La cheminée dans les temps moderne

La Science Illustrée N° 627, 2 Décembre 1899
Vendredi 27 février 2009 — Dernier ajout samedi 9 octobre 2010

Au XVIe siècle la hotte assez disgracieuse qui surmontait les cheminées du moyen-âge prend moins de place et devient plus décorative ; elle s’aplatit, devient quadrangulaire et se charge de sculptures. Les cheminées de la Renaissance sont souvent d’une merveilleuse décoration : elles affectent volontiers la forme d’un monument à façade architecturale avec colonnes, arcades, fronton, statues, armoiries, devises ; nos musées et nos palais contiennent de splendides exemplaires datant de cette époque. Il faut citer en particulier la cheminée monumentale de la galerie Henri II au palais de Fontainebleau, celle du château d’Écouen au musée du Louvre, la fameuse cheminée du palais de justice de Bruges (1529)) qui possède des sculptures en marbre blanc, en pierre noire ou pierre de touche, des statues en bois de Charles-Quint, de Charles le Téméraire, etc., en grandeur naturelle. Sur une frise de marbre blanc est sculptée l’histoire de la chaste Suzanne.

Le contre-cœur du foyer est souvent orné de belles plaques de fer qui portent en relief des armoiries, des écussons, des devises ou des emblèmes se rapportant au feu et à la flamme. Le musée de Cluny possède plusieurs belles cheminées de cette époque. L’une en pierre blanche avec sculpture provient de Châlons et date de 1562 ; sa plaque de contre-cœur, ses landiers et le soufflet qui l’accompagnent sont d’un joli travail ; une autre en pierre très ornementée provient de Rouen d’où elle a été transportée au musée de Cluny en 1880.

Au XVIIe siècle, à côté de la grande cheminée d’apparat qui conserve un manteau décoratif prolongé jusqu’au plafond, mais dont la saillie sur le mur diminue peu à peu jusqu’à disparaître, on voit apparaître les petites cheminées à tablettes analogues au type actuel. Mme de Sévigné, dans une de ses lettres datée de 1677, constate la vogue dont jouissaient ces dernières.

Au siècle suivant les décorateurs s’ingénient à marier les courbes de la cheminée avec celles des moulures, des, lambris et des panneaux. Coquilles, rocailles et moulures forment le décor. Au-dessus de la tablette est une place pour une glace. Avec le style Louis XVI, la cheminée devient plus rectiligne : les cannelures parallèles, les nœuds de rubans, les guirlandes et les médailles se rencontrent partout.

Pendant la Révolution, la cheminée est un peu abandonnée pour les grands poêles de faïence émaillée, décorés de médailles à reliefs, à sujets patriotiques. Le modèle dit poêle-bastille qui reproduisait cette forteresse avec ses tours, ses créneaux, ses portes eut surtout une vogue énorme ; le musée de Sèvres en possède un exemplaire.

Malgré les modifications de forme les progrès étaient nuls au point de vue de l’amélioration du rendement dans toutes les cheminées dont nous venons de parler. Les premiers progrès furent réalisés par Rumford qui diminua la profondeur du foyer, remplit les deux côtés par des parois obliques ; il abaissa le tablier auquel il ajouta en avant un registre pour régler le tirage.

Lhomond, Millet, Chaussenot apportèrent quelques perfectionnements à ce système. On a disposé les cheminées de façon qu’elles échauffent elles-mêmes l’air destiné à les alimenter.

Les perfectionnements ont porté aussi sur la construction des tuyaux. Gourlier les fit en briques à section intérieure circulaire noyées dans l’épaisseur des murs. Masson et de Sauges ont eu l’idée d’établir sur le point le plus élevé de la maison une chambre à fumée à laquelle aboutissent les tuyaux de toutes les cheminées de l’édifice pour s’en échapper ensuite par un orifice unique. Ce système rend le tirage plus constant et annihile l’effet du vent. Malgré tous ces perfectionnements, la cheminée tient une place de moins en moins grande dans l’appartement ; souvent même sa présence inutile n’est qu’une survivance. Dans les cuisines, les grands fourneaux ont modifié profondément sa forme.

Dans les bureaux, chez l’ouvrier et l’employé les poêles à gaz, ceux en faïence ou en fonte et toutes les nombreuses variétés de poêles et de cheminées mobiles n’utilisent la cheminée que pour y faire pénétrer leur tuyau.

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