Les grès Cérames

G. Angerville, La Science Illustrée N° 702 — 10 mai 1901
Mercredi 28 août 2013

Le grès naturel ou pierre à pavés qui est une roche siliceuse formée de grains de sable réunis par un ciment naturel, calcaire ou siliceux, n’a rien de commun avec les poteries dures et imperméables nommées grès cérames ou hydrocérames, sauf la dureté. Comme le grès naturel, en effet, le grès cérame fait feu au briquet.

La pâte de ces poteries est formée d’une argile plastique siliceuse à laquelle on ajoute un peu de sable. La cuisson, très longue, dure parfois huit jours.

Pour rendre la surface luisante comme si elle était vernissée, on se contente d’ordinaire de lancer dans te four, à une période quelconque de l’opération, du sel marin qui se vaporise sous l’action de la haute température du four, formant avec l’argile un silicate alcalin des plus résistants.

Quelquefois cependant, on émaille la surface, qui peut recevoir toutes sortes d’émaux fusibles, à haute ou moyenne température.

Les poteries de grès sont connues en Chine depuis bien des siècles. On les nomme Coccaros ou buccaros, d’un mot emprunté à la langue portugaise, elles sont faites d’une argile dense, serrée, ordinairement d’un brun rouge. D’autres sont d’une terre gris jaunâtre parsemée de fines lamelles de mica, et ont une odeur musquée qui communique au thé une saveur particulière.

Les boccaros prennent toutes sortes de formes, parfois les plus imprévues. Certaines théières en grès chinois imitent un char à deux roues ; d’autres figurent un petit moulin qui tourne par la seule force de la vapeur ; des vases à surprise inondent celui qui en ignore le secret.

La fabrication des grès-cérames en occident date du XIVe siècle. A la fin de ce siècle, les grès de Beauvais recouverts d’un bel émail bleu, ou poteries azurées, étaient très renommés. L’inventaire de Charles VI, daté de 1399, renferme l’évaluation d’un « godet de terre de Beauvais garni d’argent », sans doute quelque cadeau comme les habitants de cette « bonne ville » en firent au roi Charles VII en 1434, à François Ier en 1520.

Dans la Nièvre et en Bourgogne, on fabriquait aussi à cette époque des vases azurés fort estimés.

Mais c’est principalement en Allemagne, sur les bords du Rhin, que la fabrication de grès cérames prit un grand développement.

« On a cité Jacqueline de Bavière, dit M. Jacquemart dans ses Merveilles de la céramique, comme étant la première personne, au moins d’un rang éminent, qui eût pétri la poterie siliceuse ; enfermée dans la forteresse de Teylingen, en 1424, elle y aurait charmé ses loisirs par la confections de pots et de cruches qu’elle jetait ensuite dans les fossés, afin de laisser aux âges futurs des souvenirs de sa présence. » Un de ces pots existe au musée de la Haye, un autre à Sèvres et prouve, comme le premier, que la comtesse Jacqueline n’était pas une artiste de premier ordre.

Au XVIe siècle, l’art du grès cérame atteint en Allemagne son apogée. Tous les grès allemands, connus longtemps sous le non de grès des Flandres, ont été divisés en quatre classes : 1° les grès à pâte blanche, sans glaçure, ont Cologne pour centre principal de fabrication ; 2° les grès à glaçure brune, originaires de Cologne ou d’Aix-la-Chapelle ; 3° les grès à pâte grise, décorés d’émaux bleus ou violets provenant de Coblentz ; enfin, 4° les grès bavarois à glaçure noire, décorés d’émaux polychromes cuites à basse température.

Les cruches, gourdes, canettes, hanaps et autres accessoires de « beuverie » sorti des mains des potiers allemands de cette époque sont, en leur genre, des œuvres vraiment belles, ornées de reliefs et de moulures d’une perfection rare.

« Mais en Bavière, à Creussen, dit M. Jacquemart, on a particulièrement usé de l’artifice des colorations pour rehausser la teinte sombre des grès ; des figures et des ornements modelés ont été recouverts d’émaux vifs et d’or, et l’on a obtenu ainsi un ensemble plus brillant qu’harmonieux ; les spécimens de ce genre sont fréquents dans nos musées ; il est une cruche dite des Apôtres, où ceux-ci figurent avec les quatre évangélistes, qui paraît avoir été un sujet de prédilection pour les potiers de Creussen. Les faussaires ont parfois appliqué la peinture et la dorure à froid sur des poteries non émaillées de cette fabrique ; la fraude est facile à reconnaître. »

G. Angerville

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