Dans la partie nord-ouest du comté de York (Angleterre), les formations de calcaire carbonifère qui ont pour centre la montagne d’lngleborough (altitude 724 mètres), sont percées de cavernes et surtout d’innombrables puits, naturels, appelés Pot-Holes ou Swallow-Holes (avaleurs) [1] .
La principale caverne est celle de Glapham ou d’Ingleborough. Il y a près de soixante ans que son exploration est complètement achevée ; et, dès 1849, M . Farrer en a donné le plan très exact [2]. Elle s’ouvre au sud d’Ingleborough-Hill à 2kilomètres nord du joli bourg de Clapham, dans l’immense et pittoresque domaine de M. J. Farrer (Inglehorough Hall), qui en laisse gracieusement le libre accès aux visiteurs. Le guide, M. Harrison ; est fort aimable et intelligent.
La grotte a deux ouvertures ; l’une, la plus basse, à 825 pieds (252 mètres) d’altitude, laisse passer une puissante source qui forme immédiatement le Clapham-Beck ; on la nomme Beck-Head (tête du ruisseau) ; et il est impossible d’y pénétrer au delà de quelques pas, la roche arrivant à fleur d’eau : c’est un joint élargi entre deux strates. A 30 mètres à gauche, et 7 mètres plus haut (altitude 850 pieds ou 259 mètres), la deuxième ouverture, porche surbaissé large de 17 mètres et haut de 5, est la véritable entrée de la grotte. De tous temps on avait pénétré à 70 mètres dans l’intérieur (ancienne caverne). En 1857, un jardinier de M. Farrer, nommé Harrison, rompit une barrière de stalagmite et l’on put alors, en deux ans de recherches effectuées par MM. James Farrer, Matthew Farrer et lord Eldon, pousser à travers une galerie ayant le plan général d’un demi-cercle, jusqu’à 702 yards (642 mètres) de l’entrée.
Là, on entendit le bruit d’un torrent. M. James Farrer, l’oncle du propriétaire actuel, atteignit même une nappe d’eau qu’il explora à la nage, une bougie au chapeau et une corde autour des reins, mais il ne put avancer loin ; ultérieurement M. J. Birkbeck ne réussit pas mieux.
Une série de fissures dirigées nord-ouest-sud-est recoupent la galerie principale et ont été nommées les « Arcades gothiques ». Ce sont des diaclases transversales, tantôt élargies en fuseaux, tantôt remontant assez haut, mais fort étroites, dans la voûte et faisant office de drains naturels.
M. Phillips s’est très bien rendu compte que le courant d’eau a jadis passé par la galerie principale (qu’il avait forée aux dépens des strates horizontales et de leurs joints), et que les diaclases verticales ont laissé filtrer l’eau qui a déposé les concrétions. Celles-ci sont fort abondantes et assez jolies ; elles peuvent rivaliser par places avec lès stalactites de Mitchelstown en Irlande, mais nullement avec celles des grandes grottes du continent. La section de la caverne est de moyenne dimension ; nulle part la voûte ne s’abaisse à moins de 1,25m du sol : en un point seulement on a dû se servir de la mine ; mais sa plus grande élévation n’atteint que18 mètres dans la dernière chambre, appelée Giant’s-Hall (la salle du Géant, de 10 mètres de diamètre à peine).
A Ingleborough, lors des grands orages, les eaux, remplissant toutes les crevasses de la montagne s’en échappent parles-moindres fissures de sa base : alors, naturellement, un torrent furieux bondit, non seulement hors de Beck-Head, mais encore par l’ouverture supérieure de la grotte, qui, après avoir été l’issue primitive, joue encore le rôle de trop-plein, comme à la Rjka, la Bonnette, etc, M. le professeur Hughes a pu assister, en juillet 1872, à un spectacle de ce genre qu’il a fort bien décrit, en expliquant quelle influence de pareilles masses liquides, à plusieurs atmosphères de pression sous terre, pouvaient exercer sur l’élargissement des cavernes et la destruction de leurs parois les moins résistantes. Il a vu des quantités de sable et de galets énormes expulsées de la bouche de la grotte, avec de gros fragments de stalactites arrachés par le cataclysme.
A l’extrémité de la dernière arche gothique, qui donnait accès au Giant’s-Hall aujourd’hui bouché depuis 1872, j’ai reconnu (le 51 juillet 1895) l’existence, non pas d’un seul, mais de trois passages aboutissant à l’eau courante : ce sont les trois conduites, fort rapprochées l’une de l’autre, par lesquelles les orages font monter le torrent souterrain, tout chargé de sable et de galets. Tous ces passages descendent assez rapidement, on ne peut les suivre qu’en rampant péniblement, et le niveau de l’eau, très élevé le jour de ma visite, m’a empêché de renouveler les anciennes investigations de MM. Farrer et Birkbeck ; la strate rocheuse du plafond mouillait presque complètement, ne me laissant plus la place nécessaire à la tête ; la circulation doit s’opérer entre des joints peu ouverts, en amont comme en aval, et je suis porté à croire que toute pénétration ultérieure est, la plupart du temps, impossible dans l’un et l’autre sens : une dernière expérience, après une longue sécheresse, sera cependant nécessaire pour trancher la question.
Tout au moins, il est bien prouvé que le ruisseau souterrain contemporain est contigu à trois différents points de son ancien parcours : au fond, au milieu (Ladie’s-Cushion) et à l’entrée (Beck-Head).
En sortant d’Ingleborougb-Cave, il faut, au lieu de redescendre à Clapham, traverser la source de Beck-Head, remonter le vallon à sec du bois de Clapdale et gagner la ravine de Trow-Gill ; c’est un défilé rocheux des plus pittoresques, qui ferait très bonne figure parmi les créneaux du Causse Méjean ou des Alpes Dolomitiques ; il fut assurément le lit aujourd’hui desséché d’un ancien ruisseau aérien ; en haut même de la ravine, son thalweg subsiste, creusé dans le plateau tourbeux (Clapham-Bottoms), où se voient encore plusieurs entonnoirs d’effondrement encombrés de rochers et de buissons, à travers lesquels les pluies seules peuvent passer (Bar-Pot-Hole, etc.). Après 2 kilomètres de parcours et 150 mètres d’ascension seulement, on arrive au plus grand de tous ces entonnoirs, le Gaping-Ghyll (la vallée qui bâille), à 410 mètres environ d’altitude. Celui-ci n’est pas bouché ; il est régulier, profond de10 mètres, et ouvert du côté du nord par une tranchée naturelle, où un ruisseau tombe de strate en strate, comme sur les marches d’un cyclopéen escalier : c’est le Fell-Beck qui, recueillant les eaux d’environ 250 hectares de tourbières sur le flanc sud-est d’Ingleborough-Hill (où la carte indique une vingtaine de sources), s’engloutit actuellement tout entier dans Gaping-Ghyll ; il est évident que jadis il dépassait l’obstacle [3], soit que ce dernier ne fût pas encore ouvert, soit que l’eau du ruisseau fût suffisamment abondante pour couler librement au deehors, à travers la gorge de Trow-Gill ; reproduction exacte, aux détails près, de ce qui a pu se produire aux goules du Réveillon, de Roque de Corn, etc [4].
Toujours est-il que maintenant, au fond de l’entonnoir, à 400 mètres d’altitude environ, un trou de 8 à 10 mètres sur 4 à 5 mètres [5] : baille, bien digne de son nom, noir et vertical comme le plus parfait abîme des Causses ; très dangereux d’accès, car aucune muraille ne l’entoure et l’entonnoir est plein d’herbe rendue glissante par la vapeur d’eau, il avale d’un trait le Fell-Beck, brusquement brisé en une mystérieuse et fumante cascade souterraine. Ce ne peut être que lui qui va reparaître à Beck-Head (à 1647 mètres à vol d’oiseau, après s’être laissé entrevoir au pied de Giant’s-Hall (à 1220 mètres de distance).
Un sondage difficile montra à M. Hughes que la profondeur totale était de 360 pieds (110 mètres) en dessous du plateau de tourbe [6].
Cette mesure est exacte et le sondage remarquablement précis, comme ou le verra tout à l’heure.
Il y a une quarantaine d’années, M. J. Birkbeck, membre de l’Alpine Club, avait tenté la descente de Gaping-Ghyll : le volume de l’eau, la rupture d’un toron de sa corde ; coupé par une roche, le mirent en sérieux danger et le forcèrent à s’arrêter sur une corniche, à moins de 200 pieds de profondeur. A 80 pieds au-dessous du sol, il avait été pris en écharpe par un affluent souterrain jaillissant d’une fissure latérale (Phillips, Yorkshire, p. 34).
Le 1er août 1895, j’ai réussi à atteindre le fond du gouffre, qui, d’après mon sondage, exactement conforme à celui de M. Hughes, a bien 110 mètres de profondeur depuis le plateau de tourbe, et 100 mètres depuis le bas de l’entonnoir. J’ai dû ce succès à mes échelles de cordes et à, mou téléphone, et surtout à l’obligeance de M. J. Farrer, le propriétaire d’Ingleborough-Hall. Pendant trois jours, ce dernier avait eu l’extrême amabilité de faire creuser une tranchée d’un mile (1609 m.) pour détourner la plus grosse partie du Fell-Beck, à mon intention, afin de me faciliter l’entreprise. Sans cet inespéré concours, elle eût été impossible à cause des pluies du mois de juillet le ruisseau était considérablement gonflé ; il y avait eu des inondations dans toute la contrée ; et le 1er août même, le travail de détournement n’était pas parvenu à écarter du gouffre la totalité du courant. Néanmoins ce qui restait n’était plus que pénible et gênant, et ne présentait d’autre réel danger que celui de la chute des pierres.
J’avoue cependant que cette descente de 100 mètres, durant vingt-trois minutes, sous une douche d’un débit égal à une petite cascade, fut réellement fort désagréable (fig. 1). Aucun vêtement imperméable ne pouvait me garantir de la complète pénétration de l’eau ; elle cinglait durement même dans le dernier tiers du parcours. Le plus incommode pour moi fut l’imbibition de mon appareil téléphonique, dont le fonctionnement se trouva ainsi quelque peu compromis : mes ordres pour les manœuvres parvenaient bien à la surface, mais je ne percevais pas les réponses dans mon récepteur plein d’eau. Je tiens à signaler que, en l’absence de toute personne habituée à mes procédés de descente, c’est ma femme qui, postée au bord du vertigineux gouffre, dut se charger de correspondre avec moi par le téléphone pendant l’expédition. Enfin tout se passa sans accident, sinon sans incidents ; le câble téléphonique, pris dans une fissure d, roche, rompit tandis que j’opérais l’ascension de retour (qui dura vingt-huit minutes), mais j’étais déjà à moitié hauteur et à portée de la voix ; aucune des pierres détachées des saillies de roc par les mouvements des cordes ne m’atteignit : à deux reprises, un nœud malencontreux, arrêtant le halage, me laissa plusieurs minutes immobile sur l’échelle au plus fort de la froide douche, etc. Je ne veux pas m’attarder ici aux détails de cette curieuse et émouvante excursion . Sans la cascade et avec mes compagnons habituels, elle eût été d’une facilité exemplaire : sauf pendant les trente derniers mètres, l’échelle appuie assez commodément sur la paroi ; de plus, on voit clair jusqu’au fond, circonstance indispensable d’ailleurs, parce que je ne sais trop quel luminaire pourrait résister au choc des colonnes d’eau et d’air qui tourbillonnent dans le gouffre.
Gaping-Ghyll est un abîme d’érosion, une diaclase élargie par l’eau (fig. 2), comme la plupart des grands avens des Causses : à la différence de ceux-ci, il n’est pas achevé, pas hors de service. Il fonctionne toujours en tant que puits d’absorption ; et c’est le meilleur des arguments pour la théorie de la formation des puits d’érosion de haut en bas (voy. les Abîmes, p. 6 et 517) ; à ce point de vue d’ailleurs, il a beaucoup d’émules aux alentours.
La fissure d’où M. Birkbeck avait vu jaillir un affluent, à 80 pieds de profondeur, est tout simplement le débouché d’un puits latéral secondaire, que M. le professeur Hughes avait reconnu en 1872 à quelques mètres en amont du trou principal. Grâce au travail ordonné par M. Farrer, cet affluent ne coulait pas le jour de ma descente et ne m’a pas entravé comme M. Birkbeck.
La corniche sur laquelle ce dernier s’est arrêté se trouve à 55 mètres environ de profondeur ; c’est plutôt une terrasse (ce que nous appelons un redan, dans nos gouffres de France) longue de 4 mètres et large de 2. Les coupes ci-jointes (fig. 3) servent à montrer quel intérêt elle présente pour l’histoire du gouffre : là, en effet, se trouve la plus grande largeur, parce que, sur ce point, se concentrent les efforts mécaniques tant de la chute d’eau principale que de l’affluent dérivé par la fissure de M. Hughes ; or il est bien curieux de remarquer que, l’affluent ne coulant pas toujours et étant sans doute moins abondant que l’autre gros bras, n’a pas jusqu’à présent terminé l’approfondissement de la partie du puits qu’il vient frapper : le rétrécissement du gouffre, en dessous de la terrasse, provient de ce que, par suite de la courbe des deux chutes d’eau, la plus forte ne tombe pas (si ce n’est lors des crues) en temps ordinaire sur la terrasse : j’ai pu en effet y prendre pied et m’y mettre à l’abri de la cascade ; c’est la seconde chute, assurément intermittente, qui a contribué surtout, par son obliquité, à évider ainsi la portion médiane du gouffre ; mais il lui reste encore à peu près 15 mètres d’épaisseur de strates rocheuses à emporter, pour que la terrasse ait disparu, et pour que le puits soit régulièrement conique jusqu’à la grande salle qui le termine.
Car, à 70 mètres sous l’orifice du gouffre, l’échelle cessait subitement de s’appuyer sur la paroi rocheuse, et oscillait à la fois dans l’eau de la cascade et le vide d’une immense caverne. Après 30 mètres de cette descente pendulaire toujours si ennuyeuse, et ici particulièrement pénible sous la chute accélérée du ruisseau, je prenais pied sur un sol uni, formé de sable noir et de galets ronds, semblables à ceux d’Ingleborough-Cave.
Comme le montre le plan (fig. 3), Gaping-Ghyll aboutit donc à une grandiose nef, longue de 150 mètres, large de 20 à 35, haute de 25 à 30. Elle pourrait contenir une cathédrale dont on logerait la flèche dans le gouffre même. Celui-ci n’est autre que la cheminée d’une colossale chaudière où tous les rôles sont renversés : la cheminée conduit l’eau froide au récipient, au lieu d’en tirer de la vapeur brûlante.
Il n’y a pas une seule concrétion sous le dôme géant, et il ne peut y en avoir, puisqu’il doit être souvent plein d’eau ; cependant trois choses y sont admirables et m’ont laissé une impression aussi vive que les profondeurs de Rabanel et de Jean Nouveau : premièrement l’horizontalité presque absolue de la voûte et surtout du sol, cette plate plage souterraine de sable et de galets, de 4000 mètres carrés de surface, où l’imagination populaire, en des poétiques temps passés, n’aurait pas manqué de placer un palais de Niebelungen ; certes il existe quelques vides caverneux de plus grandes dimensions (Adelsberg, Han-sur-Lesse, Dargilan, Gradisnica, Mammoth-Cave), mais aucun, je crois, n’offre semblable régularité ; tous ont un plancher plus ou moins bouleversé, tandis que celui de Gaping-Ghyll semble tout prêt pour quelque valse de sabbat. Deuxièmement, l’harmonieux murmure et la légèreté transparente du voile d’eau qui tombe de là-haut, gracieux comme ces cascatelles des Alpes qu’une brise éparpille sur les roches en poudre de diamant ; ici, nul souffle ne rompt la mathématique descente ; l’ovale colonne liquide semble une stalagmite mouvante, trop rapidement formée pour se figer. Troisièmement, la faible lueur du jour qui filtre dans l’eau, indiciblement décomposée par les millions de prismes de ses gouttelettes, ne rappelant rien des lumières que connaissent les yeux humains, et achevant de donner à l’antre l’émotionnante attraction du « jamais vu ». C’est une des plus extraordinaires scènes souterraines qu’il m’ait été donné de contempler.
A 20 mètres de distance du pied de la cascade, on cesse de voir clair d’ailleurs : et c’est à l’aide de nombreuses bougies disposées tout autour de la salle, que j’ai dû en lever, fort sommairement, le plan, en une heure un quart seulement.
Il est constant que l’action de l’eau a, tant par corrosion que par érosion, excavé la grotte ; la fissuration, la multiplicité et l’horizontalité des strates du calcaire carbonifère ont singulièrement facilité son travail.
Mais je ne saurais dire si cette grande caverne est simplement une expansion du gouffre qui la surmonte, ou si elle représente une portion agrandie d’une ancienne rivière souterraine, passant justement sous l’abîme.
En effet, à chaque extrémité, un talus d’éboulis à pente raide ferme la salle ; éboulis détachés des voûtes, en gros fragments anguleux, non roulés ni arrondis par l’eau, ce qui prouve qu’ils sont d’âge relativement récent ; décollements des strates de la voûte, ils barrent entièrement le passage : il faudrait les déblayer pour chercher les prolongements de l’antre ; étant descendu tout seul, je n’ai pu songer à entreprendre ce travail. Mais, en gravissant celui du sud-est, qui est dans la direction d’Ingleborough-Cave, j’ai nettement entendu à travers les interstices de ses blocs le bruit d’un ruisseau. C’est bien certainement de ce côté que s’effectue l’échappement des eaux de crue ; au pied du talus sud-est, j’ai trouvé un couvercle de boîte de conserves en. étain, tombé d’en haut et assez léger pour avoir été entraîné par les courants jusqu’au talus. Aucun autre objet, ni ossements, ni bois morts, n’étaient visibles ; les graviers et cailloux du FeIl-Beck ensevelissent tout.
Selon la prédiction qu’en avait faite M. Hughes (On Caves), l’eau du torrent aérien n’a point ici d’issue praticable à l’homme ; elle filtre en plusieurs endroits à travers les sables et galets du fond ; les canaux qui la conduisent vers Giant’s-Hall ne pourront être découverts que si l’on désobstrue l’extrémité du sud-est.
A l’angle nord-ouest également, il y a une petite galerie assez haute, large de 1 mètre, longue de 10, qui conduirait peut-être à d’autres couloirs ou salles, si on en retirait le sable qui la bouche.
Quelle peut être l’épaisseur du dépôt alluvial ? Quels débris animaux renferme-t-il ? A quelle profondeur gît le sol originaire de la grotte recouvert par ces graviers ? Voilà ce qu’un trou de sondage seul pourra apprendre.
Je puis dire seulement que, le 1e août 1895, l’altitude de ces graviers était de 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, soit 48 mètres plus haut que la source de Beck-Head, — que l’eau de la chute, avant de s’infiltrer, marquait 12°C., —et que l’humidité de la caverne était considérable.
La différence de niveau jusqu’à la rivière qui coule derrière Giant’s-Hall, doit être de 40 mètres environ ; pour 1220 mètres à vol d’oiseau, cela donne 5,28 pour 100 de pente. Or, la grotte si tourmentée de Saint-Marcel d’Ardèche (voy. les Abîmes, p. 70 et 79) n’a que 4 pour 100 de pente. Il est donc probable que, du fond de Gaping-Ghyll à Giant’s-Hall, il existe, au moins par places, de vraies chutes d’eau et des accidents importants. Seraient- ils accessibles une fois les talus éventrés, ou bien se trouveraient-ils défendus contre la curiosité de l’homme par des siphons ou des passages trop bas comme ceux de Giant’s-Hall, c’est ce que les futures explorations nous diront.
Car, à deux reprises déjà depuis ma descente, MM. Calvert, Booth, Gray, Green, etc., de Leeds, ont essayé de la renouveler ; chaque fois le mauvais temps et l’abondance de l’eau les ont arrêtés comme M. Birkbeck. M. Calvert n’a pu atteindre que 230 pieds.
Il est à souhaiter qu’ils ne se laissent pas décourager par ces insuccès ; Gaping-Ghyll, on l’a vu par tout ce qui précède, est un gouffre du plus haut intérêt ; et il ne faut peut-être pas désespérer d’établir un jour sa communication directe avec Ingleborough-Cave.
E.-A. MARTEL.