Il y a certainement peu de questions ayant en astronomie fait couler autant d’encre que celle des canaux de Mars.
Nos lecteurs ont encore présent à la mémoire le bel article que M. Maurice Fouché leur a consacré dans ce journal en 1901 [1] , alors qu’un observatoire américain avait signalé une « projection lumineuse » sur le disque de notre voisine.
Alors que les uns, comme M. Flammarion, se sont ralliés à l’existence de ces canaux et ont assis sur celle existence une théorie aussi séduisante que solide, d’autres ont nié la réalité de tout ce que nous voyons sur Mars.
C’est ainsi que M. Cerulli, dans un article paru le 27 mars dernier dans les Astronomische Nachrichten, déclare que la géographie martienne est une fiction.
Si l’on peut nier à la rigueur tout ce qui est fondé sur l’observation visuelle, il reste un témoin impartial moins sujet à la défection que notre globe oculaire. C’est l’objectif photographique. On vient, et c’est là un événement d’une importance considérable de photographier les canaux de Mars.
Douglass avait déjà en 1901 photographié la mer Acidalienne sur Mars ; mais on ne trouvait pas de canaux sur ses plaques de même que sur celles obtenues à l’opposition suivante par M. Lampland.
Ce dernier observateur a obtenu le 11 mai 1905 des photographies de Mars avec le réfracteur Clark de 24 pouces dont la longueur focale est de 386 pouces.
Pendant que ces photographies étaient prises, M. Percival Lowell faisait des observations visuelles et dessinait la planète ; la concordance est presque parfaite entre le dessin et la photographie. C’est la région de la grande Syrte qui était alors visible sur Mars.
Les photographies montrent les canaux suivants : Nilosyrtis, Pyramus, Casius, Protonilus, Pierius, Vexillum, Thoth.
Les mers sont très nettes et, avec la grande Syrte, on distingue facilement la mer Erythrée, la mer Icarienne, l’Hellas, les neiges du Pôle Nord.
Les images ont été agrandies 1,8 fois. Sur d’autres clichés, on a constaté l’existence d’autres canaux, notamment ceux qui bordent Elysium ainsi que l’Helicon, l’Erebe et l’Hades. Les clichés confirment pleinement les observations visuelles.
Ils montrent l’existence des canaux et, en outre, font voir que les canaux sont des lignes continues et non pas une synthèse d’autres images.
Le grain de la plaque apparaît si l’on examine le cliché à la loupe. Il ne faut pas le prendre pour une discontinuité de l’image. Les plaques employées sont les plaques isochromatiques de Cramer.