Ce sujet d’article semble bien peu d’actualité par ce temps de ligues de tempérance et d ’enseignement antialcoolique, mais enfin. il faut bien boire, ne fût-ce que de l’eau. Elle a été d’ailleurs la première boisson et toutes les autres ne sont que des produits de la civilisation. Le premier verre à boire fut le creux de la main ; le second fut sans doute une corne d’animal ou une pierre creuse ; depuis, qui pourrait dire combien de matières vulgaires ou précieuses servirent à le façonner et noter toutes les formes qu’on lui donne, de la coupe antique aux contours si purs jusqu’au « demi-setier sans patte » du moderne marchand de vins ! Nous nous bornerons à indiquer quelques vases à boire particulièrement remarquables à différents points de vue.
Les coupes formaient la plus grande partie de la vaisselle des anciens. Ils en avaient de toutes dimensions, de toutes formes, de toutes matières. Chez les Grecs, on distinguait la phiale, écuelle plate, sans anses et sans pied ; le kymbion, profond, large et sans anses, semblable à une nacelle ; le kylix, coupe à deux anses sur un pied, etc, Les mêmes formes se retrouvent chez les Romains qui ont connu de plus des types particuliers de vases à boire ou à libations : le calice ; le ciboire, la patère.
Toutes ces coupes servaient aux usages domestiques. Il y en avait en argile commune à peine décorées de quelques dessins au trait. On en fabriquait en bronze, en argent ou en or, avec des ciselures ou des pièces rapportées. On en taillait dans le cristal de roche avec une habileté telle qu’une sorte de résille à jour formait comme une dentelle autour de la panse du vase.
Au moyen âge la coupe est un vase à boire monté sur un pied et muni d’un couvercle ; mais il y en avait aussi sans pied, à récipient plus ou moins évasé en forme de verre à boire.
Les coupes de table en cristal de roche étaient très communes en raison de la croyance que cette précieuse matière se troublait et devenait nuageuse au contact d’un poison ; or, la crainte de l’empoisonnement ne fut jamais si forte qu’au moyen âge.
Les pauvres gens qui ne pouvaient se payer des coupes en quartz employaient un vase en bois tourné, le caillier, de la forme d’un bol. On les faisait surtout en hêtre, car ce bois passait pour clarifier le vin nouveau et lui donner un goût agréable.
Beaucoup de cailliers, de grande dimension, servaient à contenir le vin, tandis qu’un bol ou caleron formant couvercle faisait office de vase à boire.
Le gobelet date aussi du moyen âge, Il était de métal, de verre ou de bois et possédait parfois un pied et un couvercle. Sa dimension ordinaire est de 8 centimètres de hauteur ; souvent les gobelets garnissaient la nef, pièce d’orfèvrerie où l’on enfermait, toujours par crainte d’empoisonnement, tous les ustensiles de table du roi ou du seigneur.
Dans le cérémonial princier, le gobelet était le vase d’orfèvrerie dans lequel le grand échanson versait le vin de la coupe pour en faire l’essai. Les gobelets les plus simples étaient calibrés de façon à pouvoir rentrer les uns dans les autres pour la facilité de transport et on les enfermait dans un étui appelé gobelière.
L’orfèvrerie allemande leur donna parfois des formes bizarres ; ce sont des figures de femmes dont le buste forme le pied et la robe le récipient, de sorte qu’ils ressemblent à des sonnettes sans battant.
On connaît aussi des gobelets à biberon, pourvus d’une sorte de moulinet que l’on mettait en mouvement en soufflant dans une sorte de biberon. Une aiguille qui se promène sur un cadran indique le nombre atteint par le buveur et permet de jouer le payement de l’écot.
Le hanap, qui ne fut plus employé en France à partir du XVIe siècle, mais dont l’usage se conserva en Allemagne jusqu’au XVIIIe siècle, est une sorte de gobelet de grandes dimensions monté sur un pied.
On les possédait par douzaines ainsi qu’en font foi les inventaires. Quand un hôte se présentait, on lui offrait le hanap de bienvenue.
Le plus souvent, le hanap portait un couvercle que l’on pouvait fermer à clef par crainte du poison. Une grande variété de formes a régné dans ces objets ; c’étaient ordinairement des pièces d’orfèvrerie, mais On en faisait aussi en bois madré, c’est-à-dire d’essences veinées : loupe d’orme, racine de bruyère, etc.
Le vidrecome diffère du hanap par l’absence de couvercle. Le pied manque souvent ; c’est, en somme, une sorte de grand verre à haire cylindrique. Le Musée du Louvre possède un vidrecome qui n’a pas moins de 37 centimètres de haut et porte l’aigle impériale allemande avec nombreux écussons.
La variété de forme des vidrecomes fut poussée jusqu’à la bizarrerie. Il y en avait en forme de boite, pour le coup de l’étrier ; d’autres portaient dans le globe formant pommeau un dé que l’on agitait pour tirer au hasard le nombre de coups à boire ou pour jouer au plus haut point, comme aujourd’hui les ouvriers au « zanzibar », le payement de l’écot.
Le curieux verre à boire du XVIIe siècle que nous reproduisons présente un petit dé à jouer dans son pied ; ce tour de force était réalisé fréquemment par les anciens verriers, car dans tous les cabarets d’Allemagne à cette époque, il existait de ces verres que le buveur devait toujours tenir à la main, ce qui indique qu’ils étaient destinés aux consommateurs pressés, désireux de payer ou de se faire payer quelques « tournées » sur le « zinc » et de partir ensuite à leurs affaires ou … chez le cabaretier voisin pour recommencer leurs libations.
Aujourd’hui, le luxe du verre à boire est dans la taille du cristal qui le compose. On ne peut que regretter la monotonie des formes que répètent les fabricants.
G. Angerville