Le corindon est une pierre précieuse composée presque exclusivement d’alumine. Dans son plus grand état de pureté, il est transparent, limpide comme le cristal, et réfracte fortement la lumière ; il cristallise en rhomboèdres ; il est infusible au chalumeau.
Sa pesanteur spécifique égale environ quatre fois celle de l’eau. Sa dureté, très grande, n’est surpassée que par celle du diamant.
Le minéralogiste allemand Mohs a fait du corindon le neuvième terme de son échelle de dureté, le diamant étant le dixième.
Le corindon hyalin ou télésie se trouve en cristaux limpides, incolores, dans les formations géologiques les plus diverses, au Saint-Gothard, dans certaines parties de l’Inde, à Ceylan, et dans les montagnes de la Sibérie. On le nomme aussi quelquefois saphir blanc.
Quand il est coloré en bleu il constitue le saphir proprement dit, si recherché en joaillerie ; s’il est jaune, on le nomme topaze orientale ; quand il est rouge, c’est le rubis oriental ; vert, le péridot oriental ; violet, l’améthyste orientale.
Ce sont là les plus belles variétés, mais on en trouve encore présentant des nuances intermédiaires, roses, brunes, etc.
On désigne souvent sous le nom d’œil de chat du corindon nacré, à reflets vifs. Il ne faut pas confondre cette pierre avec une autre qui porte le même nom et qui est formée de quartz rendu chatoyant par de fins filaments d’amiante.
Les corindons les plus curieux sont ceux qui présentent un phénomène lumineux particulier qui leur a fait donner le nom d’astérie par les lapidaires. Sur le cristal naturel en prisme à six pans, forme dérivée du rhomboèdre, on observe six rayons de lumière formant une étoile dont les extrémités semblent tomber sur le milieu de chaque face du prisme. Quand le corindon est taillé, cette étoile change de place suivant l’inclinaison qu’on donne à la pierre. La Science illustrée a déjà publié un article, accompagné de gravures, sur l’astérie ou gemme étoilée (Voir Science Illustrée, t. XV, p. 167.) ; nous y renvoyons le lecteur.
Le Corindon harmophane ou adamantin est une variété moins précieuse, à structure laminaire ; elle est le plus souvent opaque, rarement translucide, de couleur grisâtre, noirâtre ou rougeâtre. On la trouve dans les Alpes, au Thibet, en Chine.
La variété la plus commune est le corindon granulaire ou émeril qu’on nomme plus souvent émeri. Réduit en poudre, il sert à tailler et à polir les corps durs. On le trouve dans les îles anglo-normandes, aux environs de Schwartzenberg, en Saxe, dans diverses localités de l’Inde. Dans l’île de Naxos, il y en a des gisements célèbres. Les variétés limpides et colorées de corindon ont été recherchées de tout temps en joaillerie. On en a fait des incrustations sur les meubles ; on en a placé sur les vêtements. Montées en cabochon ou taillées, elles figurent sur les bijoux.
De tous les corindons, le saphir est l’espèce la plus belle et la plus recherchée. Les joaillers. le nomment saphir mâle quand sa teinte est foncée, presque indigo ; saphir femelle quand il est d’un bleu plus ou moins tendre. On nomme saphirs du Brésil, des tourmalines bleues ; saphirine , une sorte de calcédoine à couleur de saphir. Le saphir d’eau n’a presque pas Je valeur ; c’est du quartz coloré en bleu ; la variété dite saphir du Puy est tout à fait inférieure.
L’un des plus beaux saphirs connus était exposé récemment chez un bijoutier de Regent street : originaire de Ceylan, il pèse 638 carats ; on en connaît de plus lourds ; mais celui-ci est incomparable pour son éclat et sa transparence ; de plus il a la propriété de luire en étoile ; c’est une gemme étoilée.
Malgré la grande dureté du saphir, des artistes habiles ont gravé sur cette pierre. Le trésor impérial de Russie en possède un à gravure antique. La bibliothèque nationale, à Paris, conserve un saphir qui porte en intaille les traits de l’empereur romain Pertinax.
Le charmant bijou de style renaissance que nous reproduisons, et qui a été mis sous les yeux du public lors de l’exposition de 1878, par M. Fouquet, est un diadème surmonté d’une aigrette, formée de diamants et de saphirs ; gemmes qui, par leur mélange savant et le mariage de leurs couleurs, produisent un effet merveilleux.
On sait qu’au cours de ces dernières années, la synthèse des rubis et de plusieurs autres gemmes a été réalisée par nos chimistes ( Voir Science Illustrée, t. 1, p. 258 ; t, III, p. 68 ; t. VII, p. 142.). Les rubis artificiels ont donné lieu, dès 1887, à un curieux procès. Des joaillers parisiens avaient acheté en Suisse des rubis sur la nature desquels ils eurent des soupçons et qu’ils firent examiner par M. Friedel, l’éminent chimiste. Celui-ci crut pouvoir affirmer que ces pierres, tout en étant du rubis, avec tous ces caractères, avaient été produites artificiellement par fusion.
Il basait son opinion sur le fait que les cabochons examinés étaient parsemés de petites bulles gazeuses, rondes, et, par places étirées en forme de poires, et cela de telle sorte que, dans une même région, l’étirage était produit dans le même sens.
Cette fraude curieuse, puisqu’il s’agissait de petits rubis soudés ensemble pour en faire un gros, méritait vraiment d’être signalée.