Parmi les nombreuses espèces de gentianes qui croissent en France, la Gentiane jaune (Gentiana lutea L.) Gentianacées, appelée très souvent encore Grande Gentiane, est la plus employée en thérapeutique. Nombre d’auteurs font venir son nom de Gentius, roi d’Illyrie, qui vivait 172 ans avant Jésus-Christ, tandis que, d’après l’érudit thérapeute qu’est le D’ H. Leclerc, il faut l’attribuer à un médecin de l’antiquité porteur de ce vocable.
Habitat. — La Gentiane croît dans nos principales contrées montagneuses : les Alpes, les Vosges, les Pyrénées, les Cévennes, l’Auvergne, la Bourgogne, le Queyras, le Briançonnais et toute la région comprise entre 800 et 2500 m. d’altitude.
Description sommaire. — Plante vivace, à tige haute de 0m. 80 à 1 m. 50, dressée, creuse en dedans. Feuilles inférieures, larges, elliptiques, les supérieures sessiles, opposées, embrassantes. Fleurs s’épanouissant en juillet, d’un beau jaune d’or, disposées en verticilles successifs au sommet de la tige. Racine longue, grosse parfois comme l’avant-bras, d’un brun noirâtre à l’extérieur, d’un jaune rougeâtre à l’intérieur, d’une odeur forte et d’une saveur très amère. Graines nombreuses, arrondies, très minces.
Culture. — Comme on la trouve en abondance dans les contrées montagneuses précitées, on ne la cultive que dans certaines régions qui ne le sont pas. On peu la multiplier par le semis ou par la division des souches, au printemps, dans une terre franche, profonde, un peu humifère ou tourbeuse, plutôt humide et à mi-ombre. La levée des graines est capricieuse ; elle se fait souvent attendre très longtemps (A. R. et D. B.).
Récolte, séchage et rendement. — D’accord sur le fait que les racines n’atteignent le maximum de leurs vertus qu’à la fin de la deuxième année de végétation, certains auteurs diffèrent sur le meilleur moment de leur récolte. Tandis que les uns conseillent de les arracher à ce moment-là, d’autres suggèrent de ne le faire que vers la cinquième année, alors qu’elles ont atteint au moins la grosseur du poignet. Dans tous les cas, l’arrachage, qui est assez difficile, doit avoir lieu, de préférence, à la fin de l’automne, après la chute des feuilles, ou même jusqu’en février, si l’état du terrain le permet. On attend parfois jusqu’au printemps. Les racines arrachées, on les nettoie sans les laver, on les laisse entières ou on les coupe en petits morceaux de 2 cm, et on les fait sécher rapidement en plein air sous des hangars ou dans le séchoir. On les conserve, selon la quantité, dans des caisses ou des bocaux pouvant être très bien fermés ou bouchés. Les racines perdent par la dessiccation les deux tiers environ de leur poids.
Composition chimique. — La racine de gentiane est la seule partie usitée. Elle renferme comme principales substances trois glucosides : la gentiopicrine, la gentiamarine et la gentisine, deux ferments, l’un hydratant, l’autre oxydant, une matière colorante, la gentisine, une essence et des traces d’un tanin, l’acide gentiotannique. La gentiopicrine se dédouble, au contact des acides, en glucose et gentiogénin. Bourquelot et Hérissey ont isolé, de la racine fraiche, du sucre de canne et un autre sucre tout à fait spécial : la gentianose.
Propriétés thérapeutiques. — Cette racine est très appréciée depuis longtemps pour ses remarquables propriétés toniques, apéritives, stomachiques et fébrifuges. On la considère comme la reine des amers indigènes et le meilleur succédané du quinquina, d’où le nom de « quinquina indigène » qu’on lui a donné parfois. Des recherches récentes, poursuivies sur un des points les plus impaludés de la Corse, ont conduit M. Tanret à reconnaître à la plante, et tout spécialement à la gentiopicrine, des propriétés antipériodiques très nettes, capables de rendre des services quand la quinine n’a pas donné tout ce qu’on en attendait : le même auteur a constaté que la gentiopicrine tuait rapidement les infusoires, ce qui expliquerait son influence sur les hématozoaires du paludisme (Dr H. L.).
Préparations pharmaceutiques. — Extrait o gr. 20 à 2 gr. ; infusion 5 pour 100 ; macération 20 à 30 gr. pour 1000 ; poudre 0 gr. 50 à 5 gr. ; sirop 10 à 100 gr. ; vin 60 à 120 gr. La racine fraîche et surtout stabilisée est plus active que la racine sèche. Elle entre dans la composition de l’élixir de Peyrilhe. On fait avec elle des pois à cautères et des drains. La médecine vétérinaire en emploie beaucoup pour remplacer économiquement le quinquina. La gentiane constitue la base essentielle de la plupart des apéritifs commerciaux : bitters et vermouths. On fabrique avec elle une eau-de-vie spéciale dans l’Est de la France, Côte d’Or, Jura et Vosges, en mettant fermenter avec de l’eau portée entre 15° et 18° des fragments de racines qui contiennent une quantité notable de sucres.
Observations commerciales. — Contrairement à ce qui se produit avec nombre de plantes médicinales, nous \ exportons des racines de gentiane.-Avant la guerre, on estimait que 150 000 balles de 100 kg, valant de 34 à 40 francs le quintal, étaient exportées chaque année par le port de Bordeaux ou par celui de Marseille à destination de l’Amérique du Nord. L’herboristerie payait alors pour ce poids 35 à 45 francs. Depuis, le prix en gros s’est élevé entre 50 et 100 francs le quintal, et au détail le kg a été coté 1 fr. 25 à r fr. 40 pour les racines entières et 1 fr. 60 à r fr. 8o pour les racines coupées.