Le briquet le plus simple est celui des sauvages ; il se compose d’une tige de bois dur pointue à son extrémité, qu’ils font tourner entre les doigts avec la rapidité que donne l’habitude, en un trou-creusé dans un bloc de bois tendre et sec ; ce frottement rapide produit de la chaleur et quelques feuilles sèches placées près du trou et approchées au moment favorable ne tardent pas à s’enflammer.
Le briquet à silex constitua un progrès énorme dans l’art de faire du feu. Un morceau d’acier frappé vivement contre un fragment de silex à bords tranchants laisse, sous ce choc, échapper de petites parcelles métalliques assez échauffées pour produite des étincelles qui sont recueillies sur un morceau d’amadou. Celui-ci, à son tour, enflamme une allumette soufrée. Toutes les pierres suffisamment dures pour rayer l’acier font feu au briquet ; ce caractère est même utilisé en minéralogie.
L’origine du briquet est très ancienne, mais il ne figure fréquemment dans les textes qu’à partir du VIIe siècle de notre ère. On l’appelait autrefois fusil, en latin vulgaire, fusillus.
Les formes données au briquet pendant le moyen-âge et les époques qui suivirent varièrent beaucoup et les artistes s’ingénièrent à orner les divers accessoires de ce petit appareil, car les parties. qui le composent, silex et tige d’acier, sont évidemment peu susceptibles d’ornementation.
Le briquet rotatif, très employé, se composait d’une roue et d’un cylindre-d’acier. On imprimait un mouvement rapide à la roue d’acier et une pierre à fusil mise en contact avec cette roue donnait des étincelles qui tombaient sur l’amadou et l’enflammaient.
Le nom de fusil ne fut d’ailleurs donné aux premières armes à feu portatives que parce qu’on utilisait, pour enflammer la charge, des étincelles produites par le choc d’un morceau de silex contre la pièce d’acier qui portait ce nom de « fusil » d’où on l’étendit à l’arme elle-même.
Les armes à feu munies d’un briquet rotatif ne furent jamais appelées fusils, mais mousquets à rouet, mousquets à mèche et, en bonne logique, la nouvelle arme eût dû être qualifiée demousquets à fusil . Son invention ne remonte pas au-delà de 1630. Elle fut d’abord très mal accueillie ; en raison même de sa légèreté qui lui donnait une grande supériorité sur le mousquet, elle n’inspirait pas confiance. En 1670, seulement, on admit quatre fusiliers par compagnie, puis, en 1692, la moitié de l’effectif, le reste étant composé de mousquetaires, C’est en 1703 seulement, grâce à Vauban, que le fusil muni de la platine à silex et de la baïonnette à douille fut adopté par toute l’infanterie française et bientôt par les autres armées européennes. Le modèle établi en France en 1777 resta en service jusqu’en 1840, jusqu’à l’adoption de la platine à percussion ou à piston pour amorces fulminantes. Les fusils à pierre avaient l’inconvénient de donner des ratés fréquents surtout en temps de pluie.
Parmi les modifications curieuses du briquet figurent l ’horloge-briquet et le pistolet-briquet.
La première horloge-briquet semble avoir été établie au XVIe siècle par un horloger français, Bemardin Carovagius, pour le jurisconsulte Alciat. Cette horloge avait un marteau qui, en frappant l’heure sur un timbre, faisait-en même temps jaillir d’un silex des étincelles mettant le feu à de l’amadou soufré et allumait ainsi la mèche d’une chandelle. Ce genre d’horloge à réveille-matin n’est pas unique et, bien que rare, on en retrouve encore d’anciennes de nos jours ; elles sont en cuivre doré finement ciselé.
Le pistolet-briquet, que nous reproduisons, est un petit instrument enrichi d’incrustations d’argent finement ciselées et cl ’une ornementation de très bon goût. Il a l’apparence d’un pistolet ordinaire ; il faut le regarder avec attention pour voir son usage. La moitié supérieure du canon ajustée par des charnières habilement dissimulées s’ouvre alors comme un couvercle de coffret au moyen d’un ressort assez puissant et on voit se lever tout droit un petit cylindre creux qui porte une mèche de coton à laquelle la poudre enfermée dans le bassinet à mis le feu. Ces instruments sont rares ; c’étaient des sortes de joujoux plutôt que des ustensiles d’usage courant.
Le briquet est encore employé aujourd’hui par les fumeurs, au bord de la mer et dans les endroits où il vente fort. Nos fabricants parisiens l’ont rajeuni ; ils lui ont donné les formes les plus élégantes, les plus pratiques et les noms les plus charmants ; le merveilleux, le flambant, le magique, le mignon, etc., et ils ont remplacé l’amadou par une mèche de coton trempée dans une solution de salpêtre ou de chromate de plomb ; Il existe des collections de briquets anciens et modernes fort importantes ; l’une des plus intéressantes est celle des frères de Watteville qui réunit tout ce qui concerne le tabac et les fumeurs.
C’est en 1805 qu’eut lieu le remplacement du briquet à pierre par des moyens chimiques d’obtenir du feu. Le Dr Payot-Laforest imagina le premier briquet chimique, le briquet oxygène. Dans un petit flacon contenant de l’acide sulfurique, on plongeait une allumette dont le bout était garni d’une pâte dite oxygénée formée de soufre, de chlorate de potasse, de sucre, de lycopode, liés par une solution épaisse de gomme arabique. L’allumette y prenait feu instantanément ; il est inutile d’insister sur les inconvénients et surtout, sur les dangers que présentait le petit appareil.
Vers la-même époque, le phosphore fit son apparition avec le briquet phosphorique. Il consistait en une solution de phosphore dans du sulfure de carbone ; on y plongeait un petit morceau de papier qui, retiré du flacon, ne tardait pas à s’enflammer.
Le briquet à air comprimé, appareil de démonstration et non d’usage, consiste en un tube de verre fermé à une extrémité et muni d’un piston à la partie inférieure duquel on attache un morceau d’amadou, En comprimant vivement l’air et en retirant le piston, l’amadou s’allume grâce à la chaleur développée dans cette compression brusque.
Le briquet à hydrogène ou briquet hydroplatinique fut imaginé par Gay-Lussac. C’est un appareil contenu dont le principe bien oublié, il y a quelques années, a reçu depuis de nombreuses applications ; notamment dans les lampes à acétylène. On y produit de l’hydrogène à l’aide des méthodes classiques, eau acidulée et zinc ; le gaz en se condensant dans un fragment de mousse de platine, le fait rougir et permet d’allumer une lampe qui se trouve auprès. L’appareil ne fonctionne que lorsqu’on tourne le robinet par lequel le gaz s’échappe.
L’invention des allumettes chimiques arrêta net les chercheurs de nouveaux briquets. Cependant, il nous faut en signaler quelques-uns imaginés depuis.
Le briquet à l’uranium fonctionne comme le briquet à pierre, en frottant contre un silex un morceau d’uranium métallique, corps obtenu aujourd’hui d’une façon courante grâce aux travaux de Moissan. Il suffit d’une friction très légère pour obtenir de véritables flammes de plusieurs millimètres de longueur, parfaitement capables, sans l’intermédiaire de l’amadou, d’allumer une bougie.
Le briquet à aiguille est un briquet chimique. Il comprend un tube contenant un amalgame de potassium et de sodium. On y plonge une aiguille qu’on frotte ensuite sur une mèche qui prend feu [1] .
Le briquet au palladium sert à l’allumage du gaz. On dispose au-dessus de l’orifice d’échappement une pastille formée de palladium et d’un peu de charbon. On tourne le robinet, l’affinité du palladium pour le gaz est telle qu’il y a échauffement et inflammation spontanée. Avec ce système, il n’y a donc pas besoin d’allumer les becs de gaz, ils s’allument tout seuls.
Il nous reste à parler des briquets électriques dont le premier, dit briquet de Saturne, fut imaginé en 1874 par Gaston Planté. Ils sont fondés sur la propriété que possède un courant électrique de rougir un fil de platine. On les a abandonnés pour l’usage courant à cause des soins à donner à la pile qui les alimente, mais ils ont reçu de nombreuses applications pour l’allumage à distance et instantané d’appareils d’éclairage.
G. Angerville