Les périscopes de sous-marins

Ernest Coustet, La Nature N°2178 — 26 Juin 1915
Lundi 15 mars 2021 — Dernier ajout samedi 16 mars 2024

Ernest Coustet, La Nature N°2178 — 26 Juin 1915

Dans une étude très documentée sur les sous-marins [1], M. G. Blanchon a indiqué le principe du périscope, qui doit permettre au commandant, à son poste de plongée, à 5 ou 6 m. sous l’eau, de faire ses observations et de se diriger, à peu près comme dans la navigation à la surface. Si simple que paraisse cet instrument, sa construction a mis les opticiens en présence d’un problème assez complexe et dont la solution a exigé beaucoup d’essais et de tâtonnements. On en aura une idée, en examinant les diverses combinaisons optiques utilisées dans la marine allemande.

La plus simple est représentée figure 2. A l’extrémité supérieure d’un tube en acier d’environ 6 m. de longueur est monté un prisme à réflexion totale R1, qui renvoie les rayons lumineux venus de l’extérieur vers un objectif O1 à foyer relativement court. L’image formée dans le plan focal E1 est reprise par une seconde lentille O2 qui la projette dans le plan E2. Cette image, redressée par le prisme R2, est examinée à l’aide de l’oculaire O3 qui donne un grossissement de 1,5. L’expérience a montré que ce grossissement est nécessaire pour faire voir les objets visés en grandeur naturelle et à leur distance réelle : avec un grossissement théoriquement égal à 1, les objets semblent plus petits et plus éloignés qu’ils le sont en réalité. Le champ de vue est d’environ 45°, soit 1/8 de l’horizon. En faisant tourner le tube, on explore successivement l’espace environnant dans toutes les directions.

Ce périscope donne des images très claires ; mais, comme il n’est établi que pour l’observation monoculaire, il ne permet pas de bien distinguer les différents plans et fatigue assez vite l’œil de l’observateur. On a bien songé à établir des périscopes binoculaires ; seulement, on y a renoncé, sous prétexte que les diamètres des lentilles étant limités par l’écartement des yeux (65 mm au plus), on perdrait en luminosité l’avantage que procure la vision stéréoscopique. Il nous semble pourtant qu’il ne serait pas impossible de tourner la difficulté par une disposition analogue à celle des stéréo-jumelles à prismes.

Le périscope combiné (fig. 3 et 4) se prête à l’examen binoculaire, mais non pas stéréoscopique : l’image réelle, projetée sur un verre dépoli, est semblable a celle qui se forme sur l’écran de la chambre noire photographique ; on la voit bien avec les deux yeux, mais il ne s’ensuit pas que l’on soit à même de situer exactement les objets en profondeur. La partie supérieure du périscope combiné est identique à celle de l’appareil précédent ; l’extrémité inférieure est construite de manière à fournir soit une image réelle (fig. 3) formée sur la glace dépolie E2 et réfléchie par l’hypothénuse argentée du prisme R2, soit une image virtuelle (fig. 4) que l’on examine à l’aide de l’oculaire O3. À cet effet, l’écran dépoli, le prisme et l’oculaire sont montés dans un tambour à axe horizontal qu’il suffit de faire tourner de 180° pour passer de l’un à l’autre des deux modes d’observation, qui ont tous deux des avantages et des inconvénients. Le verre dépoli évite à l’observateur toute fatigue excessive, mais il est inutilisable dès que la lumière est faible. Le grossissement de 1,5 est souvent insuffisant pour distinguer certains détails. Il s’agissait d’obtenir un grossissement plus fort, sans trop diminuer la clarté. On y est parvenu en ajoutant à l’objectif normal un téléobjectif (fig. 5 et 6) composé d’une lentille convergente L1 et d’une lentille divergente L2. On obtient ainsi des images de dimensions plus grandes qu’avec l’objectif ordinaire, sans modifier la longueur du tube. Le téléobjectif et l’objectif ordinaire sont réunis dans un tambour que l’on fait tourner de 180° pour examiner soit l’image amplifiée (fig. 5), soit l’image ordinaire (fig. 6).

Les périscopes précédents ne permettent pas au commandant de jeter un rapide regard circulaire : il faut compter 5 à 10 secondes avant que l’instrument ait exploré tout l’horizon, et la manœuvre exige un certain effort, car, en raison des pressions qui s’exercent sur le manchon, l’étanchéité n’en est assurée qu’au moyen de joints très serrés. De plus, l’observateur est obligé de se déplacer, en même temps que l’oculaire, qui tourne, comme l’objectif, autour du même axe vertical. Remarquons, en effet, que si l’on se bornait à faire tourner le sommet de l’instrument, l’image s’inclinerait aussitôt que les hypothénuses des prismes R1 et R2 cesseraient d’être parallèles ; un quart de tour ferait paraître l’horizon vertical, et un demi-tour montrerait les objets renversés sens dessus dessous. Pour maintenir l’image droite sans déplacer l’oculaire, il a fallu interposer un prisme redresseur dont le mouvement combiné avec celui de l’objectif compense à chaque instant la déviation.

C’est sur ce principe qu’est fondé le périscope panoramique (fig. 7) dont le tube est fixe et porte à son sommet une cloche de verre K contenant un prisme à réflexion totale R1 monté sur un manchon que l’on peut faire tourner à l’aide d’une manivelle. Les rayons réfléchis traversent l’objectif O1 dont le plan focal est en E1. Un second objectif O2 a également son foyer en E1 : il s’ensuit que les rayons issus de cette lentille sont parallèles. Ils traversent alors le prisme tétraèdre redresseur P, puis une troisième lentille O3 qui projette en E3 l’image que l’on examine à l’aide de l’oculaire O4 et du prisme R2.

Sur la monture du prisme redresseur (fig. 8) est un pignon conique III qui engrène avec deux crémaillères dentées I et II dont la première est adaptée au tube portant le prisme triangulaire supérieur. Les engrenages sont calculés de telle sorte que le déplacement angulaire du prisme redresseur soit inférieur de moitié à celui du prisme supérieur. Les images restent ainsi constamment droites.

Pour observer successivement tous les points de l’horizon, il suffit de faire tourner le tube intérieur, monté à billes dans son manchon, de sorte que la rotation s’opère sans fatigue pour l’observateur, qui n’a pas à se déplacer, l’oculaire demeurant immobile.

Cependant, si rapide que soit la manœuvre, elle ne permet pas encore d’embrasser d’un coup d’œil l’espace environnant : dans les cas où une surveillance assidue doit s’exercer dans toutes les directions, il ne faut pas que le pilote soit astreint à un déplacement continuel du champ de vision, qui risque de lui faire perdre la notion exacte de l’orientation, malgré le compas et les repères que porte la partie mobile du périscope. La vision simultanée de l’horizon tout entier est réalisée dans le périscope à image annulaire (fig. 9). Au sommet du tube est une lentille annulaire R, limitée extérieurement par une surface sphérique et intérieurement par une surface ellipsoïdale argentée. Les rayons venus de tous les côtés sont ainsi réfractés puis réfléchis vers la base du tube. L’objectif O2 réunit ces rayons dans le plan E2. L’image panoramique formée de la sorte n’est vue dans son sens véritable que lorsqu’on l’observe, par l’oculaire O3, à travers un prisme pentaèdre R2. Cette image annulaire comprend tous les objets environnants, mais ils paraissent plus petits et plus éloignés qu’à l’œil nu. Afin d’apprécier exactement les dimensions et les distances, on a utilisé le cercle qu’entoure l’image annulaire pour y projeter une image partielle amplifiée au moyen de la lentille divergente O1 (fig. 10) et du réflecteur R1. On aperçoit ainsi (fig. 1), au centre de l’image panoramique, une portion de l’espace (25°) à une plus grande échelle. En faisant tourner le périscope central, l’observation détaillée s’exerce successivement dans toutes les directions.

Ernest Coustet

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