Pour mesurer une quantité quelconque, il faut posséder une unité invariable de la même espèce et pouvoir déterminer combien de fois cette unité est contenue dans la quantité qu’on se propose de mesurer. C’est ce principe qu’on suit pour mesurer des longueurs, des capacités, des poids, etc., mais la mesure du temps est un problème autrement difficile. Nous ne pouvons mesurer un intervalle de temps par la répétition d’un certain nombre d’opérations identiques, car le temps une fois passé l’est pour toujours.
C’est peut-être à cause de cette difficulté que les moyens d’évaluer le temps sont si nombreux. On le mesure par le soleil dans le cadran solaire, par l’eau dans la clepsydre, par l’écoulement du sable dans le sablier, par le poids moteur et l’échappement dans l’horloge, par le ressort spiral dans la montre. On peut aussi noter la vitesse de combustion d’une bougie, de l’huile d’une lampe, c’est-à-dire qu’on obtient l’heure par le feu.
M. Planchon, si renseigné sur tout ce qui concerne l’horlogerie et les procédés de mesure du temps, a décrit quelques-uns des instruments employés par les Chinois pour avoir l’heure par le feu.
Ce sont eux qui se sont servis probablement les premiers de ce moyen, Voici comment ils procèdent, d’après M. Planchon. Ils pulvérisent, en le râpant et en le pelant, un bois spécial ; ils en font une sorte de pâte dont ils composent ensuite des cordes et des bâtons de diverses formes dont quelques-uns figurent au musée Chinois du Louvre, Ces bâtons, qui n’ont guère que la longueur d’un doigt quand Ils sont en bois précieux, atteignent jusqu’à 2 et 3 mètres et ont la grosseur d’une plume d’oie, quand ils sont en bois ordinaire. On les fait brûler devant des pagodes, et on s’en sert pour porter le feu d’un lieu à l’autre. On en dresse plusieurs dans un vase en métal rempli de cendres, ils brûlent sans lumière et donnent l’heure par leur combustion.
Ces mèches et ces bâtons, eu usage en Chine, peuvent — ou plutôt pouvaient, car on ne les emploie plus guère aujourd’hui — servir de réveille-matin. Pour s’éveiller de nuit à une certaine heure, il suffît de suspendre un petit poids de métal exactement à l’endroit du bâton où le feu doit arriver à l’heure dite. Le moment venu, le poids se détache de lui-même, tombe dans un bassin de cuivre et le bruit de sa chute est assez retentissant pour éveiller le dormeur.
En France, pendant le moyen âge, on employa parfois un procédé analogue pour savoir l’heure. On graduait les chandelles et les cierges comme les Chinois leurs bâtons, et on avait ainsi une mesure très approximative du temps. Saint Louis, d’après les chroniqueurs, utilisait parfois ce procédé primitif.
La veilleuse horaire mesure le temps par la vitesse de combustion de l’huile. À la surface de cette dernière est un flotteur relié par un fil à une aiguille ; à mesure que l’huile baisse, le flotteur entraîne l’aiguille. C’est en se fondant sur ce principe simple que Gabry a construit sa veilleuse horaire qui consiste en deux récipients en porcelaine juxtaposés et communiquant par un conduit. Dans un des récipients nage la veilleuse, dans l’autre, un flotteur. Entre les deux vases se dresse une plaque de tôle à forme de cadran sur lequel sont marquées les divisions du temps.
Le flotteur est suspendu par un fil qui s’enroule autour d’une poulie montée sur un axe horizontal et aboutissant au centre du cadran. Le flotteur baissant, l’aiguille tourne et marque les heures. La veilleuse mesure donc l’heure par sa combustion et permet de la lire par sa lumière.
Les lampes horaires reposent sur le même principe, mais elles se passent de tout mécanisme. Elles marquent les heures par l’épuisement successif du réservoir transparent qui contient l’huile et sur le côté duquel est une échelle graduée qui indique le temps écoulé.
Notre gravure reproduit une lampe horaire du XVIIe siècle, Elle est en étain, de forme assez élégante et mesure 37 centimètres de haut.
On a imaginé aussi des bougies horaires fondées sur un principe un peu différent. Chacune de ces bougies se fixe dans un tube creux de métal supporté par un pied. Ce tube, à sa partie supérieure, supporte un cadran de verre dépoli qui porte les douze divisions d’une horloge ordinaire.
L’aiguille est montée sur l’axe d’une poulie actionnée par un fil métallique relié à un fort ressort à boudin qui fait remonter la bougie à mesure qu’elle se consume. Il suffit, au moment où on allume cette dernière, d’amener à la main l’aiguille sur l’heure présente [1].
La composition de la bougie est telle qu’elle diminue en une heure de la longueur voulue pour faire avancer l’aiguille d’une division.
Tous ces procédés, sans offrir une précision bien remarquable, ont rendu des services et sont très ingénieux. Ils méritaient une description.
G, Angerville