De tous les ustensiles de la table, le couteau est certainement le plus ancien, il a précédé toute vaisselle et la table elle-même, ainsi que la cuiller et surtout la fourchette, d’origine toute récente !
Les premiers couteaux furent, sans doute, des coquilles de mollusques, puis des silex taillés, des lames en pierre polie. Cet instrument bénéficia, comme tous les autres, des progrès généraux de l’industrie, la lame en fut de bronze, de fer ou d’acier et on y ajouta, pour éviter de se blesser en la tenant, un manche qui fournit d’inépuisables sujets de décorations et de ciselures, avant de tomber, à notre époque, dans la commune banalité des objets manufacturés à la grosse, et dont le bon marché doit être la première des qualités.
Les couteaux des Grecs et des Romains ne différaient pas sensiblement des nôtres. Chez certains même, la lame pouvait rentrer dans le manche, comme chez nos couteaux de poche actuels. Non seulement ils servaient à découper les viandes et les autres aliments, mais, toujours pointus, ils tenaient lieu de fourchettes et c’était avec leur aide qu’on piquait les morceaux et qu’on les portait à la bouche.
Dans les familles aisées, le service de la table était fait par un maître d’hôtel qui découpait les viandes avant qu’on les apportât sur la table. Un certain Tripherus tenait même un cours très suivi de découpage, avec expériences, sur des volailles en bois, formées de morceaux collés les uns aux autres.
En dehors du couteau de table, les Romains possédaient des canifs, des couteaux à ongles et des couteaux à fruits. Ces derniers avaient une lame d’os ou d’ivoire. Le manche des couteaux romains était en substances précieuses, ornées de mille façons.
Les Celtes ont aussi connu l’usage du couteau, mais ils ne l’employaient que d’une façon intermittente,au témoignage du philosophe Posidonius. « Ils mangent fort malproprement, dit-il, en parlant de nos ancêtres, et saisissent avec leurs mains, comme les lions avec leurs griffes, les quartiers de viande qu’ils déchirent à belles dents. S’ils trouvent un morceau qui résiste, ils le coupent avec un petit couteau à gaîne, qu’ils portent toujours au côté. »
Au moyen âge, comme à Rome, le couteau servait à table, non seulement pour découper les aliments, mais pour les porter à la bouche. La fabrication de ces ustensiles était des plus soignées, du moins chez ceux destinés aux personnes de haute condition. Le manche affectait les formes les plus variées ; il était fait d’ivoire, de bois de cèdre, d’argent ou d’or. Les lames de certains d’entre eux rentraient dans le manche, au moyen d’un ressort, comme celle de nos canifs à coulisse.
Dans beaucoup de banquets, même somptueux, chaque convive apportait son couteau ; pratique conservée encore dans nos campagnes. Les chroniqueurs nous apprennent que Gaston de Foix mangeait toujours avec un couteau qu’il portait avec lui.
La viande était découpée par un écuyer tranchant et présentée au convive sur la lame très large d’un grand couteau nommé présentoir qui fut en usage jusque vers le milieu de la Renaissance. Cet ustensile de table était, en général, d’un grand luxe ; le manche en était incrusté ou ciselé et la lame gravée ou damasquinée. Le musée du Louvre possède plusieurs beaux présentoirs ; certains ont 50 centimètres de long ; la lame est souvent carrée au bout.
Les couteaux du moyen âge et de la Renaissance sont aussi très luxueux. Le manche, que les incrustations, les arabesques concourent à orner, porte souvent les initiales et les armoiries du propriétaire ; la lame elle-même est ornée d’inscriptions et de devises. Les couteaux, dits « de réfectoires », destinés à la table des couvents, portent sur leur lame la musique notée et les paroles des Grâces et du Benedicite.
Les couteaux se mettaient d’ordinaire dans une trousse, que l’on portait suspendue à la ceinture par une chaînette de métal précieux ; elle en contenait le plus souvent trois de dimensions variables. Notre belle gravure reproduit des couteaux de la fin du XVe siècle.
Actuellement, les centres principaux de coutellerie sont Solingen dans la Prusse Rhénane, Prague, en Bohême, Sheffield, en Angleterre, Paris, Thiers, Nogent, Langres, Châtellerault, en France. Les lames sont taillées, par voie d’estampage, dans des feuilles d’acier et la division du travail est poussée aujourd’hui à l’extrême dans cette fabrication. Dans les couteaux actuels, le luxe porte plutôt sur le métal précieux, dont est formé le manche, que sur son ornementation.