Les miniatures sculptées sur ivoire

La Science Illustrée N° 604, 24 Juin 1899
Samedi 28 février 2009

Arriver à façonner le plus grand nombre de personnages sur le plus petit espace possible, sans cependant négliger de rendre avec soin tous les détails de leur costume et de leur visage, tel est le problème auquel se sont attachés bon nombre d’ivoiriers de la fin du moyen âge et de la Renaissance. Ce n’est pas là à proprement parler de l’art, mais on ne saurait trop admirer la patience et l’habileté de main dont ils ont fait preuve pour arriver à sculpter ces minuscules figures dont la loupe seule nous permet d’admirer l’exactitude et le fini.

De tout temps, l’homme s’est intéressé à ces productions curieuses qui ont pour principal - souvent pour unique - mérite, la difficulté vaincue. A l’exposition de Genève un cercle de curieux se formait toujours autour d’une montre minuscule, véritable chef-d’œuvre d’habileté manuelle. On a beaucoup admiré, il y a quelques années, une machine à vapeur, de la force de plusieurs … mouches, qui pouvait tenir sous un dé à coudre. Tous ses rouages existaient : une goutte d’eau dans sa chaudière chauffée rapidement par une flamme, et elle fonctionnait pendant quelques instants.

Dans un autre ordre d’idées on connaît l’habileté de certains calligraphes qui arrivent à faire tenir un nombre énorme de lettres sur un espace des plus réduits. Plusieurs journaux ont, en ces derniers temps, ouvert des concours d’écriture microscopique qui ont été suivis avec beaucoup d’attention par le grand public. Tel concurrent était arrivé à écrire sur une carte postale plus de 12000 mots, soit environ trois pages d’un journal quotidien ; on comptait à l’aide d’une forte loupe 17 lignes sur la hauteur d’un centimètre ; tel autre avait réussi à placer 351 mots sur une surface égale à celle d’une pièce de 50 centimes ou tous les couplets de la Marseillaise, avec la musique, sur une pièce de cinq francs, etc.

Certes, l’art n’a rien à voir avec ces productions mais cependant, au moins pour la sculpture sur ivoire dont nous allons maintenant parler, de véritables artistes y ont consacré bien des heures.

Aux XVIe et XVIIe siècles, les ivoiriers de Nuremberg cisèlent fréquemment des minuties à la loupe. Christophe Harrich et Angermann font des miniatures macabres qui rappellent tout à fait le tour d’esprit d’Albert Dürer.

Des centaines de personnages sont sculptés sur les beaux hanaps d’ivoire allemands qui jouèrent un si grand rôle autrefois dans la vaisselle de table ; tel le superbe spécimen que nous reproduisons et qui fait partie actuellement de la collection Ambrasienne, à Vienne (Autriche).

Les Zick , de Nuremberg, sont particulièrement célèbres dans la sculpture en miniature. Le premier de la famille, Peter, eut l’honneur d’avoir pour élève, en 1612, l’empereur Rodolphe II ; Lorenz, tourneur de la cour en 1666, sous Ferdinand II, était incomparable pour la fabrication des boules mobiles enfermées les unes dans les autres ; son fils, Stephan, fit des pièces plus remarquables encore. On connaît de lui des oreilles et des yeux en ivoire reproduisant avec tous les détails exacts, ces organes compliqués.

A la même époque, d’ailleurs, les sculpteurs miniaturistes sur bois apparaissent en France et en Allemagne. Les chapelets se composaient souvent alors de petites boules d’environ 2 centimètres de diamètre qui s’ouvraient à charnière et dans l’intérieur de chacune desquelles étaient deux médaillons minuscules avec des sculptures religieuses.

L’ivoirier Prouner, de Nuremberg, sculpte sur un noyau de cerise jusqu’à cent têtes de personnages.

La collection Debruge-Duménil contenait un petit tombeau-miniature d’environ six centimètres de long sur trois de large. Dans le cercueil était couché un squelette sculpté ; sur le couvercle se trouvaient figurés vingt-cinq petits personnages.

L’orfèvre allemand Dinglinger (1665-1731) excellait à représenter des foules sur un espace de quelques centimètres. Il mit huit ans à reproduire en figures d’or de ronde-bosse la cour du Grand Mogol Aureng-Zeyb à Delhi. Ce curieux ouvrage est conservé à la Grüne-Gewolb de Dresde.

Mais c’est I’ivoire, en raison, sans doute, de sa dureté qui a, le plus souvent, servi de matière aux sculpteurs miniaturistes.

L’ivoirier italien, Bouzanigo (1760-1820), fit des bijoux, des bonbonnières de style Louis XVI dont le détail est d’une finesse, d’une minutie extraordinaires.

Les artistes chinois, pourvus d’une incroyable patience, gravent et sculptent sur l’ivoire et sur les matières les plus dures, jade, bois précieux, etc., des sujets que l’œil peut à peine distinguer tellement ils sont petits. Le rendu des personnages, des détails des costumes et des armes est un chef-d’œuvre d’exactitude

Les Japonais, tout aussi habiles, et d’une patience égale, affectionnent les travaux du même genre et ils représentent souvent sur l’ivoire une de leurs divinités, Chioky, poursuivant une foule de petits

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