L’Australie, qui semble vouloir rivaliser avec la vieille Europe et sa soeur aînée, la jeune Amérique, n’en est pas moins, à l’exception de quelques districts, de quelques cantons vraiment beaux, un pays relativement triste et peu fertile. Que les émigrants ne s’imaginent donc pas trouver un paradis dans une terre qui demandera certainement à l’homme plus de travail que les savanes et les pampas du Nouveau-Monde !
Complètement inconnue des anciens et à peine soupçonnée par nos pères du quinzième siècle, ce ne fut en résumé que vers 1527 ou 1530 que les Portugais durent l’aborder. Ils tinrent secrète leur découverte, afin de jouir seuls des avantages qu’elle leur promettait ; des manuscrits ont, depuis, proclamé l’authenticité de leur voyage. Mais qu’arriva-t-il ? Lorsque les Hollandais, en 1606 et de 1628 à 1629, firent définitivement connaître cette région, à laquelle ils imposèrent immédiatement le nom de Nouvelle-Hollande, on crut qu’ils dévoilaient un monde complètement ignoré. Les Anglais, du reste, ne tardèrent pas à les supplanter. En effet, Cook, le découvreur par excellence du monde océanien, débarque sur la côte orientale, il aborde à Botany Bay en 1770 et en prend possession au nom de son souverain, George III.
Il n’y a pas encore un siècle, -d’après les renseignements fournis par Cook- le capitaine Arthur Phillip résolut d’installer à Botany Bay la colonie pénitentiaire qui devait donner à l’Angleterre l’immense continent qu’elle occupe aujourd’hui. Il met son projet à exécution ; pourtant la situation ne lui semble pas complètement favorable : il cherche un peu plus au nord et découvre le magnifique port Jackson. Sydney allait naître.
Il est assez curieux de savoir quels furent les premiers éléments de la colonie qui devait plus tard s’étendre sur le continent entier. Elle se forma simplement, au début, de 757 forçats, dont 192 femmes et 18 enfants. Le tout gardé par 200 soldats. 1 taureau, 4 vaches et 1 veau, 1 étalon et 3 juments, quelques moutons, quelques chèvres et quelques porcs formaient la réserve et l’espoir de fortune. Eh bien ! chose merveilleuse , fait unique dans l’histoire de la colonisation, disait M. Désiré Charnay, qui visitait il y a quelques mois l’Australie, en moins de 90 ans, ce groupe d’hommes s’est convertien une nation de 2.700.000 habitants, et ces quelques bestiaux jetés sur cette terre déserte, en 1 million de chevaux, 8 millions de bœufs, 60 millions de moutons !
Sydney est dans une situation admirable. Elle s’étend au fond d’une vaste baie, qui forme un grand nombre de havres, d’anfractuosités de l’aspect le plus enchanteur. Sa population, qui, en 1846, n’atteignait pas 40.000 âmes, dépasse aujourd’hui 200.000 habitants. Cette station, fondée par un assemblage de gens qui, dans les premiers temps, devaient plus éloigner qu’attirer l’émigration volontaire, ne tarda pas, avec l’aide du gouvernement britannique, à vouloir se laver de cette tache du « convictisme ». Dès 1839, l’Angleterre cessa d’y envoyer des déportés, mais les anciens convicts demeuraient, transformés, il est vrai, pour la plupart, vivant avec tous les dehors de l’indépendance, à peu près libres et ne commettant pas de crimes. En 1846, il y en avait encore 10.555 dans la colonie. On en délivra 6.500 deux années plus tard. En décembre 1851, il n’en restait plus que 1.700.
Encore aujonrd’hui, on montre quelques vieux colons, propriétaires ou bons rentiers, qui sont arrivés les fers aux pieds sur cette terre libératrice. Les habitants, leurs voisins, devenus leurs amis, ont oublié le passé, mais l’étranger, plus sévère, ne leur tend pas encore volontiers la main. Pourtant, on cite des convicts qui ont fini par avoir des situations officielles, gouvernementales…, et qui naturellement étaient entourés d’hommages.
Avec de pareils commencements, il est facile de comprendre qu’une ville, même de date récente, ne peut pas sortir de terre régulière , symétrique , comme les cités américaines, toutes tracées avant d’être liées.
Aussi, tandis que l’orgueilleuse rivale de Sydney, Melbourne, la reine du Sud, apparaît majestueuse, coupée de rues parallèles, construite de maisons élégantes, la plus ancienne station australienne se ressent des difficultés de son enfance, des luttes qu’il lui a fallu soutenir, du peu de ressources dont elle disposait. Ses habitations sont généralement laides, les voies manquent d’harmonie. 0n dirait une ville déjà vieille.
M. Désiré Charnay, dans une comparaison originale, nous fait bien saisir la différence des deux grandes cités australiennes. « Melbourne, nous dit-il, c’est un cadet aventureux, un fils de fortune prodiguant ses richesses, -Sydney, un aîné prudent, fier de son droit d’aînesse et respectant les traditions de la famille. Melbourne, c’est une démocratie lancée à toute vapeur dans la voie des réformes exagérées, -Sydney, une république conservatrice, qui a également ses audaces. »
Un des caractères des peuples jeunes, c’est d’adorer les monuments. Les vieilles nations haussent toujours quelque peu les épaules en voyant les dépenses énormes, souvent inutiles, qu’entraîne la construction des édifices. Les jeunes peuples, au contraire, brûlant d’affirmer leur puissance, élèveraient volontiers des palais en plein désert : ils semblent vouloir dire à tous ceux qui viennent, à tous ceux qui passent : « Nous n’avons rien a envier aux vieux mondes ! » Malheureusement, le palais ressemble presque toujours à un sorte de vaste hôtel, et trop souvent il n’y a rien à mettre dedans.
Ne dénigrons cependant pas Sydney. La rue Pitt et la rue York ont de somptueuses constructions. L’Hôtel de Ville et le Trésor sont de beaux édifices.
Quant aux parcs, aux jardins, le colon australien, digne héritier des traditions britanniques, en a fait partout des merveilles.
C’est au milieu d’un de ces splendides jardins que s’élève, non sans grâce, l’Exposition universelle, la première qu’ait eue le monde océanique, et qui va maintenant avoir pour émule l’exposition de Melbourne.
Deux expositions en dix-huit mois, dans un pays moins peuplé que la Belgique, c’est là une de ces idées qui ne peuvent trouver leur réalisation que chez une jeune et vigoureuse nation qui se croit grande parce qu’elle aspire à l’être. Témérité d’enfant qui se sent appelé à devenir homme supérieur !
L’entreprise lancée par les Australiens peut-elle rivaliser avec les expositions de Philadelphie et de Paris ? Évidemment non ! On n’expédie pas sans des difficultés énormes, des produits aux antipodes du monde civilisé.
Pourtant, en tête des nations européennes qui ont envoyé le plus d’exposants et qui ont tenu la première place comme beauté d’installations, citons la France et l’Italie.
Parmi les plus brillants comptoirs, s’est signalée la maison Christofle, qui est parvenue à faire de l’art, du grand art même, avec les procédés que nous fournit la science contemporaine. Non loin des faïences de Gien, on remarquait de nombreux échantillons de nos joyeux vins de France, de ces bons crus qui nous ont fait autant, peut-être plus apprécier des étrangers, que nos qualités, que notre esprit !
L’exposition de Sydney a attiré en somme un peu moins de monde que l’exposition annuelle des beaux-arts aux Champs-Élysées, mais elle est le point de départ d’une ère nouvelle pour l’Australie. L’enfant a pris la robe prétexte : il ne demande plus qu’à marcher hardiment.
Nous joignons à cette description sommaire de Sydney trois cartes qui pourront intéresser nos lecteurs : 1° une carte de l’Australie telle qu’on la connaissait du temps de Cook ; elle est tirée de l’un des atlas qui accompagnent la relation des voyages de ce navigateur ; 2° une carte de l’ Australie actuelle ; 3° une carte de Sydney et du voisinage.