Les accessoires de l’écrivain

La Science Illustrée N° 551, 18 Juin 1898
Samedi 28 février 2009

L’origine de l’écriture se perd dans la nuit des temps. Son invention n’est pas sortie un beau jour du cerveau de l’homme ; un seul peuple n’en a pas élaboré les divers éléments. D’abord idéographique, elle s’est constituée progressivement, est devenue phonétique et n’est arrivée au point où nous la voyons qu’à la suite de modifications successives.

Sur quelle substance a-t-on écrit ? Probablement, à l’origine sur le sol, les pierres, sur l’écorce des arbres comme le font encore les amoureux qui y entrelacent leurs initiales ; mais ce sont là des manuscrits peu transportables. Aussi plus tard on écrivit sur des plaques minces de métal, sur l’argile séchée ou cuite, le bois, l’ivoire, les feuilles de plusieurs espèces d’arbre. Dans l’ancienne Égypte, l’usage du papyrus, seconde écorce d’une cypéracée du Nil était général. Cette écorce mince se mettait aisément en rouleaux peu encombrants et d’une conservation facile. D’Égypte, le papyrus se répandit dans le monde romain et même en Occident ; les premières bulles des papes, un grand nombre de chartes des rois de France de la première race sont sur papyrus.

En dehors de cette écorce, les Latins utilisaient encore pour l’écriture des tablettes enduites de cire et le parchemin, c’est-à-dire des peaux de chèvre, de brebis ou d’agneau passées à la chaux, écharnées, adoucies à la pierre ponce.

L’usage d’écrire sur des peaux d’animaux remonte à la plus haute antiquité, mais elles étaient moins employées que le papyrus. C’est Ptolémée Epiphane qui, en interdisant l’exportation du papyrus amena l’extension et le perfectionnement de l’industrie du parchemin, dont la ville de Pergame devint le centre le plus important. Le vélin, plus poli, plus blanc, plus diaphane que le parchemin, est formé, comme l’indique son nom, de peau de veau.

Le parchemin avait le grand avantage d’être plus résistant que le papyrus ; aussi au XIe siècle de notre ère, avait-il remplacé partout ce dernier. II allait être lui-même abandonné peu à peu pour le papier, moins durable, mais d’un prix plus faible.

Le papier de coton, invention chinoise, fut introduit en Europe vers le Xe siècle ; mou, spongieux, il était de qualité si inférieure que l’empereur Frédéric II rendit, en 1221, une ordonnance qui déclarait nuls tous les actes civils sur papier. Bientôt le papier de chiffon (chanvre et lin) fut inventé, sans qu’on puisse dire où, ni à quelle date exacte ; on sait seulement qu’il existait au milieu du XIIe siècle. Le plus ancien spécimen connu d’écriture sur papier de chiffons est une lettre de Joinville à Louis X, datant de 1315.

Pour écrire sur le papier et le parchemin, les anciens se servaient de pinceaux ou de petits roseaux du Nil, résistants et flexibles, qu’ils taillaient comme nos plumes. Pour les tablettes de cire, les Latins employaient le style. L’usage du style à écrire se conserva même en Occident jusque vers la fin du moyen âge. Nos musées possèdent des styles du XIVe siècle, en ivoire très orné.

Les plumes d’oiseaux étaient en faveur à Rome au début de l’ère chrétienne ; elles remplacèrent peu à peu les roseaux et furent employées seules dès le Xe siècle. Les plumes métalliques sont d’invention récente. Elles seraient dues, dit-on, à un mécanicien français nommé Arnoux (1750). Elles étaient cependant connues des grecs du Bas-Empire, puisque les patriarches de Constantinople se servaient d’une plume d’or pour signer.

Comme les modernes, les anciens se servaient habituellement d’encre noire. Celle-ci était un simple mélange d’eau gommée et de suie ou de noir de fumée ; l’absence de mordant l’empêchait de pénétrer dans le papyrus ou le parchemin ; on l’enlevait aisément par friction ou lavage ; mais d’un autre côté, elle résistait d’une façon parfaite, à cause du charbon qu’elle contenait, aux influences atmosphériques et aux agents chimiques. L’encre des copistes du moyen âge était analogue à celle des anciens.

Notre encre moderne, au sulfate de fer et à la noix de galles, date de la fin du XVIe siècle ; elle blanchit aisément, mais on peut toujours la faire réapparaître.

L’encre rouge était employée surtout pour les ornements, les lettres capitales et les titres de chapitre. Les signatures des empereurs de Constantinople et les diplômes des rois de France de la seconde race sont toujours également à l’encre rouge. Les encres métalliques, notamment l’encre d’or, étaient aussi très employées par les dessinateurs et les calligraphes des manuscrits à miniatures.

Chez les anciens Égyptiens, l’encre était contenue dans les trous d’une sorte de palette sur laquelle s’appuyaient aussi les roseaux taillés.

Sur une peinture de Pompéi on voit figurer un encrier formé de deux cylindres accouplés, munis de couvercles à charnières.

Au moyen âge l’écritoire est ordinairement une corne d’animal qu’on tenait à la main ou que l’on portait suspendue à une ceinture à laquelle était fixée d’autre part la billette, c’est-à-dire l’étui contenant les plumes.

L’inventaire de Charles V mentionne une trousse d’or gravée d’armoiries, contenant plumes d’oie, grattoirs, compas, ciseaux, cornet à encre, etc. Au musée de Cluny, on peut voir une riche collection d’écritoires en plomb découpé à jour et orné de reliefs, datant des XVe et XVIe siècles. La céramique (faïence à reliefs colorés de Palissy, faïence polychrome de Rouen, terre vernissée d’Epernay) et la verrerie de Venise ont fourni d’élégants encriers dont la collection du Louvre possède de beaux spécimens.

Les écritoires en bronze, un peu lourdes et surchargées d’ornements, de Boule et Bérain, du début du XVIIIe siècle sont particulièrement à signaler.

Au moyen âge les miniaturistes écrivaient ou dessinaient debout, le parchemin posé sur un pupitre. Mais bientôt on voit apparaître un meuble spécial, bureau ou secrétaire. Nous en parlerons en étudiant l’ameublement, nous bornant pour l’instant à reproduire un secrétaire à cylindre de style Louis XV.

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