M. le Dr Schott a émis récemment l’opinion qu’une relation inversement proportionnelle paraît exister entre l’abondance des glaces, d’une part dans la mer comprise entre le Spitzberg et le Groenland, d’autre part, dans les eaux entourant Terre-Neuve. Du tableau d’observations qu’il a réunies, il semble résulter que lorsque les glaces sont abondantes entre le Spitzberg et le Groenland, elles sont rares sur les bancs de Terre-Neuve et inversement. En second lieu, lors des années durant lesquelles l’afflux des glaces est normal dans l’une ou l’autre de cette partie de l’océan, cette situation paraît se présenter dans les deux zones.
Cette remarquable opposition entre les deux régions envisagées, dépendrait étroitement dé la position et de l’importance du minimum barométrique situé, en général, dans le sud ou dans le sud-ouest de l’Islande. Lorsque ce minimum s’efface ou est peu profond, deux zones de basses pressions apparaissent, l’une dans l’océan Arctique, autour des Loffoten et du cap Nord, l’autre dans les eaux américaines entre le 55e et le 60e degré de latitude Nord, lesquelles sont séparées par une bosse de hautes pressions entre le Groenland oriental, l’Islande et l’Écosse. En pareil cas, comme cela s’est produit en janvier et avril 1881, des vents de nord-ouest et d’ouest soufflent entre le Spitzberg, Jan Mayen et l’Islande, et déterminent par suite au printemps une avancée de la glace de celle région vers le sud et vers l’est, tandis que dans la région Labrador Terre-Neuve, des vents d’est dominent et repoussent la glace de la baie de Baffin.
Le minimum d’Islande est très creux, assez accusé pour déterminer un grand mouvement tourbillonnaire entre l’Europe et le Labrador, des centres de hautes pressions naissent autour des Loffoten et de Terre-Neuve, c’est-à-dire dans les régions occupées par des minima dans le cas précédent. Cette distribution des pressions amène entre le Spitzberg, Jan Mayen et l’Islande des vents d’est et de nord-est, lesquels ont pour effet de chasser les glaces de celte partie .de l’océan et de produire une mer ouverte dans ces parages. Sur les côtes du Labrador et de Terre-Neuve dominent, au contraire, des brises de nord-ouest et d’ouest : sous leur impulsion. les glaces arrivent alors en grande abondance sur les bancs de la grande île américaine. En février et mars 1881, année pendant laquelle les glaces ont été abondantes à Terre-Neuve et rares dans les mers du Spitzberg et du Groenland oriental, les isobares ont présenté ce tracé.
Si la relation indiquée par le Dr Schott entre la distribution des glaces dans les deux régions envisagées est confirmée par de nouvelles observations, la connaissance du régime des pressions et des vents au Labrador, en Islande et dans le Groenland oriental pendant l’hiver et le printemps permettra de fournir d’utiles indications sur l’état probable des glaces durant l’été suivant.
(Ciel et Terre [1] , 16 août 1905, p. 303.)
J. D.