Selon le récent rapport de M. J. Dybowski, il s’opère une diminution progressive du peuplement forestier, dans l’ensemble de régions qui forment le Soudan. En même temps s’affirme une modification du climat. La déforestation, en effet, dessèche à la fois l’air et le sol ; bientôt il se forme une flore spéciale, désertique, caractérisée par ,a résistance extrême à la sècheresse, et qui n’est d’aucune utilité pour l’homme.
Le Cap Vert, région aujourd’hui presque stérile, était, au milieu du XVIlle siècle, d’après le botaniste Adanson, recouvert d’une vaste forêt, qui justifiait son nom. Les conséquences de cette transformation générale sont la ruine totale, en passant par les étapes suivantes : diminution du régime des pluies, prolongation, de la région sèche, abaissement du cours des rivières, disparition des grandes surfaces d’eau, mauvaises conditions de culture, appauvrissement général.
La connaissance des causes d’un état si grave montre toutefois qu’il n’est pas sans remède et que l’homme, principal auteur de sa ruine, peut, quand il le voudra, l’arrêter. « Ennemi né de la forêt » l’homme primitif sait que son sol est plus fertile que celui de la plaine herbeuse, et il coupe les arbres pour obtenir des terrains de culture, ainsi que le font de nos jours les populations forestières du Congo et de la Côte d’Ivoire. La civilisation croissante augmente encore les dangers pour le bois : il fournit les matériaux locaux de construction, puis devient l’objet d’un commerce considérable avec les négociants de tous pays. Enfin, en Afrique, ces causes destructives dues à la civilisation, s’accompagnent d’un fléau vraiment barbare : les feux de brousse. Chaque année, lorsque la saison sèche est bien établie, les indigènes mettent le feu aux herbes, faisant partout reculer l’ancienne grande forêt équatoriale, transformée en steppe herbeuse, où gisent les débris d’arbres carbonisés. L’indigène, qui trouve dans cette pratique désastreuse un des meilleurs procédés de chasse, et dont les animaux domestiques prospèrent sur le sol fécondé par la flamme, ne s’aperçoit pas, ne peut pas s’apercevoir des conséquences redoutables de son imprudence, et, cependant, dans certains endroits, le danger est déjà tel que la quantité de bois disponible ne répond plus aux besoins des indigènes : c’est ainsi que sur les marchés des oasis sahariennes, de Saint-Louis et de Dakar, on vend du bois tourmenté, informe, des racines d’arbres que l’on va disputer au sol, parce que le produit aérien est devenu trop rare et que ce sont les derniers débris utilisables de la forêt. M. Dybowski, pour enrayer le mal, partage le territoire en trois grandes zones qui seraient chacune l’objet d’un traitement particulier.
1°La zone forestière : région de la grande forêt équatoriale sur la Côte d’Ivoire et au Congo.
2’ La zone de la brousse forestière : Guinée, Soudan Central, Haut Dahomey, alentours du Tchad, partie haute du Congo depuis la rive nord de l’Oubanghi.
5’ La zone semi-désertique : territoire du Sénégal, rives du Sénégal et du Niger. C’est certainement la partie la plus dévastée. Il faudra donc se livrer à un repeuplement systématique dirigé par des forestiers et des agronomes, sur un plan élaboré à la suite d’une étude des territoires à utiliser.
P. Loncoche