[!sommaire]
I
Les anciens outils de l’écrivain. - Aucune invention n’a rencontré, croyons-nous, un succès plus universel que celle de la plume métallique, et cela n’a rien d’étonnant si nous comparons cette plume aux outils de l’écrivain d’autrefois. Aussi, avant d’étudier la fabrication des plumes métalliques, devons-nous jeter un coup d’œil sur les anciens ustensiles employés pour l’écriture.
Nous rencontrons, au début, deux systèmes : le « style » et le « roseau ». Le « style » ou « poinçon » servait à tracer les caractères en creux sur des tablettes enduites d’une mince couche de cire ; fabriqué en os ou en métal, grossièrement taillé ou sculpté avec art, ce petit instrument portait d’un côté une pointe effilée et de l’autre une tête aplatie servant à effacer l’écriture. Quand le poète Horace conseille à l’écrivain de « tourner son style », c’est dans le sens du précepte rappelé par Boileau : « Ajoutez quelquefois, mais souvent effacez. » C’est le style des anciens que nous voyons employé encore aujourd’hui par l’aveugle ; la pointe arrondie imprime en creux dans le papier fort les 6 points de l’alphabet Braille, destinés à être lus en relief de l’autre coté, tandis que la tête aplatie permet d’effacer, en les écrasant, les points inexacts. Nous avons déjà reproduit sept modèles de styles employés par les aveugles de divers pays [1].
Quant à l’inscription, à l’aide d’une pointe, sur une surface enduite de cire, il est piquant de la retrouver à quarante siècles de distance, sur le cylindre de notre moderne gramophone.
Si le style était commode et portatif, il n’en était pas de même des tablettes ; qu’elles fussent de bois, de pierre ou de plomb, leur poids ne permettait de les employer que sous des dimensions réduites, et seulement pour prendre des notes. Pour les écrits de quelque importance, on les confiait au papyrus ou au parchemin, sur lequel on écrivait avec un roseau taillé en biseau, et dont la pointe, appelée par Ausone « fissipes » (pied fendu) rappelait en effet, avec ses deux becs jumeaux, le pied fendu des ruminants. Comme on le voit (fig. 4, n°3), la pointe du roseau comportait deux becs, ainsi que notre plume actuelle. Notre dessin, d’après un modèle de l’Égypte. représente un roseau de 0,15m de long et de 7 millimètres de diamètre. Ce sont exactement les dimensions de longueur et de grosseur que l’on retrouve dans les porte-plume distribués aux enfants dans nos écoles. La pointe du roseau était trempée dans un récipient contenant de l’encre rouge ou noire ; on se servait de deux roseaux, un pour chaque encre, et le scribe plaçait derrière son oreille celui qui ne lui servait pas. C’est ainsi qu’est représenté un scribe d’autrefois, sur un des plus anciens monuments de la ville de Thèbes, et nous pouvons lui comparer notre commis ou employé moderne mettant son porte-plume derrière l’oreille, à défaut d’un autre support.
Le roseau (calame) était d’abord taillé avec un canif, puis la pointe en était aiguisée soigneusement sur une pierre, ainsi que nous le rappellent ces vers d’un poème grec, traduit par l’helléniste Egger ;
« Ce calame, assoupli par maints détours adroits ;Ce canif, qui le fend et l’amincit ; la pierreOù le roseau s’aiguise ; enfin ma trousse entière,Avec le polissoir, l’éponge et l’encrier …. »
La plume d’oie. - Tout cela était encore bien compliqué, et la fragilité du roseau en restreignit l’usage aussitôt que les calligraphes eurent à leur disposition une autre matière. Cette matière, souple et élastique, était la plume arrachée de l’aile d’un oiseau. Ce furent les plumes du corbeau que l’on essaya d’abord pour les manuscrits du moyen âge ; vinrent ensuite diverses plumes, telles que celles du cygne, de l’outarde, du vautour, de l’aigle, du pélican, enfin et surtout celle qui eut le plus long succès et n’est pas encore complètement abandonnée, la plume d’oie, qui marque la période de transition entre l’âge du style et du calame et l’âge de la plume d’acier moderne. Ici encore, on se trouve en face de la nécessité de tailler les becs de la plume, mais ils sont moins délicats que ceux du roseau, et une bonne plume d’oie, bien taillée, faisait presque un aussi long usage que nos plumes métalliques ordinaires. Longtemps après avoir été délaissée pour l’écriture ordinaire, la plume d’oie a été employée encore pour l’écriture en ronde, et l’on se rappelle la tâche ardue du professeur d’écriture d’il y a quelques années, forcé de prendre sur ses heures de repos pour préparer sa provision de plumes ; on ne pouvait en effet confier ce travail aux mains d’un enfant, vu l’emploi du canif. De plus, il fallait un long apprentissage pour devenir habile dans cette opération. Rappelons-la en quelques mots. Le choix de la plume, d’abord ; ce choix n’était pas indifférent, et un vieil auteur anglais en a posé les principes ; « Prenez une plume d’oie, la troisième ou quatrième de l’aile. A la rigueur, vous pourriez la remplacer par une plume de corbeau, mais ce qu’il y aurait encore de mieux ce serait une plume de jars… »
La plume d’oie devait présenter une portion bien cylindrique sur une certaine longueur, afin de ne pas tourner dans les doigts. Sa teinte jaune devait indiquer qu’elle était bien sèche, et arrachée à l’animal depuis au moins une année ; il est vrai que certains fournisseurs, experts en chimie, obtenaient cette coloration artificiellement à l’aide d’acide chlorhydrique, ce qui rendait les plumes cassantes, Les premières plumes d’oie avaient le grave inconvénient d’être trop grasses, par suite de la substance huileuse qui les imprégnait. Les Hollandais imaginèrent de faire sécher les plumes dans des étuves remplies de cendre chaude ; de là le nom de « hollandaises » donné aux premières plumes ainsi traitées. La plume une fois choisie et bien dégraissée, nous arrivons à l’opération principale, consistant à former la pointe. On commence par faire une entaille transversale destinée à enlever la partie conique du bout. On enfonce dans cette plume, en forçant légèrement, une autre plume de même grosseur, ce qui fait éclater la première et produit deux fentes longitudinales parallèles aux fibres de la plume. On a ainsi un cylindre de 5 à 6 centimètres de longueur, fendu sur deux de ses génératrices opposées ; le canif intervient alors pour supprimer une de ces moitiés de cylindre ; sur la moitié restante, on taille la pointe par deux coups de canif obliques et convergents ; on appuie cette pointe sur l’ongle du pouce gauche et on fait la fente par une légère pression du canif. Enfin, la pointe devant être un peu émoussée, pour éviter de faire crier la plume sur le papier, on fait en travers de celte pointe une petite entaille oblique. Voilà la plume prête pour l’écriture. Ce qui précède rappellera à ceux qui ont connu l’usage des plumes d’oie quel temps l’on perdait à les préparer soi-même, à moins de les acheter toutes taillées. Bramah , inventeur anglais, le même peut-être qui inventa l’anneau fameux de la presse hydraulique, eut l’idée de fabriquer des morceaux de tuyaux de plumes d’oie tout taillés d’avance, et ayant la forme de nos plumes métalliques actuelles. Mais cette fabrication mécanique ne donnait pas les becs irréprochables exigés par les amateurs, et l’invention n’eut aucun succès. En 1881, il ne restait plus en France que 8 apprêteurs de plume d’oie ; celles-ci coûtaient à cette époque 5 centimes pièce, ce qui n’était pas trop cher. Créer une plume qui ne se taille pas, et assez bon marché pour qu’on pût la jeter une fois usée, tel était le problème que se posèrent depuis cent ans un certain nombre d’inventeurs. Il serait difficile de dire quel fut le véritable créateur de la plume métallique, car bien des essais furent faits avant la prise des premiers brevets.
Invention de la plume métallique. - En 1750 le Français Arnoux, à Rouen, essaya de fabriquer des plumes d’acier, mais il dut y renoncer devant le prix de revient. La première exploitation sérieuse fut faite en Amérique par un ouvrier joaillier de Baltimore, Peregrine Williamson qui, suivant les cours du soir, trouvait trop long de tailler ses plumes d’oie. Il se fabriqua une plume d’acier, y fît deux fentes latérales, une de chaque côté, pour lui donner de l’élasticité, et fendit la pointe en deux becs jumeaux. Son invention, qui lui rapporta de beaux bénéfices, attira l’attention des Anglais, qui importèrent chez eux cette fabrication. La première fabrique de plumes d’acier à Londres fut fondée par Wise en 1803. Ses successeurs, Gillott et Perry, perfectionnèrent les procédés primitifs. Les premières plumes fabriquées avaient la forme d’un long cylindre. dont l’une des extrémités était taillée en forme de pointe fendue ; on enfilait ce cylindre au bout d’un manche en bois. Aujourd’hui encore, nous retrouvons cette disposition adoptée pour nos petites plumes à dessin. Ces premières plumes coûtaient fort cher, 5 shillings la pièce, soit 6,25fr, aussi ne faut-il pas s’étonner du soin que l’on en prenait, en employant, pour les transporter dans la poche, des étuis en os ou en ivoire dont quelques-uns tout à fait artistiques. C’est à Gillott et à Perry que nous devons la création des plumes ayant la forme actuelle. En leur donnant des dimensions réduites au minimum utile, on pouvait ainsi employer à leur fabrication des aciers de qualité supérieure ; quant au dispositif destiné à les assembler avec le porte-plume, il consistait en une monture en métal commun. Le premier brevet d’invention pour une plume métallique a été pris par Perry en 1830. Ce Perry, de Manchester, fut l’un des plus grands vulgarisateurs de la nouvelle plume d’acier ; c’est lui qui cul l’idée de faire la fente de la plume dans la masse du métal ; jusque là, cette fente était produite par la juxtaposition des deux génératrices du cylindre. Comme ce cylindre s’ouvrait rapidement, les plumes ne pouvaient faire un long service. Perry découpait dans une feuille d’acier mince, avec un emporte-pièce, le flan destiné à devenir la plume future ; arrondi en forme de gouttière, puis fendu avec un ciseau aigu, ce flan se transformait ainsi en plume. Gillott substitua au découpage à la main, employé par Perry, l’emploi du balancier ou presse à estamper. Il perfectionna aussi la trempe, le nettoyage, le polissage, et donna à la plume la flexibilité voulue, ce qui lui permit de lutter de plus en plus coutre la plume d’oie. C’est en 1846 que l’industrie des plumes métalliques fut importée en France, et par deux hommes étrangers à l’industrie : l’un, Blanzy, directeur de messageries ; l’autre, Poure, professeur de mathématiques. Ils s’associèrent pour fonder à Boulogne la fabrique connue aujourd’hui dans le monde entier, et qui, modeste à ses débuts, occupe actuellement plus de 1000 ouvriers et ouvrières. Sur 300000 kg de plumes d’acier fabriquées aujourd’hui en France, la maison Blanzy-Poure en produit à elle seule 200000.
Quant à la production totale du monde entier, elle est de 3 milliards de plumes, soit deux par habitant de notre planète, déduction faite des sauvages ne connaissant aucune écriture, et des Chinois qui restent fidèles à leur pinceau.
Il n’y a que 16 fabriques de plumes sur tout le globe, et elles sont cantonnées dans les quatre villes suivantes : Birmingham, Berlin, New-York et Boulogne-sur-Mer.
Fabrication. - Nous allons maintenant passer en revue sommairement les principales opérations par lesquelles passe la feuille d’acier pour devenir une bonne plume.
La première de ces. opérations est le « laminage » à froid des bandes, préalablement trempées dans l’huile, pour éviter l’écrouissage ; ces bandes passent alors par les mains d’habiles ouvrières, qui font le « découpage » des flans à la machine ; cette machine est une presse à découper à balancier. Il faut obtenir une parfaite régularité des contours et perdre le moins de métal possible. La figure 1 de nos dessins représente cette opération du découpage faite par une ouvrière boulonnaise, coiffée de son bonnet caractéristique. La figure 2 montre au n°1 le flan découpé et plat ; le n°5 montre une portion du déchet de la plaque. Après le découpage, viennent le « marquage » à l’aide d’un petit mouton (fig. 3), le « perçage », qui donne les fentes latérales destinées à assurer l’élasticité de la future plume ; le « formage », qui lui donne la forme de gouttière cylindrique ; la « trempe », qui assure sa dureté plus ou moins grande. On dégraisse, les plumes par le « doucissage » ; cette opération consiste à les faire bouillir dans une forte solution de soude, puis on les sèche dans un cylindre tournant analogue à nos brûloirs à café. Vient ensuite le « nettoyage », consistant à faire tourner les plumes pendant 48 heures dans des barils remplis de grès et d’émeri mouillé et très fin ; elles en sortent ébarbées et polies, puis, après un second nettoyage à sec, elles sont « aiguisées » une à une sur une meule verticale en bois, à émeri ; l’ouvrière saisit le talon avec une pince et présente le dos de la pointe en long à la meule ; ensuite, pendant 2 ou 3 secondes, elle présente cette pointe en travers ; on obtient ainsi l’aiguisage en travers, visible sur la plupart des plumes, et qui complète l’élasticité des becs. On peut traiter ainsi 15000 plumes par jour. Ce n’est qu’après toutes ces opérations que la plume est soumise au « fendage » ; cette opération, la plus délicate de toutes, puisqu’elle a lieu sur un produit presque terminé, se fait avec une presse à main ; ce n’est que pour les plumes communes qu’on la fait à la machine. La presse à main se compose de deux blocs d’acier fin, trempé très dur, à bords extrêmement tranchants, agissant comme une paire de cisailles. La plume est dirigée vers le point de rencontre des deux blocs, au moyen de guides fixés à la presse, et maintenue au point exact où les ciseaux se referment ; la fente se dessinera nettement depuis la pointe jusqu’au trou central ; une fois la lame d’acier relevée, la fente se referme, et il est difficile de la voir à l’œil nu. Pour donner une idée de l’adresse à laquelle parviennent les fendeurs de plumes, je citerai le fait qu’ils peuvent faire dans la même plume jusqu’à 6 fentes convergeant à la pointe, ce qui donne une plume possédant 7 becs fonctionnant tous d’accord. Les plumes à 3 becs se trouvent dans le commerce. La fente doit donner des becs ayant rigoureusement la même largeur à la base. La dernière opération est le « vernissage » ; les plumes peuvent être recouvertes d’un enduit tel que vernis, dorure, bronzage, bleuissage, etc. Ces diverses colorations, obtenues par oxydation ou par la galvanoplastie, sont destinées non seulement à les préserver de la rouille due à l’humidité, mais encore de l’oxydation causée par les encres acides. Avant d’être achevée, la petite plumé est passée par 20 mains différentes.. donnant ainsi un exemple frappant de division du travail ; sa fabrication n’exige que des doigts très souples. Je n’insisterai pas sur le « triage », qui fait rejeter toutes les plumes défectueuses, ni sur l’« empaquetage », pour lequel les fabricants rivalisent de goût et d’ingéniosité pour présenter leurs produits sous la forme la plus séduisante à l’œil, surtout pour les échantillons. Les tableaux composés avec des plumes aux devantures de certaines grandes maisons sont de véritables œuvres d’art.
Les prix varient avec les diverses qualités ; on arrive à livrer des plumes communes à 0,22fr la grosse ; ce chiffre peut être mis en regard du prix de 5 shillings pièce payé pour les premières plumes Perry, et la même grosse de plumes qui se vendait 165 francs il y a 50 ans se trouve aujourd’hui couramment pour 0,60fr. Le prix de vente moyen est de 0,70fr la grosse. 100kg de plumes finies donnent environ 1741 grosses, ce qui fournit un poids moyen de 57,4g pour une grosse finie. Le déchet de fabrication est d’environ 34 % ; soit à peu près le tiers.
La fabrication des plumes du monde entier exigeant 3000 tonnes d’acier, on voit que les 5000 tonnes de la tour Eiffel seraient absorbées en moins de deux ans si on voulait la convertir en plumes métalliques.
Plumes en or. - Avant de parler des diverses formes et dimensions des plumes d’acier, je dois dire un mot des plumes en or, employées en Amérique, et dont la fabrication s’est beaucoup développée dans ces derniers temps [2].
Malgré leur prix élevé, les plumes en or sont très estimées de l’autre côté de l’Atlantique, parce qu’elles sont inusables ; en cas d’accident, on fait réparer sa plume chez le premier bijoutier venu. Elles se composent d’or fortement allié d’argent ou de cuivre que l’on fond en lingot de 0,30m de long sur 0,65m de large et 0,05m d’épaisseur. Chauffé au rouge cerise, ce lingot est plongé dans de l’eau acidulée d’acide sulfurique, puis laminé à l’épaisseur plus forte que celle de la plume. Comme pour les plumes d’acier, la plaque est découpée en flans. Le point intéressant est le soudage de la pointe en iridium, fabriqué en petits grains ; l’iridium ne s’émousse pas et fournit des pointes meilleures que le platine. Au bout de la plume, on fait une petite encoche à la meule ; on y met le grain d’iridium, on mouille avec une dissolution de borax et l’on soude au chalumeau. Puis on lamine à diverses reprises (passes) ; la pointe échappe à l’écrasement ; la fente est faite avec un disque en cuivre très mince garni d’émeri, qui ne fait qu’amorcer cette fente ; on la termine avec une lame d’acier. Une scie d’une finesse extraordinaire fait une incision à angle droit ; on polit à l’émeri, puis on enlève à la fraise les bavures de la fente. On diminue légèrement le poli sur une meule, pour que la plume puisse mieux retenir l’encre. Les déchets (10%) se retrouvent dans les balayures et les eaux de lavage de l’atelier. Notre dessin (fig. 4 n°1), montre une plume d’or vissée au bout de son porte-plume.
Outre la concurrence faite par les plumes en or aux plumes d’acier (et ces dernières seront toujours employées de préférence à cause de leur bon marché), il faut citer celle des « machines à écrire », des « stylographes » et « plumes stylographiques », des « crayons » sous toutes leurs formes ; malgré tout, la production de la plume d’acier augmente d’année en année, et son exportation se développe surtout dans les pays d’Orient. Chose curieuse, en effet, les musulmans ont accepté avec empressement la plume métallique, sans jamais avoir voulu se servir de la plume d’oie, laquelle ayant appartenu à une créature, leur est interdite par le Coran.
II
Formes et dimensions. - Vingt modèles, tout au plus devraient suffire pour tracer les diverses variétés d’écriture existantes ; d’où vient donc que les modèles se comptent par milliers ? Il me serait difficile de répondre à cette question ; dans cette branche d’industrie, la mode et la fantaisie se donnent libre cours, comme dans beaucoup d’autres, et l’écolier auquel vous offrez une plume neuve se préoccupe beaucoup plus de regarder si la forme en est nouvelle ou originale que si elle est bonne et s’adapte bien à son écriture. Voici d’abord l’un des premiers modèles fabriqués, celui en forme de « cylindre », de Perry (n°1 du dessin). Les dimensions en étaient assez fortes. Celui-ci mesure 0,08m de longueur sur 8 millimètres de diamètre. On enfonçait, comme nous l’avons vu plus haut, un manche en bois dans la portion cylindrique. Sans être une plume géante, la « Mastodonte » mesure 0,06m de longueur ; c’est un modèle de forme bien connue (n°2). Voici maintenant des formes spécialement appropriées à la destination de la plume : la « vaccinostyle » (n°3) ne sert pas à l’écriture, mais à la vaccine ; c’est une véritable lancette permettant, grâce à son bon marché, de la jeter après usage, afin d’éviter la transmission de maladies de personne à personne. Elle a été crée pour les vaccinations dans les grandes agglomérations, usines, casernes, etc. Ce même instrument est employé par les amateurs photographes, sous le nom de « stedick », pour le découpage des épreuves sur papier, qui se fait parfaitement avec l’un ou l’autre des bords tranchants. Au lieu d’écrire, la « plume-grattoir » efface (n°4) ; la « météore » (n°5) porte une pointe arrondie destinée à écrire la bâtarde ; les « plumes de ronde » (n° 6 et 7) ont leurs pointes largement coupées et leurs becs, terminés par une partie droite plus ou moins large, servent à écrire la ronde exactement comme la plume d’oie. Le débutant ayant beaucoup de peine à faire porter sur le papier les deux becs de la plume d’une façon égale, on a imaginé des plumes dont le canon était désaxé, c’est-à-dire que la gouttière entrant dans la monture du porte-plume fait un angle avec la fente des becs. Dans ce genre, il existe des quantités de modèles, par exemple les plumes « zigzag » (n°8) et « Éclipse » (n°9) ; on voit que la pointe suit la pente de l’écriture. Ce système a eu un certain succès, et est employé dans les bureaux. Certaines plumes ont leurs becs tordus ; la fente est une ligne courbe, et l’aspect en est bizarre (n°10 et 11). Dans la plume « diabolique » (n°12), le canon ou gouttière est inversé, c’est-à-dire que le porte-plume devra être tenu à l’envers ; il est difficile de deviner pourquoi. Le n°13, dont la pointe est coupée obliquement, est destiné à l’ « écriture arabe ». L’écrivain la place contre un morceau de bois rond, et tient ensemble ce manche et la plume. Le modèle n°14 est celui d’une plume à 2 fentes et à « 3 pointes », recherché comme plus élastique par quelques amateurs. Voici une forme originale : « la siamoise » (n°15), portant deux pointes tête-bêche ; on emploie la seconde quand la première est usée ; ce modèle est peu pratique. La plume n°16 peut être dure ou molle à volonté, grâce à un « curseur » glissant qui règle la longueur de la fente, Le n°17 est la plume en « bronze d’aluminium » que nous voyons aux mains des petits marchands des rues ; ils tordent les becs, les enfoncent dans du bois, puis les redressant d’un coup de pouce, ils exécutent, aux yeux des badauds ébahis, les plus beaux spécimens de calligraphie. Dans la plume « Centric » (n°18), le canon n’est plus cylindrique mais complètement plat ; la plume s ’enfonce dans la fente rectiligne d’un porte-plume spécial ; l’inventeur a voulu la placer dans l’axe même de ce porteplume ; ce modèle est assez peu répandu, ne pouvant aller à tous les porte-plume. On a souvent reproché aux becs de la plume métallique de cracher si l’on écrit vite, de ne pas glisser assez rapidement sur le papier et de fatiguer la main. Aussi a-t-on cherché à supprimer ces inconvénients au moyen de plumes portant, à l’extrémité de la pointe, une demi-sphère concave, de très petit diamètre ; ces plumes, dites « pointe à balle », ont eu un assez grand succès : le n" 19 est le modèle « Eureka ». Voici maintenant la plume « tire-lignes » (n°20) à deux pointes, l’une fine, l’autre grosse ; elle sert aux topographes pour le tracé des chemins et ruisseaux sur les cartes ; on l’emploie aussi pour les titres en écriture ornée. La plume à pointe quadruple sert aux « comptables » pour tracer les colonnes de leurs livres (n°21) ; on a fait, dans ce genre, des plumes à 5 pointes équidistantes pour le tracé des portées de la « musique ». L’« appareil oblique », imaginé en Allemagne, a pour but d’incliner les becs d’une plume ordinaire selon la pente de l’écriture ; c’est, comme on le voit, une pièce intermédiaire que l’on place au bout d’un porte-plume ordinaire. Enfin, terminons celle nomenclature des plumes-types par les deux « plumes à dessin » (n°25 et 24), rune à canon cylindrique, l’autre de la forme des plumes ordinaires ; ces dernières, en acier extra-fin, sont d’un prix assez élevé. Leur fabrication exige des soins tout spéciaux.
Afin d’éviter d’avoir à reprendre de l’encre à chaque instant, certains inventeurs ont augmenté la capillarité de la plume, en y adjoignant des surfaces courbes extérieures ou intérieures, ou tout simplement des fils métalliques destinés à retenir une plus grande quantité d’encre. Le tableau ci-joint représente 9 modèles de plumes-réservoirs ; aujourd’hui, c’est surtout le porte-plume que l’on aménage de manière à lui faire contenir la plus grande provision d’encre possible.
On a aussi imaginé la « plume du voyageur », garnie de poudre d’aniline noire ou rouge ; il suffit de la tremper dans l’eau pour pouvoir écrire. Viennent maintenant les modèles se distinguant soit par leurs formes curieuses ou artistiques, soit par les portraits de souverains ou personnages célèbres qui les transforment en médailles, soit par des allusions à une invention telle que celle des ballons ; les plumes « au ballon », ont fait fureur, de même que les plumes « Tour Eiffel ». Je ne puis insister sur toutes les variétés de formes, dont nous voyons tous les jours surgir de nouvelles ; quant aux dimensions, elles varient également dans des limites presque invraisemblables ; j’ai pu réunir les deux modèles que je crois les extrêmes, la plus grande et la plus petite plume du monde ; la première, la plume « Porthos », mesure 82 millimètres de longueur sur 15 millimètres de large ; la minuscule « baby » qui a exactement 15 millimètres de longueur et la réduction à 10 millimètres du modèle de plume-lance (n° 8 et 9) constituent de véritables curiosités de celte intéressante industrie. Enfin, on a pu voir, à une exposition anglaise, un porte-plume et 12 plumes contenus dans une noisette.