Les serrures anciennes

La Science Illustrée N° 670, 29 Septembre 1900
Vendredi 27 février 2009 — Dernier ajout samedi 9 octobre 2010

Le premier instrument employé pour fermer les habitations est bien certainement le verrou ; mais on ne dut pas tarder à reconnaître son insuffisance et on inventa la serrure, non pas peut-être la serrure telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais une serrure mobile qui n’était qu’un cadenas.

Une chaîne (en latin, catena, d’où nous avons fait cadenas) ; passée autour d’un coffre ou dans les barreaux d’une grille, servait à les fermer au moyen d’une serrure de fer qui se fixait à ses derniers anneaux.

Les Romains ont connu l’usage du cadenas qu’ils appelaient sera, d’où nous avons fait serrure.

Divers passages d’écrivains latins, notamment de Plaute, ne laissent aucun doute à cet égard ; mais ce qui supprime toute objection, c’est qu’on a trouvé plusieurs cadenas en bon état dans les fouilles exécutées à Rome même et en différents points de l’Italie.

Ils étaient, en général, cylindriques ; la matière dont ils étaient formés était le fer ou le bronze ; la clef y pénétrait non sur la face, mais par la partie inférieure.

L’usage des cadenas a été également très répandu pendant tout le moyen-âge. On les appelait alors ploustres ; ils étaient sphériques, cylindriques, en fer pour la plupart et de grande taille, ornés d’incrustations ou de ciselures.

Quant à la serrure fixe qui fit son apparition à une époque qu’il est difficile de préciser, elle fut tout d’abord d’une grande simplicité et consistait en un seul pêne que l’on faisait entrer dans un trou du mur en lui imprimant un mouvement de va-et-vient avec une clef à panneton massif. Plus tard, on imagina d’augmenter sa sûreté en plaçant dans son intérieur des gardes ou garnitures qui s’opposaient à l’introduction de toute clef étrangère.

On est tout étonné de constater que les serrures ainsi perfectionnées étaient déjà connues en Égypte plusieurs milliers d’années avant notre ère. Dans la suite, les Grecs et les Romains en firent également usage, et les spécimens que l’on conserve dans les musées prouvent qu’ils cultivaient avec beaucoup de succès cette partie de l’art du serrurier.

Pendant le moyen-âge, on s’appliqua surtout à l’ornementation extérieure des serrures. De plus, pensant que la sûreté de ces instruments provenait de leurs dimensions et de la complication de leurs parties intérieures, on les fit généralement très volumineux et on les munit de garnitures contournées et agencées de mille manières.

On sait combien, au moyen-âge, l’usage des coffres était répandu. Dans les serrures de cette période, qui sont parvenues jusqu’à nous, il faut donc séparer les serrures de portes des serrures de coffres, qui, comme les serrures des malles actuelles, ont un moraillon se rabattant à charnière et portant la boucle où passe le pène dans l’intérieur de la serrure. Pourtant certains coffres de nos musées sont munis de serrures d’une complication extraordinaire.

Quant aux serrures de portes, celles de l’extérieur étaient en fer, les autres en bois.

La serrure était alors considérée comme l’œuvre par excellence de l’artisan en fer ; elle figurait toujours comme chef-d’œuvre imposé au compagnon qui, au bout de dix ans d’apprentissage, devenait candidat à la maîtrise.

La plupart des serrures de cette époque sont fort belles. En acier mat ou poli, de teintes diverses, en fer forgé, repoussé, ciselé, découpé, elles ont une décoration qui leur donne souvent l’aspect d’une façade de cathédrale, telle la belle serrure gothique que reproduit notre gravure.

L’entrée de la serrure est, en général, dissimulée par une partie de la décoration ciselée laquelle peut se rabattre pour laisser voir le passage de la clef.

Sur les niches, au-dessus des colonnes, se dressent des personnages en fer ciselé, généralement Dieu, la Vierge ou les saints.

Beaucoup de serrures de cette époque sont ornées de devises. Il en est qui ont de belles découpures de métal, dont l’effet est d’autant plus grand qu’elles sont plaquées sur une étoffe ou une lame de cuir rouge. Les différentes parties de la serrure ont des noms spéciaux. La boîte dans laquelle joue le pène se nomme palastre. Le pène est la partie qui entre dans la gâche fixée au montant de la porte.

De l’autre côté de la porte, à l’intérieur, l’entrée de la serrure se nomme entrée ou contreplaque. Son ornementation est toujours beaucoup plus simple que celle de la partie principale.

Les serrures modernes sont beaucoup plus simples que les serrures anciennes et dépourvues pour la plupart, de toute prétention artistique, mais beaucoup ont un mécanisme de précision fort ingénieux, ce sont les serrures à secret et les serrures à combinaison.

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