De tout temps l’ivoire a joué un rôle important dans l’ameublement. Si loin qu’on remonte dans l’histoire des arts on le trouve employé avec une grande profusion.
Dans l’ancienne Égypte, l’ivoire ciselé servait souvent à varier I’ornementation des meubles qui étaient pour la plupart d’une richesse incroyable. Le Louvre possède, dans l’une des salles du musée égyptien, un grand fauteuil orné d’ivoires incrustés. A côté est un chevet d’ivoire qui porte le nom de son propriétaire, écrit en caractères hiéroglyphiques. Le chevet est un support, en forme de croissant, sur lequel s’appuyait la tête. Il constituait la partie la plus importante du lit égyptien ; le corps reposant sur une simple natte de jonc ou sur un léger matelas rembourré de duvet de chardon.
Chez les Hébreux, même profusion de l’ivoire. Le trône de Salomon était entièrement formé de cette belle matière.
En Grèce, les meubles d’ivoire étaient aussi fort répandus. Dans l’Odyssée, Homère fait asseoir Pénélope sur un siège d’ivoire et d’argent ; il nous décrit les incrustations du lit d’Ulysse et parle de l’emploi des ivoires colorés.
Le mobilier grec, d’une belle simplicité de dessin et de contours, était orné d’incrustations de substances diverses, parmi lesquelles celle dont nous nous occupons, qui tranchaient par leurs nuances claires sur la couleur du fond.
A Rome, l’ivoirerie avait aussi une large place dans l’ornementation du mobilier. Les chaises curules sénatoriales étaient en ivoire. Cette matière était même employée en marquèterie sur les caissons en bois des plafonds. Suétone, dans sa description du palais de Néron, à Rome, écrit ce qui suit : « Tout l’intérieur était orné de dorures, de pierreries et de nacre. Le plafond des salles à manger était formé de plaques d’ivoire mobiles qui répandaient sur les convives une pluie de fleurs et de parfums. » Par les incrustations et la marquèterie, l’ivoire pénètre encore dans le mobilier moderne.
On sait que l’incrustation consiste à insérer une matière, avec ou sans relief, dans un fond d’une autre matière, de façon que toutes deux soient apparentes. La marquèterie en diffère parce que la substance du fond joue en même temps un rôle dans sa composition décorative. C’est une sorte de mosaïque.
Les anciens ont connu et pratiqué les incrustations et la marquèterie. Ces arts ont été cultivés de très bonne heure, en Chine, au Japon et dans l’Inde. Sur un fond de bois dur ou de laque, les artistes chinois représentent des fleurs et des animaux avec leurs colorations naturelles par des incrustations d’écaille, de corne, de pierres dures, d’ivoire, etc.
Dans l’Europe occidentale, c’est en Italie que la marquèterie paraît s’être montrée pour la première fois vers le XIIe siècle : Au XIIIe siècle, la marquèterie de Venise jouissait déjà d’une vogue immense. Elle ne consistait au début qu’en des dessins géométriques formés de bois blanc et de bois de couleur sombre, ou de bois foncé et d’ivoire.
Au XVe siècle, Jean de Vérone trouve le moyen de colorer artificiellement le bois ordinaire, ce qui permet de produire des teintes assez variées pour imiter le feuillage, les arbres, et la limpidité des eaux.
C’est l’apogée de la perfection dans les cabinets, ces gracieux petits meubles qui servent à enfermer les bibelots et les curiosités. Le musée de Cluny possède un superbe cabinet vénitien du XVIe siècle. Il présente cinq étages de colonnes superposées s’élevant sur une base de quatre rangs de marches. Il est entièrement plaqué de nacre et d’ivoire et, sur ces plaques, sont des arabesques d’or et des fleurs peintes en couleur. Le fond de chaque portique est décoré de plaques d’ivoire peint représentant des sujets tirés de la mythologie. Ce meuble, qui a exigé un travail considérable, est un peu criard avec ses ornements multicolores.
Les Flamands ont aussi produit de beaux cabinets caractérisés par la grande place que prend l’ivoire dans l’ornementation.
Dès le début du XVIe siècle , l’ Allemagne et la France eurent aussi d’habiles artistes en marquèterie. Nuremberg, Augsbourg et Dresde devinrent des centres importants d’ébénisterie. Il s’y fabriquait de jolis cabinets ou « armoires d’art » (kunstschrank) ornés souvent de plaques d’ivoire dont les traits de gravure sont noircis.
En France, la marquèterie atteignit son apogée, avec Boule, à l’époque du style Louis XIV. Ala fin du XVIIIe siècle, Riesener, sur les cylindres de ses bureaux, sur les panneaux de ses meubles, fait des médaillons marquetés représentant des groupes de fleurs d’une grâce incomparable. De nos jours, Bellangé, Fourdinois, Cremer, Grohé, etc., ont fait tous leurs efforts pour empêcher cet art de péricliter. Le beau cabinet de Fourdinois que nous reproduisons, montre qu’ils y sont parvenus.
L’ivoire a été aussi très employé pour la confection des coffrets. Les coffrets indiens en ivoire sculpté représentant des scènes de chasse ou des épisodes de guerre sont d’une rare perfection. Nos musées possèdent des coffrets espagnols, en marquèterie bois et ivoire, d’un bien curieux travail.