L’Ile de Ré et les côtes voisines aux époques préhistoriques.

la Revue Scientifique — 24 décembre 1910
Jeudi 21 mai 2009 — Dernier ajout mercredi 5 août 2020

Le Dr Atgier s’inspirant des travaux de M. Rutot sur les modifications survenues sur le littoral de la Hollande, la Belgique, l’Angleterre et la Bretagne, ainsi que de ceux du Dr Baudouin, sur les modifications du littoral poitevin, a étudié à ce point de vue le littoral de la Charente-Inférieure. (Congrès préhistorique de France, session de Beauvais).

Ses recherches l’ont conduit à démontrer que le littoral, à l’époque quaternaire, et, par conséquent, à l’époque paléolithique (Pierre taillée), s’avançait à 50 kilomètres plus avant vers l’Ouest. Il décrit la configuration que possédait alors le pays : la Gironde poursuivant son cours oblique du S.-E. au N.-O. pendant 50 kilomètres environ de plus qu’aujourd’hui, allait se jeter dans l’Océan en un point voisin d’un plateau sous-marin connu de nos jours sous le nom de plateau de Roche-bonne, qui n’effleure qu’à peine le niveau de l’Océan, mais dont les roches sont très visibles lorsque le temps calme rend la mer transparente. Il est situé à 25 kilomètres environ à l’Ouest de l’île de Ré, dont l’extrémité O. est elle-même à 25 kilomètres environ du littoral actuel. La Sèvre continuant son cours entre la terre de Ré et la terre de Vendée, aujourd’hui Pertuis Breton, après avoir fait un coude vers le N.-O. allait se jeter dans l’Océan au-dessous de l’île d’Yeu.

La terre de Ré, qui n’était pas alors une île, était un petit promontoire attenant au continent par les pointes de Saint-Marc et La Palisse, et limité à l’Ouest par le confluent de la Charente et de la Sèvre. La Charente continuant, elle aussi, son cours entre la terre de Ré et la terre d’Oléron, aujourd’hui Pertuis d’Antioche allait se jeter dans la Sèvre, à l’extrémimté ouest de la terre de Ré. La terre d’Oléron formait un long promontoire et n’était point une île comme aujourd’hui. Elle était soudée au continent par la terre d’Arvert qui n’était pas non plus une île comme elle l’est devenue dans la suite, bien qu’elle ne le soit plus aujourd’hui, les limons fluviaux l’ayant soudée au continent, comme le sera sans doute un jour l’île d’Oléron.

La Sèvre grossie par la Charente, coulait vers son embouchure du S.-E. au N. O. dans la même direction que la Gironde vers la sienne.

Mais le formidable cataclysme qui se produisit vers la fin de l’époque quaternaire, en déterminant un effondrement considérable dans l’Ouest de l’Europe qu’il modifia radicalement, notre littoral Sud-Ouest fut complètement changé, et de nombreuses iles se formèrent, parmi lesquelles l’île de Ré.

A ce sujet, le Dr Atgier dit ne pouvoir accepter l’hypothèse de M. A. Pawlowski, qui admet que Ré et Oléron ne faisaient originairement qu’une seule et même île. Les limites de cet article ne nous permettent pas d’entrer dans les détails de l’argumentation de M. Atgier, et nous ne pouvons que renvoyer à son intéressant mémoire.

Il est probable que les régions englouties ont été habitées par l’homme quaternaire, car le Dr Baudouin a signalé des silex paléolithiques sur les côtes de Vendée, et le Dr Combes a trouvé en Saintonge des instruments chelléens et moustériens. Cependant l’Aunis et les îles de Ré, Aix et Oléron n’ont pas encore fourni sous ce rapport des documents indiscutables.

A l’époque géologique actuelle, à laquelle nous plaçons la période néolithique (âge de la Pierre polie) l’ouest de la France fut de nouveau bouleversé, non plus par un affaissement, mais par un soulèvement qui fit reparaître une grande partie du territoire englouti précédemment. Des prairies, des marécages, des forêts s’y formèrent peu à peu, dans une longue suite de siècles : des populations y vécurent depuis l’époque néolithique jusque, et y compris, l’époque gallo-romaine, sinon toute entière, du moins une grande partie.

Ce deuxième cataclysme ressouda les iles au continent.

Parmi les côtes de notre région qui reparurent, dit le Dr Atgier, on peut citer les plateaux qui réunissaient l’île d’Aix au continent par les pointes de Fouras et de Châtelaillon, en passant par les îles d’Énet et de Monnmeillan (aujourd’hui Rocher des Maunes). Autour de l’île d’Oleron, ressoudée au continent, par la soudure de sa pointe de Maumusson ayec celles d’Arvert et du Chaput, reparurent le plateau sous-marin de Bayard, les rochers Antiochas, Jaut-sous-I’eau, les plateaux des Chardonnières, de la Perroche, de Maumusson, etc … Autour de l’île de Ré, redevenue promontoire elle aussi par la soudure de sa pointe de Sablanceau à la pointe Saint-Marc, reparurent le plateau de Lavardin, de Chauveau, les pointes de Merdavan, de Chauchardon, le banc des Baleines, du Bucheron, du Martray, etc … avec une extension dont nous ne pouvons nous douter aujourd’hui,

Les fouilles pratiquées par le Dr Atgier à la pointe N.-O. de l’ile d’Aix, lors d’une marée basse équinoxiale ont mis au jour de gigantesques troncs d’arbres trans’formés en lignite. Les fouilles de l’île de Ré lui ont fait découvrir un gisement de lignite d’origine identique, sous lequel il a rencontré d’autres troncs d’arbres, mais ceux-là, alors, complètement silicifiés, et dont l’enfouissement remontait par conséquent à une époque considérablement plus reculée, celle du premier cataclysme.

Les traces d’une civilisation néolithique sont attestées par la présence de nombreux instruments en pierre polie (diorite, chloro-mélanite, jadéite, serpentine, calcédoine, callais), et par celles de monuments mégalithiques retrouvés sur les bords aunissiens et dans les îles, notamment celles de Ré et d’Oléron, par des sépultures à incinération.

La civilisation des âges du Bronze et du Fer, dans cette région, est également attestée par de nombreuses découvertes d’instruments, d’armes et de sépultures. L’époque gallo-romaine est représentée par un certain nombre de monuments, des poteries caractéristiques de cette époque, des médailles et des monnaies.

Mais à la fin du me siècle de notre ère, un troisième cataclysme modifia encore cette partie de nos eûtes qui subit une évolution définitive.

Il se produisit, en effet, un nouvel effondrement et, en outre, la mer absorba une plus grande portion de territoire que lors de la première catastrophe. Le nouveau littoral formé rut déchiqueté à son tour, selon la résistance de la roche, et forma les pointes de l’Aiguillon, Saint-Marc, Chef de baie, les Minimes, Angoulins, Châtelaillon, les Palles, Le Chaput, Arvert. Il en résulta aussi le détachement des îles d’Ars, de Loix, de Ré, d’Aix, Madame, d’Oléron, d’Arvert, d’une façon définitive. Quant à l’anse de l’Aiguillon, ou Golfe du Poitou, elle fut envahie pour la seconde fois ; tout le marais vendéen actuel fut inondé presque jusqu’à Niort, ne laissant émerger, sous forme d’île ou d’îlots, que ses points les plus élevés, tels que l’île de Marans, l’île d’Elle, Saint-Michel-en-l’Herm, la Dève, Maillezais, etc., que la canalisation ultérieure du marais vendéen, inaugurée par les moines de l’Abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm et continuée par des ingénieurs hollandais, permit de reconquérir peu à peu sur la mer pendant le cours du moyen-âge jusqu’à nos jours,

Nous n’avons pu retracer, dans cette courte analyse, que les grandes lignes de l’important travail du Dr Atgier sur les îles de l’Aunis, travail dans lequel la partie archéologique , malgré son grand intérêt, ne peut être ébauchée ici : nous serons donc obligés, comme nous l’avons dit déjà, de renvoyer le lecteur au mémoire original.

L’auteur a indiqué dans le tracé schématique ci-dessus (fig. 89), ce que devait être le relief du littoral entre la Loire et la Garonne, avant le IIIe siècle de notre ère. Les lignes en pointillé représentent la limite du territoire à l’époque néolithique, existant encore en partie au IIIe siècle et décrit au IIe siècle par Ptolémée.

Vos témoignages

  • Un ami habitant l’Ile d’Oléron a trouvé dans une ancienne maison, un graphique fait à la main sur un carton parlant de l’Ile d’Arceau , ville située au dessus de Dolus. Auriez-vous des archives concernant cette appellation ou le site d’Arceau ?? Dans l’attent . Remerciements

  • Bonjour Dr, C’est avec grand interrêt que je découvre vos travaux . La recherche qui m’a conduit jusqu’à vous n’est que la curiosité « jusqu’au boutiste » concernant le choix de baptême d’un bateau dont j’avais imaginé trouver le nom caché quelque part au milieu des coureaux de notre cher pertuis d’Antioche . C’est ainsi que je suis tombé en arrêt sur « la Roche d’Amour » située dans le prolongement de la pointe du Lavardin - donc au Sud-Est de l’île de Ré . Mais impossible de trouver dans mon entourage la personne qui pourrait me donner les précieuses explications rattachées au nom mystérieux de ce site. A l’avance mille merci si vous pouviez au moins me mettre sur la piste ? Meilleures salutations . Dominique Bourguignon

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