Les saints de glace varient en fonction des régions. Principalement les 11,12 et 13, ils peuvent inclure toute la deuxième décade de mai. Ils se situent donc en pleine Lune Rousse, période du printemps pendant laquelle les gelées matinales ne sont pas rares.
La détermination de la température moyenne normale de chaque jour de l’année dans une station exige une longue période d’observations au moyen desquelles on calcule les coefficients des termes d’une série harmonique, destinée à représenter la marche du phénomène. Cette méthode a été appliquée par M. Angot (Annales du bureau central météorologique, année 1890, t. I, p. 140) dans la discussion des températures de Paris (Parc Saint-Maur). Comme les documents n’étaient pas antérieurs à 1874, on a dû calculer les valeurs qu’on aurait obtenues à partir de 1841, en tenant compte des observations effectuées simultanément à l’Observatoire de Paris, à Montsouris et à Versailles. La liste des nombres enregistrés dans différentes stations voisines permet, en effet, de mettre en évidence la relation qui fournit, avec une approximation convenable, la température d’une station en fonction des températures des autres stations.
Si on considère comme normales les températures obtenues au moyen de la série harmonique, les écarts systématiques constatés entre l’observation et la théorie peuvent être attribués à des causes accessoires, non prévues Jans l’établissement de la formule théorique.
Dans nos régions, on a pu établir que la température moyenne diurne ne grandit pas régulièrement et progressivement d’un jour à l’autre depuis le milieu de janvier, époque du minimum, jusqu’au milieu de juillet, époque du maximum ; de même, la décroissance dans la seconde moitié de l’année n’est pas régulière. Il apparaît des anomalies, dont quelques-unes tendent à disparaître, lorsque le nombre des années d’observations augmente ; elles sont dues à des perturbations purement accidentelles, sans causes bien déterminées. D’autres anomalies persistent au contraire et se précisent avec le temps.
Jusqu’à présent, on a rangé dans ce dernier groupe les périodes de refroidissement, qui ont été mises en évidence par soixante années de résultats, celle du 8 au 11 février, celle du 4 au 11 mars, celle du 10 au 12 mai et vers le 21 novembre.
L’abaissement de la température des 11, 12 et 13 mai, correspond justement à la remarque populaire très ancienne des Saints de glace (Saint Mamert [1], Sain Pancrace [2] et Saint Servais [3]). Le refroidissement est-il en relation avec la période de réchauffement, qu’on désigne sous le nom d’été de la Saint Martin, et qui a lieu six mois après, dans la première quinzaine de novembre ? Ce refroidissement correspond-il à un phénomène régulier ? M. Angot, dans son Traité de météorologie, fournit quelques rapprochements intéressants, qui méritent d’être signalés. Tous les ans, du 11 au 13 novembre, la Terre coupe l’orbite elliptique d’un amas d’astéroïdes, qui circulent autour du Soleil. En passant dans les régions élevées de notre atmosphère, ces astéroïdes produisent des étoiles filantes, désignées sous le nom de Léonides. Dans la première quinzaine de novembre, la Terre se trouvant entre le soleil et ces astéroïdes recevrait plus de chaleur, par suite probablement de la réflexion de la chaleur solaire sur ces corps. En mai, au contraire, ces astéroïdes, se trouvant entre le Soleil et la Terre, intercepteraient une partie du rayonnement solaire.
Cette hypothèse pourrait prendre le caractère définitif d’un fait positif et exact, si le refroidissement des Saints de glace était annuellement constaté. Or il n’en est pas ainsi et l’année 1907 a fourni des résultats qui la contredisent formellement. Les températures moyennes des 11, 12 et 13 mai, 20°2, 20°6,15°0 [4] ont été respectivement supérieures de 7°5, 7°7, et 2°0 aux températures moyennes normales 12°7, 12°9 et 13°0. De tels écarts n’ont pas été constatés seulement au Parc Saint-Maur. M. A. Lancaster, directeur du service météorologique de l’Observatoire de Belgique, émet la remarque, dans Ciel et Terre, que jamais, depuis la fondation de l’Observatoire, c’est-à-dire depuis soixante-quinze ans, il n’a fait aussi chaud que cette année, les 11, 12 et 13 mai.
Une telle contradiction n’empêche pas que le rapprochement entre les Saints de glace et les Léonides présente un certain intérêt. Ce rapprochement n’est d’ailleurs pas le seul qu’on puisse invoquer. Les Perséïdes, autre essaim d’étoiles filantes que l’on observe du 10 au 13 août, apparaissent en même temps qu’un réchauffement très appréciable, tandis qu’à six mois d’intervalle, vers le 11 février, il existe un refroidissement très net, le mieux caractérisé de tous ceux que nous avons signalés.
Les faits expérimentaux de 1907 ne sauraient donc, infirmer, pas plus que confirmer d’ailleurs, l’hypothèse de l’influence des étoiles filantes sur la température, Pour donner à cette’ hypothèse la sanction expérimentale qui lui manque, il reste, d’une part, à la confirmer par des recherches effectuées dans de nombreuses stations, répandues sur toute la surface du globe, en particulier dans les pays tropicaux ; et, d’autre part, à accumuler les documents qui la justifient ou la condamnent. Cette dernière condition ne saurait être satisfaite, pour le moment du moins. Il faut laisser le temps faire son œuvre ; mais il est de notre devoir de fournir à nos descendants les renseignements dont nous manquons aujourd’hui.
R. Dongier