigue ; il en poursuit l’examen et mène à bien ses recherches sur la division cellulaire dont les résultats paraissent en 1875, dans un livre : Ueber Zellbildunq und Zelltheilung, qui fit époque et fut traduit en plusieurs langues, notamment en français.
II y expose le phénomène de caryocinèse, inconnu jusqu’alors et que quelques zoologistes étudièrent simultanément. On croyait auparavant que le noyau disparaît dans la cellule à la division, par une sorte de dissolution, pour se reformer dans les cellules nouvelles par suite d’une espèce de condensation des parties du protoplasma les plus riches en albuminoïdes. S’il avait pu pousser plus loin que ses devanciers l’étude de la cellule, c’est grâce à l’emploi d’une technique remarquablement en progrès, bien que rudimentaire si on la compare à ce qu’elle est aujourd’hui. Il introduit notamment, dans le domaine de la technique botanique, la « fixation » dont se servaient déjà les zoologistes et qui permet les colorations électives : elle se faisait tout simplement alors par l’alcool. Il établit ainsi que les noyaux proviennent toujours de noyaux préexistants, même dans le cas des cellules à noyaux multiples, affirmant ainsi la continuité dans le développement et la multiplication de la substance nucléaire. C’est là la base sur laquelle s’est édifiée depuis toute la science de la cellule.
Ces premiers mémoires inaugurent dans la science une époque nouvelle : ils introduisent la clarté où régnait le chaos. En les comparant avec ceux des devanciers, on a l’impression, dit Farmer, de faire un bond du Moyen Age il la Science moderne, Beaucoup de brillants travaux avaient cependant été accomplis par d’autres auteurs, mais c’est surtout grâce à Strasburger que la Cytologie émerge si rapidement des brumes de la spéculation et se développe en une science fondée sur des faits dont les plus récents travaux ont généralement établi l’exactitude et l’importance.
Après un grand travail sur les Angiospermes et les Gymnospermes (1879), Strasburger approfondit l’étude de la membrane : son origine à la suite de la division cellulaire ; son accroissement (il oppose il la théorie régnante de l’intussusception, de Naegeli, celle de l’apposition, mais un peu plus tard il admet partiellement la théorie nouvelle de Wiesner qui est une sorte de perfectionnement de la première) ; les communications protoplasmiques de cellule à cellule au travers de la membrane.
En 1S91, il publie un monumental ouvrage sur la structure et le fonctionnement des faisceaux conducteurs dans tous les groupes végétaux (Ueber den Bau und die Verrichtunqen der Leitungsbahnen … 1000 p., 5 pl. et 17 fig.). Il y décrit d’innombrables faits anatomiques, dont certains constituent d’importantes découvertes, et il y expose, dans la partie physiologique, ses expériences sur l’ascension de la sève. Il faut noter, dans ce livre, un chapitre comme on en trouve rarement dans l’œuvre de ce savant particulièrement préoccupé de haute science spéculative, concernant la Botanique appliquée et ayant spécialement trait à l’injection et à l’imprégnation des bois pour leur conservation par les antiseptiques.
Mais Strasburger revient bientôt aux grandes questions de sexualité qui dominent toute son œuvre scientifique. Il apporte de nouveaux faits destinés à étayer et à compléter les admirables généralisations de Hofmeister. Ce botaniste génial avait montré, dès 1851, avec une étonnante perspicacité, les relations qui unissent entre eux les grands groupes végétaux et font de leur ensemble une chaine continue. Ces relations consistent dans l’homologie des phénomènes de reproduction. Dans tous les groupes, en effet, on observe une alternance de générations sexuée et asexuée se manifestant chez chacun d’eux avec une analogie d’autant plus frappante que Strasburger a établi que le nombre des chromosomes de la génération sexuée est, dans tous les groupes, moitié de celui de la génération asexuée.
C’est Strasburger qui décrivit, en 1877 (Ueber Befruchtung und Zelltheilung) et en 1882, en même temps que Guignard, les phénomènes de maturation du sac embryonnaire. Il explique bientôt après l’origine de certains cas de polyembryonie (1878), Un de ses principaux titres de gloire est la découverte du rôle des noyaux sexuels dans la fécondation (1884,), rôle qu’il a peut-être exagéré en attribuant à la substance nucléaire une importance exclusive dans la transmission des caractères héréditaires. Il aborde ensuite plusieurs questions connexes à celle de la sexualité et de la fécondation proprement dite : la double fécondation (1900) que venaient de découvrir Nawaschin et Guignard (1898-1899) ; l’action végétative d’un pollen étranger ; la parthénogenèse et l’apogamie ; les « hybrides de greffe » et les chimères.
Mais une des tâches les plus délicates et les plus ardues qu’il ait imposées à son labeur fut celle de l’étude des cinèses de maturation des éléments sexuels avec la réduction chromatique qui les accompagne. Le schéma qu’il en a donné est actuellement adopté par la grande majorité des cytologistes, tel ou un peu modifié (Grégoire). Après avoir varié plusieurs fois d’opinion, il admit l’existence d’une réduction qualitative coïncidant avec la première division, dite hétérotypique, tandis que la seconde division, dite homotypique, est purement équationnelle. C’est Strasburger qui a apporté le plus de documents à la connaissance du stade synapsis, au cours duquel s’effectue l’accouplement des chromatines maternelle et paternelle avant la division hétérotypique. Comme postulat de toutes ces recherches, Strasburger admet la permanence de l’individualité des chromosomes.
Enfin, la dernière partie de sa vie est consacrée particulièrement b l’étude des causes de la sexualité, et ses résultats, il ce sujet, sont mentionnés surtout dans : Uber Geschlechtbestimmende Ursachen (1910). Il met en œuvre, pour cette étude, l’expérimentation jointe à l’observation des faits cytologiques. Il y apporte toute son admirable perspicacité et les ressources d’un savoir depuis longtemps orienté vers la connaissance des phénomènes de sexualité. A noter ses travaux sur la castration parasitaire du Lychnis dioica, dont il peut compléter, grâce à la cytologie, l’étude qu’avaient entreprise avant lui Giard , Magnin et Vuillemin.
Nous venons de rappeler à grands traits l’œuvre scientifique de Strasburger. Il fut encore un prosateur de mérite et a publié des impressions de voyage dans diverses revues. Mais c’est surtout dans un beau livre intitulé : Streifzüge an der Riviera (1895) qu’il a consigné celles-ci ; une troisième édition de ce livre paraissait peu de temps avant sa mort et il fut traduit en plusieurs langues. Cet ouvrage, illustré d’aquarelles de Luisa Reusch, est une œuvre de haute vulgarisation, comprenant l’histoire anecdotique des principaux végétaux qui sont cultivés ou se développent naturellement dans cette partie de la côte s’étendant de l’Esterel à la Spezzia. C’est l’œuvre d’un artiste et d’un poète autant que d’un savant, où se manifeste à chaque page l’émotion profonde de l’homme devant le spectacle de la Nature. Il n’y parle plus la langue forcément austère et froide de la Science, mais, au contraire, un langage coloré ou poétique comme l’ambiance qu’il décrit, et de chaque feuillet s’exhale « l’aromatique odeur du maquis ».
Il est impossible d’écrire la biographie de Strasburger sans parler de l’action de son enseignement. Des milliers d’auditeurs suivirent ses cours à Bonn ; des savants du monde entier vinrent nombreux s’initier dans son laboratoire aux récentes et délicates méthodes de la nouvelle Science en voie d’élaboration, la Cytologie. Parmi eux, les Américains dominent par le nombre et nous citerons Harper comme le plus ancien. L’influence de Strasburger s’est manifestée encore par des ouvrages didactiques dont le succès fut énorme ; ils sont au nombre de trois. Le plus répandu est le Lehrbuch der Botanik für Hochschulen, appelé souvent « Bonner Lehrbuch », rédigé en collaboration avec H, Schenck, F. Noll, A. F. W. Schimper et Karsten après la mort de ce dernier. Ce livre, publié en 1894, eut 11 éditions, fut traduit dans plusieurs langues, et la traduction anglaise atteint elle-même plusieurs éditions. Si la France n’a pas éprouvé le même besoin de traduction, étant donné l’admirable Traité de van Tieghem qu’elle possédait dès cette époque, chaque botaniste n’en a pas moins le Lehrbuch sur sa table. Ce qui fait le succès de ce livre, c’est le grand nombre de documents qu’il renferme sous une forme concise, la profusion des illustrations, leur netteté avec l’innovation de figures en couleurs dans le texte, l’existence d’un appendice bibliographique qui est une source très riche de renseignements et, disons-le aussi, la modicité de son prix, qui a certainement contribué à son extrême diffusion. Pour le botaniste qui travaille au laboratoire, Strasburger a écrit deux précieux ouvrages de technique : Das botanische Practicum (1884), qui a eu trois éditions, et Dus kleine botunisohe Pl’aClÙ !IIm (884), qui a eu cinq éditions. Tous deux furent traduits dans la plupart des langues modernes ; le second ra été en français.
La grande diffusion de ces ouvrages a certainement contribué à maintenir l’unité de la Science partout où elle est cultivée et à orienter et coordonner les recherches.
En 1894, à la mort de Pringsheim, Strasburger avait pris, avec Pfeffer, Ia direction du grand périodiqne : Jahrbücher für wissenschaftliche Botanik.
La mort de Strasburger n’a pas seulement été un deuil pour l’Allemagne, mais bien pour la science du monde entier. Pendant cinquante ans, sa personnalité s’impose dans le domaine des recherches, qu’il oriente soit par des découvertes, soit par son enseignement.
L’importance et la rapidité de sa production scientifique déconcertent, surtout quand on songe aux difficultés techniques qu’il eut à vaincre à une époque où les méthodes étaient encore rudimentaires. Les faits qu’il a observés sont innombrables et il avait une perspicacité merveilleuse pour établir leur échelle d’importance. Il savait les mettre en œuvre dans de beaux mémoires, dont beaucoup sont de volumineux ouvrages enrichis d’une documentation graphique d’une extraordinaire importance et d’une perfection qui fait l’admiration de toute personne initiée il ce genre de travail.
Strasburger ne s’est pas contenté de faire œuvre purement analytique ; dans beau coup de ses productions se manifeste une tendance à la synthèse, à la généralisation philosophique ; l’idée préalable, qui n’est pas une mauvaise chose si on sait l’abandonner à temps, dirigeait ses recherches et lui permettait de tirer des faits le maximum de déductions.
Échappant au reproche d’unilatéralité, Strasburger, qui était avant tout un savant de laboratoire, ne dédaignait pas de s’occuper de Botanique systématique. M, le Professeur Mattirolo, qui l’a vu à l’œuvre en Ligurie, nous raconte combien sa connaissance de l’espèce était précise et son coup d’œil rapide.
La plupart de ses mémoires resteront classiques ; on peut dire qu’ils ont fait la science actuelle. Il est bien peu de publications étendues de Botanique moderne traitant de cytologie, d’anatomie, ou même de certaines parties de la physiologie qui ne contiennent des références à quelque mémoire de Strasburger, Toute la série de travaux auxquels il a donné le titre commun de Histologische Beiträge est indispensable aux cytologistes et aux anatomistes.
Certainement, tout ne restera pas dans l’œuvre du Maître, et il va sans dire que ses premiers travaux ont été çà et là sujets à révision ; mais, étant donnée la technique primitive de l’époque, c’est merveille que son génie se soit si rarement mépris. Quant à la partie théorique, philosophique de l’œuvre, c’est naturellement celle qui donnera le plus de prise aux modifications, par suite des découvertes de l’avenir. Mais, c’est le propre des synthèses que l’homme essaie d’édifier ; elles servent un temps, provoquent de nouvelles recherches, dont la somme est la mesure de leur fécondité, puis, peu à peu, elles s’effacent du livre où l’humanité consigne ses progrès. Strasburger lui-même est souvent revenu sur ses généralisations, mais ceux qui le lui ont reproché ont méconnu la marche habituelle de la découverte scientifique, ainsi que la sincérité du savant.
Il faut cependant convenir qu’à la suite des belles découvertes de Strasburger et de quelques autres savants, il s’est produit une sorte de fascination qui les a entraînés, eux et peut-on dire l’unanimité des cytologistes, dans un domaine de généralisations qui va trop au delà des faits. La localisation exclusive de la substance héréditaire sur la chromatine, l’individualité des chromosomes, leur permanence, etc., toutes propriétés merveilleuses sur lesquelles on a construit les théories actuelles de l’hérédité, sont des notions métaphysiques. Ce que la cellule livre il notre observation est bien peu de chose, et, sur cette hase frêle et incertaine, on a édifié un monde trop vaste. Aussi semble-t-on actuellement entrer dans une ère de révision critique [2] .
Quel que soit le sort que l’avenir réservé il certaines généralisations de Strasburger, dont d’ailleurs toute l’école contemporaine est solidaire, les faits innombrables qu’il a si rigoureusement décrits resteront, et l’essor qu’il a donné à la Botanique moderne, en stimulant les recherches, suffiront à immortaliser son nom. Il gardera toujours le mérite d’avoir appelé l’attention sur la possibilité et l’intérêt qu’il y a à résoudre les plus hautes et les plus délicates questions se rapportant à l’hérédité par l’étude approfondie des phénomènes les plus intimes de la vie de la cellule,
Küster nous rappelle que, dans une de ses dernières leçons, Strasburger disait à ses élèves, avec un peu d’amertume, que le Génie de la Science est ingrat même pour ses meilleurs serviteurs ; les faits qu’ils ont découverts restent, mais leurs noms s’ensevelissent sous les cendres de l’oubli. Déjà la génération qui vient ne sait plus à la suite de quelles difficultés ont été obtenus les résultats dont elle lit facilement l’exposé simple et clair dans les traités classiques. Quelle que soit la part de vérité contenue dans ces mélancoliques paroles, elles ne sauraient complètement s’appliquer à lui-même. Le monument qu’il a élevé à la Science est trop vaste et trop haut pour que les cendres dont il parlait puissent jamais en atteindre le fronton, d’où rayonnera toujours pour les biologistes son nom glorieux.
J. Beauverie, Chargé d’un cours complémentaire à la Faculté des Sciences de Lyon.