Le porte-monnaie à travers les âges

G. Angerville, La Science Illustrée n°688 —1er février 1901
Mardi 17 septembre 2013 — Dernier ajout dimanche 17 mars 2024

G. Angerville, La Science Illustrée n°688 —1er février 1901

M. Babelon, conservateur du département des médailles et des antiques à la Bibliothèque nationale, envisage quatre phases dans l’évolution monétaire, La première, la plus rudimentaire, est celle du troc : poissons séchés, coquillages, armes, animaux domestiques servent de numéraire.

Vient ensuite, à un état plus avancé de civilisation, l’usage des étalons métalliques non monnayés ; les transactions s’effectuent à l’aide de pépites, de poudres, de lingots, d’anneaux d’or, d’argent, de cuivre, etc.

La troisième phase est celle de la monnaie privée employée par certains particuliers qui, avant l’État, surent inspirer assez de confiance au public pour que ce dernier acceptât, sans recourir à la balance et à la pierre de touche, des lingots métalliques en forme de pièces dont le poids et le titre étaient garantis par la marque de celui qui les avait émis.

Enfin, la quatrième phase est celle de la monnaie frappée par l’État qui apparut en Grèce sous Phidon, roi d’Argos et à Rome, vers le VIe siècle avant notre ère.

La nécessité du porte-monnaie n’apparaît sans doute dans chaque pays, que lorsque ses habitants, en sont, au moins, à la deuxième phase. C’est d’abord, partout, un simple sac d’ans lequel on met l’argent pour le porter sur soi ; plus tard, l’art vient l’orner.

En Grèce, à Rome, ce sac fut, le plus souvent, en cuir d’où son nom de bourse (du grec bursa, cuir).

L’absence de poches aux vêtements jusqu’à la fin du XVIe siècle rendait nécessaire une bourse de grande taille dans laquelle on mettait non seulement la monnaie, mais les clefs et d’autres objets. Les mêmes causes ramenant toujours les mêmes effets, on vit reparaître cette grande bourse sous le Directoire et il y a quelques années, c’est le réticule, porté par les dames et destiné à suppléer aux poches absentes.

Au moyen âge, la bourse, qui s’ouvrait et se fermait soit avec un cordon, soit avec un ressort, se portait pendue à la ceinture. Les coupeurs de bourse avaient beau jeu alors, ils n’avaient pas besoin d’autant de doigté que nos modernes fouilleurs de poche.

Les bourses communes étaient en cuir de cerf, de cheval, de mouton, de bœuf ou de truie, on en portait aussi en peaux garnies de leurs poils, en étoffes ornées de perles et de pierres précieuses ou de broderies.

A la fin du XIIIe siècle apparurent les bourses orientales ou sarrrazinoises, présent des croisades ; les bourses différaient des nôtres par leur mode d’ornementation.

Pendant la .deuxième moitié du XIVe siècle, l’usage s’établit d’orner les bourses de petites sonnettes d’argent. Parfois les bourses étaient émaillées. L’inventaire de Gabrielle d’Estrées fait mention d’un objet semblable sur lequel était peint le portrait de la sœur de Henri IV.

Dès 1225 les marchands qui vendaient des bourses de cuir ou bougettes [1] étaient installés à Paris sur le grand pont ; ils formèrent bientôt une corporation qui obtint ses statuts du roi en 1322.

Le moyen âge connut aussi les bourses en plomb pour reliques que l’on portait au côté ; les bourses à talismans que l’on plaçait sur la poitrine, etc.

Parmi les formes de bourses employées à cette époque il faut accorder une mention spéciale à l’alocère ou aumônière et à l’escarcelle.

L’aumônière consistait en un sac plat que les hommes et les femmes portaient à leur ceinture et qui, après avoir été primitivement la bourse de l’aumône, servit à mettre une foule de menus objets. Les aumônières des XIIe et XIIIe siècles se fermaient, le plus souvent, par tirage, à l’aide de deux cordons ou à rabattement, comme une gibecière.

Au XIIIe siècle, elles étaient richement décorées ; en velours brodé d’or et garni de perles ; on y brodait des scènes de galanterie.

En 1299, un règlement spécial fut fait pour les fabricants « d’aumônières sarrazinoises » qui formaient à Paris une corporation importante. Dans son fameux livre des métiers, Étienne Boileau leur consacre les lignes suivantes :

« Nus ne nulle ne peut faire faire ne acheter ausmonières sarrazinoises, où il ait mellé fil ne coton aveques soye, parrce que c’est dècevance à ceus qui n’i si connaissent. »

Au XVe siècle, les aumônières furent souvent garnies de fermoirs de métal, ornés d’ajours, de ciselures, d’armoiries et prirent alors le nom d’escarcelles.

Les dames offraient à titre de cadeau des aumônières qu’elles brodaient elles-mêmes. L’usage de ces bourses ne fut abandonné qu’à la fin du XVIe siècle quand apparurent les goussets et les poches aux vêtements. Cependant, au XVIIIe siècle, les hommes portèrent pendant quelques années de petits sacs de maroquin nommés carreaux.

Aujourd’hui le porte-monnaie se met d’ordinaire dans la poche. C’est tantôt une bourse en soie à coulants, en cuir, ou à mailles métalliques, que les dames portent parfois pendue au côté par une châtelaine, tantôt c’est le porte-monnaie à compartiments, et à fermoir dérivant à l’escarcelle ; la nacre, l’écaille, plus souvent le cuir servent à sa. confection. N’oublions pas le fameux « bas de laine » dans lequel s’accumule une grande partie de la fortune de la France.

G. Angerville

[1D’où dérive le mot actuel de budget

Vos témoignages

  • Charlotte 22 novembre 2014 23:59

    Bonjour, je n’arrive pas à trouver l’article original ; savez-vous me dire comment puis-je y accéder ? Merci

    • Le porte-monnaie à travers les âges 23 novembre 2014 07:12, par Denis Blaizot

      Bonjour,

      Je ne comprends peut-être pas votre question, mais vous avez sur cette page accès à une reproduction in extenso de l’article signé G. Angerville, paru dans La Science Illustrée n°688 du 1er février 1901.

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