Situé dans les -environs de Shanghai, cet établissement météorologique, qui rend les plus grands services en Chine, surtout aux navigateurs, et à la tête duquel se distingua longtemps le R. P. Dechevrens, vient d’être mis en mesure d’élargir son action scientifique en abordant les études astronomiques. En effet, l’Observatoire étant confié aux Jésuites, un groupe de savants religieux y est arrivé récemment de France, avec les appareils nécessaires pour la création de ce nouveau service.
Le Rév. Louis Froc, directeur de l’Observatoire et qui s’occupe spécialement de météorologie, a désormais comme adjoint, pour les travaux d’astronomie, le R. P. Robert de Beaurepaire, ancien élève de l’École polytechnique, qui sera lui-même secondé par le R. P. Joseph Tardif de Moidrey, également Français, ancien professeur de mathématiques à l’Université d’Angers, et par le R. P. Antoine Weckbacher, de nationalité allemande, qui a longtemps étudié en France tout ce qui se rattache aux recherches .photographiques.
Les fondateurs du service astronomique de l’Observatoire de Zi-Ka-Wei y ont apporté avec eux une grande lunette équatoriale, spécialement construite par la Maison Gautier, de Paris. Cet instrument est double en ce sens qu’il se compose de deux tubes, reliés entre eux et mobiles autour du même axe gradué, l’un destiné aux observations visuelles directes et l’autre affecté à la photographie céleste. Cet appareil astronomique est probablement le plus puissant de l’Extrême-Orient et permettra sans aucun doute à l’Observatoire de Zi-Ka-Weï de rendre des services signalés à la science astronomique.
Au point de vue de la météorologie, l’établissement que dirige avec habileté le Rév. Louis Froc centralise les observations faites dans toutes les mers de Chine, et joue chaque année davantage un rôle de la plus haute importance par ses avis télégraphiques, très utiles pour la navigation dans ces parages dangereux.
Grâce à la générosité des Compagnies de télégraphes, l’Observatoire de Zi-Ka-Wei reçoit deux ou trois dépêches par jour de 42 stations distribuées de l’Asie centrale jusqu’au Japon. Ces nombreuses stations météorologiques se répartissent de la manière suivante : 17 en Chine, notamment à Kouldja, Tien-Tsin, Cheefoo, Chung-King, Han-kow, Fou-Tchéou, Amoy et Hong-kong ; 7 en Sibérie, à Tomsk, Semipalatinsk, Alexandrovsk sur l’Amour, Vladivostock, etc. ; 2 en Corée, à Chemulpo et à Yuensan ; 7 au Japon, à Tokyo, Nagasaki, Oshima, etc. ; 4 à Formose et une aux Pescadores ; 2 aux Philippines, à Manille et à Bolinao ; 2 en Indo-Chine, au Cap Saint-Jacques et à Tourane.
Surtout pendant la saison des terribles typhons, les observations centralisées de tous ces points à Zi-Ka-Wei permettent de précieux avertissements météorologiques, dont la précision vient encore d’être accrue par la fondation de quatre stations nouvelles dans les groupes d’îles du sud du Japon, création obtenue sur la demande de M. Harmand, ministre de France à Tokyo. Outre les transmissions télégraphiques des postes précités, l’Observatoire reçoit chaque mois de 52 autres stations le bulletin de leurs observations journalières.
Aussi le vaste réseau d’informations relatives à l’état atmosphérique, qui commence à couvrir l’Asie orientale, donne-t-il à l’établissement météorologique de Zi-Ka-Wei la possibilité non seulement de diminuer de façon notable les périls de la navigation dans les mers de Chine, mais au surplus de jeter un jour nouveau sur les phénomènes météorologiques dans une partie du monde peu étudiée jusqu’ici. Les progrès de cette science, pourtant de première importance, sont trop lents pour qu’on ne constate pas avec satisfaction les services croissants rendus par l’Observatoire de Zi-Ka-Wei, fondé par la France en 1840.
Jacques Léotard
Voy. n’ 944, du 4 juillet 1891, p. 75