Personne n’a regretté l’éclairage à la chandelle, avec son cortège de menus désagréments. Mèches charbonneuses, taches de suifs et parfums malodorants. Et cependant la chandelle fut un grand progrès, sur les flambeaux de résine ou d’autres matières dont on usa longtemps.
La cire était réservée pour les églises et pour les palais des rois ou des princes. Des gens riches, des seigneurs pourvus de domaines importants se contentaient de la vulgaire chandelle, et assez fréquemment, on la fabriquait chez soi.
Le livre des Mises et receptes du sire de Gouberville, un gentilhomme campagnard normand des environs de Coutances, nous renseigne sur ce point [1].
Sous ce titre, le sire de Gouberville, nous a laissé le détail de son ménage, de ses gens, de l’argent qu’il recevait ou qu’il donnait, et nous voyons à plusieurs reprises, qu’il surveille certains de ses domestiques, chargés de fabriquer de la chandelle, pour laquelle il emploie le suif des bêtes de boucherie, que l’on tuait pour la nourriture de son nombreux personnel.
Ces comptes curieux, qui nous renseignent sur les plus petits détails de la vie d’un gentilhomme faisant valoir son propre bien, vont des années 1552 à 1562, environ.
Le sire de Gouberville devait posséder pour ses chandelles des mouchettes agrémentées et ornementées, dans le genre de celles qui sont. figurées ici. Celles-ci, à vrai dire, sont quelque peu postérieures, car on ne saurait les faire remonter plus haut que le commencement du XVIIe siècle, mais la mode, en matière de mouchettes, n’a pas varié dans des proportions considérables.
Nos pères aimaient à apporter un certain luxe dans ces ustensiles de la vie courante, et les collections publiques et privées contiennent des mouchettes avec leurs supports classés selon un ordre chronologique. Cependant, personne ne possède un spécimen des appareils de ce genre dont parle l’Exode (ch. XXV, v.38) : « Vous ferez encore des mouchettes et des vases où sera éteint, ce qui aura été enlevé des lampes, le tout d’un or très pur. »
Le mot de « mouchettes » est, lui-même, relativement récent, si l’objet date de loin. Aux comptes royaux, cités par M. de Laborde, dans son savant Glossaire, nous voyons figurer la dépense suivante : « Pour un sysiaux à moucher la chandelle, iij s. » Ce qui prouve qu’à la cour de France, on se servait de chandelles, en même temps que le sire de Gouberville ; cité plus haut.
Ce n’est qu’au XVIIe siècle, que le nom de mouchettes, dérivé du verbe, apparait pour la première fois.
Tous ces instruments, ont pour caractéristique, une lame coupante, amenant la partie carbonisée sur une autre lame, coiffée d’un récipient demi-circulaire, que la première lame, pourvue d’un obturateur, ferme en repoussant la partie charbonnée, qui s’éteint faute d’air, au lieu de fumer interminablement en répandant des odeurs plutôt nauséabondes.
Les mouchettes et leur support représentées plus haut, sont en fonte de cuivre jaune ; elles ont été reprises à la lime et au burin ; les champs sont enrichis de gravures assez soignées et d’un aspect très décoratif’.
Les modèles furent variés à l’infini, à la grande joie des collectionneurs qui recueillent ces vestiges du passé.
On faisait, il y a quelques années encore, des trouvailles précieuses de ce genre, en des campagnes écartées, chez des, paysans qui n ’ont pas voulu sacrifier à la bougie luxueuse, mais, aujourd’hui, les mouchettes artistiques sont rares. Les paysans les ont vendues, et mouchent leurs chandelles avec leurs doigts, procédé malpropre, mais expéditif.