Vers le milieu de cette année, je suis parvenu à isoler un nouveau métal appartenant au groupe du platine. Je l’ai nommé davyum, en l’honneur de sir Humphry Davy, l’éminent chimiste anglais.
Le sable platinifère d’où il a été extrait [1] a été traité, pour la séparation des métaux, par la méthode analytique du professeur Bunsen. Les eaux mères reçues après la séparation du rhodium et de l’iridium étaient chauffées avec un excès de chlorure d’ammonium et de nitrate d’ammonium. Un précipité rouge foncé fut obtenu après la calcination au rouge. Il donna une masse grisâtre ressemblant à la mousse de platine. Le lingot provenant de 600 grammes de minerai pesait 0,27kg.
Le métal a été dissous dans l’eau régale, afin d’examiner l’action de différents réactifs sur la solution.
La potasse donne un précipité jaune clair d’hydrate de davyum, qui est facilement attaqué par les acides, même par l’acide acétique. L’hydrate de davyum, dissous dans l’acide nitrique, donne une masse brunâtre de nitrate de davyum ; en calcinant ce sel, on obtient un produit noir qui est probablement le monoxyde.
Le chlorure de davyum, dissous dans une solution de cyanure potassique, donne, en évaporant lentement la solution, de beaux cristaux d’un cyanure double de davyum et de potassium. Dans ce sel, le potassium peut être remplacé par plusieurs éléments métalliques. L’acide cyanodavyque est très instable ; on l’isole en faisant passer un courant d’hydrogène sulfuré à travers une solution d’un cyanure double de plomb et de davyum.
L’hydrogène sulfuré produit, dans les solutions acides de davyum, un précipité de sulfure de davyum, qui est facilement attaqué par les sulfures alcalins, en donnant probablement une série de sulfosels.
Une solution concentrée de chlorure de davyum donne, avec le sulfocyanure potassique, un précipité rouge, qui, refroidi lentement, produit de grands cristaux rouges. Si le même précipité est calciné, le davyum sulfocyanuré prend la forme d’une poudre noire. Ces réactions montrent que ce sel est allotropique.
Le chlorure de davyum est très-soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther ; les cristaux de ce sel ne sont pas déliquescents. Le sel calciné donne comme résidu le monoxyde. Le chlorure de davyum forme des sels doubles avec les chlorures de potassium et d’ammonium. Ils sont insolubles dans l’eau et très-solubles dans l’alcool absolu. Le sel double de sodium et de davyum est presque insoluble dans l’eau et l’alcool ; cette réaction est très caractéristique, parce que plusieurs sels sodiques du groupe du platine sont très solubles dans l’eau.
Ce chlorure de davyum est le seul qui existe, parce que le second produit, contenant plus de chlore, se décompose pendant l’évaporation de la solution, en dégageant du chlore.
J’ai fait quelques nouvelles recherches sur la densité du davyum fondu ; trois expériences ont donné les nombres suivants : 9,383, 9,387, 9,392 à 24°.
Ces résultats s’accordent très sensiblement avec ceux de mes premières recherches : la densité du davyum donnée dans ma première Note à l’Académie, était 9,385 à 25 degrés.
M. l’ingénieur Alexejeff a entrepris la détermination de l’équivalent de davyum. Mais, comme la quantité de davyum que je possède est assez faible, les recherches exactes difficiles. Des expériences préliminaires ont montré que l’équivalent est plus grand que 100, et probablement voisin de 150-154.
Quelques nouveaux sables platinifères, qui seront mis à notre disposition, donneront une quantité suffisante du nouveau métal pour de nouvelles expériences. Nous espérons avoir, dans quelque temps, à peu près 1,2g de davyum.
J’ai étudié dernièrement le spectre du davyum en vaporisant le métal en poudre entre les charbons de la lampe électrique. Le spectroscope que j’avais à ma disposition n’était pas assez puissant pour montrer nettement toutes les lignes secondaires. C’est pourquoi j’indique seulement (Voy. la figure ci-contre) les lignes principales bien visibles dans mon spectroscope [2].
Serge Kern