Les porte-bouquet

La Science Illustrée N° 623, 4 Novembre 1899
Samedi 28 février 2009

Étudier les porte-bouquet ou bouquetiers, comme on les appelle aussi quelquefois, serait passer en revue l’histoire de la céramique depuis son origine : tout vase en effet peut servir à soutenir des fleurs et à les conserver fraîches par l’eau, qu’il contient. Mais certains vases sont affectés plus spécialement par leur forme et leur décoration à la gracieuse mission de porter les bouquets ; c’est d’eux que nous nous occuperons plus spécialement.

Le Musée céramique de la manufacture de Sèvres contient une remarquable collection de bouquetiers aux couleurs vives ou aux tons mats ornés de fleurs en faïence de Rouen ou de Marseille, en porcelaine de Saxe, de Berlin et de Sèvres.

La forme des vases à fleurs varie avec la disposition des bouquets. On faisait autrefois des bouquets lourds et compacts dont les fleurs, toutes semblables, régulières, étaient souvent montées sur fils de fer, serrées, pressées, aplaties les unes contre les autres, en dépit du bon sens et du goût.

Aucune verdure n’égayait cette masse aux contours géométriques qu’entourait une dentelle de papier, insignifiante comme elles.

Pour soutenir ces pesants bouquets il fallait des vases à base large. Malgré cette condition indispensable à l’équilibre de l’ensemble, les vases à fleurs étaient très élégants et fort bien décorés mais ne pouvaient se prêter à toutes les fantaisies comme nos bouquetiers actuels destinés à contenir des gerbes légères. Ils étaient cylindriques comme ce gracieux porte-bouquet en faïence que nous reproduisons et qui est l’œuvre d’Haviland, ou bien encore leur panse sphérique se terminait par un col allongé. Notre seconde gravure représente un vase de cette dernière forme muni d’une anse purement ornementale à la formation de laquelle prennent part des branches, des feuillages et des fleurs. Ce vase anglais, de Minton, a figuré, en 1878, à l’Exposition universelle de Paris.Les porte-bouquet

Aujourd’hui toute fleuriste qui se respecte serait honteuse de vendre un des lourds bouquets qui faisaient les délices de nos grand-mères.

Notre gerbe moderne est légère, gracieuse, vivante même pourrait-on dire. Les fleurs y apparaissent avec leur port naturel ; elles sont bien détachées les unes des autres, mélangées de feuillage d’herbes qui rompent la monotonie et donnent une plus grande légèreté au gracieux édifice. Depuis quelques années la Société d ’Horticulture organise, au moment de ses expositions, des concours de bouquets auxquels participent non seulement nos fleuristes, mais encore les dames et les jeunes filles mondaines parisiennes. Les œuvres récompensées sont les plus remarquables par le choix des fleurs, par l’union des couleurs, la grâce du groupement et surtout par la légèreté.

Ces gerbes vaporeuses qu’un rien peut supporter ont modifié profondément la forme des porte-bouquets en ces dernières années. Les vases en céramique sont un peu abandonnés pour de fines coupes en cristal très allongées, montées sur métal, formant un cône très évasé. La fantaisie la plus capricieuse les groupe, les assemble de mille façons. Certains ne sont plus destinés même qu’à contenir une seule fleur qu’il s’agit de mettre en valeur, de présenter de la façon la plus gracieuse.

Les assemblages de tiges creuses en bambou sont aussi fort employés par ce dernier usage importé du Japon. En l’art de composer les bouquets, les japonaises, en effet, n’ont pas de rivales. Pour se marier, dit un proverbe du pays, « une jeune fille doit savoir bien cuire le riz, savoir jouer de la mandoline et faire un bouquet »,

Les porte-bouquet japonais ont, en général, une panse sphérique et un col très étroit et très allongé ; ils sont en porcelaine, en bronze et en bambou. On y met, non un bouquet, mais bien une seule fleur ou une branche fleurie placée naturellement, c’est-à-dire conservant de son arrangement l’aspect qu’elle a d’ans le paysage. Dans ce pays du symbolisme, les vases eux-mêmes ont une signification suivant la façon dont ils sont ornés. Les japonais ne font jamais entrer dans la composition de leurs bouquets ni plantes vénéneuses, ni fleurs ayant un parfum trop pénétrant.

Les bouquets composés par un artiste japonais sont toujours des merveilles d’élégante et de bon goût.

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