La dématérialisation de la matière comme origine de la chaleur solaire et de l’électricité.

Dr Gustave Le Bon, La Nature, N°1699 - 16 Décembre 1906
Samedi 28 février 2009 — Dernier ajout vendredi 15 novembre 2024

Dr Gustave Le Bon, La Nature, N°1699 - 16 Décembre 1906

Le résumé sommaire, que je vais donner ici, des expériences que je poursuis depuis près de 10 ans, sur la dissociation de la matière a pour but de présenter, avec quelques expériences nouvelles, un très bref aperçu des résultats obtenus (On trouvera l’ensemble de ces recherches développé dans mon ouvrage récent l’Évolution de la matière (in-18 avec 62 figures), Paris, Flammarion,1905.).

Voici d’abord les conclusions principales auxquelles j’ai été conduit : conclusions qui, on va le voir, se trouvent en complet désaccord avec certains principes généralement admis en mécanique et en physique.

1 ° La matière, supposée jadis indestructible, s’évanouit lentement par la dissociation spontanée ou provoquée des atomes qui la composent.

2° Les produits de la dissociation des atomes constituent des substances intermédiaires par leurs propriétés entre les corps pondérables et l’éther impondérable, c’est-à-dire entre deux mondes que la science avait profondément séparés jusqu’ici.

5° La matière envisagée autrefois comme inerte et ne pouvant que restituer l’énergie qui lui a été fournie, est, au contraire, un colossal réservoir d’énergie — L’énergie intra-atomique — qu’elle peut dépenser sans rien emprunter au dehors.

4° C’est de l’énergie intra-atomique qui se manifeste pendant la dissociation de la matière que résultent la plupart des forces de l’univers, l’électricité et la chaleur solaire notamment.

5° La matière représente une forme stable de l’énergie intra-atomique. La chaleur, la lumière, l’électricité, etc., représentent des formes instables de la même énergie.

6° En dissociant les atomes, c’est-à-dire en dématérialisant la matière, on ne fait que transformer la forme stable de l’énergie nommée matière en ces formes instables connues sous les noms d’électricité, de lumière, de chaleur, etc.

7° La possibilité de transformer la matière en d’autres formes d’énergie montre que la force et la matière sont deux phases diverses d’une même chose et non deux choses entièrement différentes.

mécanisme de la décharge électrique dans l’air.

Dissociation des atomes dont est composée la matière. — Les principaux faits révélant la dissociation de la matière sont les suivants : Émission par tous les corps de particules animées d’une immense vitesse, pouvant rendre l’air conducteur de l’électricité, capables de traverser les obstacles et susceptibles d’être déviées par un champ magnétique. Aucune des forces anciennement connues ne peut produire de tels effets.

C’est sur l’uranium qu’ont été primitivement observés ces phénomènes et on crut d’abord qu’ils étaient spéciaux à ce corps. Dans une suite de recherches dont les premières ont été publiées en 1897, j’ai réussi à prouver que la dissociation de la matière, la radio-activité, comme on dit aujourd’hui, est un phénomène universel, pouvant être observé avec tous les corps et se produisant, soit spontanément, soit artificiellement, dans une foule de circonstances, Un rayon de soleil tombant sur une substance quelconque, un corps qui brûle, des réactions chimiques très variées produisent la dissociation de la matière. Les substances dites radio-actives, comme l’uranium et le radium, ne font que présenter à un haut degré une propriété que tous les corps possèdent à un degré quelconque.

Les propriétés des éléments résultant de la dissociation de tous les corps dans les circonstances les plus diverses sont identiques : mêmes charges électriques, mêmes déviations magnétiques, même vitesse.etc.

Je ne puis indiquer ici les expériences qui permettent de mettre en évidence la dissociation de la matière et renvoie pour leur exposé à mon livre. Il en est dont la simplicité est telle qu’elles peuvent être répétées très facilement avec des instruments très faciles à fabriquer.

Que devient la matière en se dématérialisant ? Elle passe alors par des formes successives, mises en évidence par l’expérience, qui lui font perdre graduellement ses qualités de matière et la ramènent probablement à l’impondérable éther, dont tous les mondes sont sans doute sortis, et où ils semblent devoir retourner après une existence éphémère.

Immobilisation dans l’espace d’un corps matériel par les attractions et répulsions des particules électriques

L’Énergie intra-atomique. - La force nécessaire pour projeter dans l’espace des particules avec une vitesse de l’ordre de celle de la lumière, ainsi que cela s’ observe avec le radium ou un corps quelconque qui se dissocie, est immense. J’ai essayé de fournir l’explication de ce phénomène en montrant que la matière est, contrairement à toutes les anciennes conceptions, un gigantesque réservoir de force dans un état de condensation extrême. C’est à cette force que j’ai donné le nom d’énergie intra-atomique.

Bien qu’ignorée jusqu’ici — comme le fut pendant des siècles l’électricité faute de réactifs — elle est la plus puissante des forces de la nature et probablement l’origine de la plupart des autres.

Un calcul très simple, dont on trouvera les éléments dans mon livre sur l’Évolution de la matière, montre combien est considérable la force nécessaire pour projeter des corps dans l’espace avec la vitesse que possèdent les particules de matière dissociée. Pour donner à une petite balle Lebel une vitesse égale à celle des particules de matière dissociée ; soit 100 000 kilomètres environ par seconde, il faudrait posséder une arme à feu capable de contenir 1 340 mille barils de poudre pesant 50 kilogrammes chacun. J’ai également montré que l’énergie intra-atomique, contenue dans 1 gramme d’une matière quelconque, une pièce de 1 centime par exemple, émettant dans l’espace des particules avec la vitesse que je viens d’indiquer, est immense. Elle représente, en effet, 6 milliards 800 millions chevaux-vapeur pendant une seconde. Cette quantité d’énergie, répartie convenablement, pourrait faire parcourir à un train de marchandises, d’un poids de 500 tonnes, 4 fois un quart la circonférence de la terre. Si l’on voulait faire effectuer ce trajet au même train, à l’aide du charbon, il faudrait en dépenser pour 68 000 francs. Ce chiffre de 68 000 francs représente donc la valeur marchande qu’on pourra retirer d’une pièce de 1 centime quand on trouvera le moyen de la dissocier entièrement.

Matérialisations apparentes produites dans l’espace en obligeant les particules électriques, provenant de la dissociation de la matière, à se mouvoir dans certaines directions.

Nous ne savons dissocier aujourd’hui que d’infinitésimales quantités de matière. En dissocier des quantités un peu notables par un moyen économique, l’action de la lumière par exemple, serait créer une source immense d’énergie qui rendrait inutile l’extraction de la houille. Le savant qui réussirait à dissocier instantanément un seul gramme d’une matière quelconque ne verrait pas cependant les résultats de son expérience. L’explosion produite serait tellement formidable que son laboratoire et toutes les maisons voisines se trouveraient instantanément réduites en poussière.

La vitesse des particules de matière dissociée se mesure très facilement par la grandeur de la déviation que leur fait éprouver un champ magnétique d’intensité connue. C’est uniquement leur vitesse qui produit l’énormité des chiffres donnés plus haut. On sait qu’un corps de masse très petite, mais ayant une vitesse suffisamment grande, possède la même énergie cinétique qu’un corps de masse très grande mais de vitesse très faible. La tendance de l’artillerie moderne est, pour cette raison, de réduire le poids des projectiles mais d’augmenter leur vitesse, ce qui revient au même que d’employer des projectiles lourds avec des vitesses faibles.

C’est parce qu’elles ne réfléchissent pas assez sur ce principe fondamental de la mécanique que beaucoup de personnes n’arrivent pas à concevoir qu’une quantité immense d’énergie puisse être contenue dans de très petites particules de matière. Par des calculs pour lesquels je renverrai encore à mon livre, j’ai fait voir qu’il est facile d’imaginer une machine théorique formée d’une tête d’épingle tournant dans le chaton d’une bague et qui, malgré sa petitesse, posséderait, grâce à sa force giratoire, une puissance mécanique égale à celle de plusieurs milliers de locomotives.

Ce sont justement de pareils mouvements de rotation que posséderaient, d’après toutes les théories actuelles, les éléments dont se composent les atomes. On les considère comme formés de petits tourbillons d’éther, dits électrons, tournant les uns autour des autres avec une vertigineuse vitesse. Chaque atome serait un petit système solaire en miniature.

La Chaleur solaire comme manifestation de l’énergie intra-atomique. - La libération de l’énergie intra-atomique, produite par la dématérialisation de la matière, peut être considérée, croyons-nous, comme la cause si mystérieuse encore de l’entretien de la chaleur du soleil et des autres étoiles. Il ne serait nullement nécessaire pour l’expliquer d’invoquer dans les astres l’existence du radium, hypothèse qu’aucune analyse spectrale ne justifie. Si on considère l’immense quantité d’énergie accumulée dans les atomes d’un corps quelconque il suffirait que la dissociation de ses éléments fût beaucoup plus rapide qu’elle ne l’est aujourd’hui sur les globes refroidis pour fournir la quantité de chaleur nécessaire an maintien de l’incandescence des astres.

Lorsque la provision d’énergie intra-atomique des atomes s’est réduite dans la suite des âges, leur dissociation est devenue de plus en plus lente. Ils ont acquis une stabilité croissante, leur dissociation s’est ralentie et ils sont finalement devenus tels qu’on les observe aujourd’hui sur les astres refroidis comme la Terre.

L’évolution des mondes comprendrait donc deux périodes : 1° une phase de condensation de l’énergie dans l’atome ; 2° une phase de dépense progressive de l’énergie condensée. C’est cette dépense qui conduit les astres de la période d’incandescence à celle de refroidissement. Ceux qui peuplent le firmament peuvent être observés à ces diverses formes d’évolution.

L’Électricité considérée comme une des manifestations de la dématérialisation de la matière. Dissocier de la matière c’est libérer une partie de l’énergie intra-atomique dont elle est formée et l’obliger à prendre une autre forme. L’électricité est justement une de ces formes. Elle représente, suivant nous, une des plus importantes phases de la dématérialisation de la matière.

J’ai constaté dans mes recherches que les éléments qui s’échappent d’une pointe électrisée en rapport avec un des pôles d’une machine statique en mouvement sont composés d’ions et d’électrons ayant exactement la même composition et les mêmes propriétés que les particules de matière dissociée émise par les corps radio-actifs ou par un tube de Crookes. Elles rendent également l’air conducteur de l’électricité et sont déviées par un champ magnétique.

C’est en utilisant les lois des attractions et répulsions qui régissent tous les phénomènes électriques que nous avons réussi soit à immobiliser des corps matériels dans l’espace de façon à les soustraire aux lois de la pesanteur (fig. 2), soit à produire avec les atomes électriques des figures infiniment variées, lignes droites ou courbes, prismes, cellules, etc., dont quelques spécimens obtenus par la photographie sont reproduits ici (fig. 1 et 3). On a ainsi matérialisé pour un instant les éléments provenant de la dématérialisation de la matière.

La seule différence que l’on puisse constater entre ce qui sort d’une pointe électrisée et les émissions du radium ou les rayons cathodiques d’un tube de Crookes, c’est qu’une pointe électrisée ne fournit pas de rayons X. Mais cela tient uniquement à la résistance qu’oppose l’air à la circulation des atomes électriques. Si l’on met une pointe électrisée en relation avec une des électrodes d’un tube dans lequel on fait le vide, on observe aussitôt une production de rayons X assez abondante pour montrer le squelette de la main sur un écran fluorescent. En réalité rien n’est créé dans un tube de Crookes, tout ce qu’on y trouve résidait déjà dans l’électricité qui est introduite. Les particules électriques n’étant pas gênées dans un tube vide par les molécules d’air entravant leur marche peuvent se mouvoir avec la vitesse nécessaire pour produire les rayons X en venant frapper les parois du tube. Mais, je le répète, ions et électrons ne se forment pas dans le tube vide, ils sont apportés du dehors, et fournis par le générateur d’électricité. Ce n’est pas dans le tube de Crookes que la matière se dissocie, elle y est amenée déjà dissociée.

À mesure que nous avons approfondi l’étude de la dissociation de la matière, l’importance de ce phénomène a constamment grandi. C’est de cette dissociation que dérivent la plupart des forces de l’univers. Elle est peut-être la plus importante des lois de la nature bien qu’entièrement méconnue jusqu’ici.

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