Le diamant en joaillerie

La Science Illustrée N° 566, 1 Octobre 1898
Samedi 28 février 2009 — Dernier ajout dimanche 15 mars 2009

De nombreux articles ont été déjà publiés par la Science illustrée sur le diamant. Les uns se rapportent aux mines dans lesquelles on recueille le précieux minéral, d’autres à son mode de formation, à sa taille, à sa gravure, à sa fabrication artificielle, etc. Nous y renvoyons le lecteur, voulant nous borner aujourd’hui à un exposé rapide du rôle du diamant en joaillerie à travers les âges.

Les anciens connaissaient cette pierre et savaient qu’elle ne peut se tailler que par le frottement de sa propre poussière, ainsi que le prouve le témoignage de Pline ; mais ils lui préféraient les gemmes colorées, qui leur semblaient plus vives et plus gaies et avaient l’avantage d’être un peu moins dures. Les diamants étaient, malgré cela, utilisés dans la parure à l’état brut, à peine ornés de quelques facettes et présentant, dans leur ensemble, une forme conique.

Vers le XIVe siècle, la mode ayant mis en faveur les pierres incolores, les lapidaires imaginèrent d’augmenter l’éclat naturel du diamant par le jeu de la lumière à travers des facettes artificielles. La taille du diamant était déjà florissante à Paris vers 1407.

Ce n’est donc pas Louis de Berquem, de Bruges, qui a inventé cet art, en 1476, comme on le croit généralement ; il lui fit, sans doute, accomplir quelques progrès. Depuis deux siècles l’industrie de la taille du diamant s’est concentrée à Amsterdam, où elle occupe des milliers de personnes.

L’usage des diamants taillés s’introduisit peu à peu dans la parure, mais ce n’est guère qu’au XVIIe siècle qu’ils supplantèrent presque complètement les pierres de couleur. La bijouterie qui, à l’époque de la Renaissance, se confondait, en quelque sorte, avec l’orfèvrerie et tirait des ciselures ses principaux motifs d’ornementation, se laisse envahir par la joaillerie.

Nos deux gravures font bien saisir la différence des bijoux de ces deux époques. La première, qui représente un bijou du XVIe siècle, attribué à Benvenuto Cellini, montre l’importance du rôle joué par la cerclure et le métal précieux ; le second, au contraire, qui date du siècle suivant met en évidence le triomphe du sertissage des gemmes ; le métal est réduit à la modeste fonction de support.

L’amour des diamants n’était pas, au XVIIe siècle, l’apanage exclusif du sexe faible ; des hommes, et non des moindres, partageaient cette passion, qui leur fut d’ailleurs souvent reprochée.

Dès 1636, on. voit Richelieu, pour répondre aux critiques qui lui étaient indirectement adressées sur son faste et ses dépenses, faire au roi la donation de la plus grande partie de ses biens.

On y relève « une grande croix d’or émaillée, enrichie de rubis et diamants, un ciboire d’or avec rubis et diamants, une statue d’or de saint Louis également avec rubis et diamants, un grand diamant en forme de cœur, pesant plus de vingt carats ».

Son successeur, Mazarin, qui accumula une fortune évaluée à plus de 100 millions, légua de même à la couronne « 18 gros diamants, qui reçurent le nom des 18 Mazarins.

La reine mère eut le gros diamant appelé la Rose d’Angleterre, un diamant brut pesant 14 carats et le rubis cabochon.

La reine reçut un bouquet de 50 diamants et le duc d’Anjou 31 émeraudes ».

En 1677, vingt-trois mines de diamants étaient exploitées dans le royaume de Golconde. Vers la fin du règne de Louis XIV, le grand nombre de pierres précieuses rapportées d’Orient par les voyageurs, en amenant une diminution importante de leur prix, produisit une extension considérable de leur emploi.

Tavernier, qui fit six voyages aux Indes et en Perse, vendit pour 3 millions de diamants à Louis XIV.

Les mines du Brésil ayant été découvertes en 1718, la valeur des diamants baissa encore. Malgré cela -ou peut-être à cause de cela, - ils sont moins en faveur à l’apogée du règne de Louis XV.

Le rococo, la rocaille envahissent la bijouterie comme tous les autres arts décoratifs. Sous Louis XVI le diamant et les pierres précieuses eurent une vogue considérable, grâce au goût particulier de la reine Marie-Antoinette pour ce genre de parure. C’est la passion de la reine pour les diamants de choix qui facilita l’intrigue assez obscure du Collier de la Reine.

Pendant la Révolution, la joaillerie se fait humble pour reparaître sous le Directoire avec de curieuses imitations de l’antiquité. On sait quelle est, à notre époque, l’importance du diamant dans la parure. La découverte des mines du Cap et du Transwaal jette chaque année sur le marché des quantités relativement considérables de cette pierre, qui se trouve, pour ainsi dire, démocratisée. Beaucoup de nos modernes lapidaires font preuve d’un goût délicat. Massin, Falize, Boucheron, les Bapst, et bien d’autres, ne le cèdent en rien au point de vue de l’habileté et de la mise en valeur des gemmes à leurs prédécesseurs des XVIIe et XVIIIe siècles. Les diamants font merveille aujourd’hui sur les broches, les diadèmes, les épingles de coiffure et de cravate, les pendants d’oreille et les colliers. L’intensité de notre éclairage, en multipliant leurs feux, leur est essentiellement favorable.

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