La bibliographie médicale

J.-S. Billings, Revue Scientifique de la France et de l’étranger — 13 mai 1882
Samedi 20 juin 2020

CONGRÈS MÉDICAL INTERNATIONAL DE LONDRES

Lorsque je fus surpris par l’honneur d’être invité à prononcer une Address au congrès, ma première pensée fut de le décliner, pour la simple, mais suffisante raison que je n’avais rien à dire qui fût digne d’occuper le temps d’une assemblée telle que la vôtre. Mais en réfléchissant au sujet, en regardant distraitement des rayons couverts de catalogues et une pile de nouveaux livres et journaux qui attendaient mon examen, il me vint à l’esprit que peut-être quelques faits relatifs à notre littérature médicale, passée et présente, considérée au point de vue du lecteur, du bibliothécaire et du bibliographe, plutôt qu’à celui de l’écrivain et du praticien, pourraient vous intéresser assez pour me hasarder à vous les présenter, et je me décidai à en faire l’essai.

Quand je dis « notre littérature médicale », je ne fais allusion à celle d’aucune contrée ou nation en particulier, mais à celle qui est la propriété commune des médecins instruits du monde entier, dont je vois ici les représentants, à la littérature qui forme le lien intra et international de la profession médicale de tous les pays civilisés. C’est grâce à elle que nous tous, qui sommes venus de l’extrême Orient et de l’extrême Occident, nous nous rencontrons ici, pour la première fois, non comme des étrangers, mais comme des amis, ayant des intérêts communs, et quoique de bien des nations différentes, un langage commun, et que nos pensées sont peut-être mieux connues les uns des autres que de certains de nos plus proches voisins.

On estime ordinairement qu’environ un tiers de toute la littérature du monde appartient à le médecine et aux sciences accessoires. Ceci correspond très bien aux résultats que donne l’examen de bibliographies et de catalogues des principales bibliothèques médicales. Il paraît, d’après cela, que notre littérature médicale compte actuellement un peu plus de 120000 volumes et environ un nombre double de brochures, et que ce chiffre s’accroît dans la proportion d’environ 1500 volumes et 2500 brochures par an.

Considérons dans ses détails le caractère de cet accroissement annuel, en donnant d’abord une idée du nombre de ceux qui le produisent.

Il existe actuellement, disséminés à la surface du globe, environ 180000 médecins dont on peut dire, par une libérale construction de la phrase, qu’ils sont Instruits, c’est-à-dire qu’ils ont un diplôme quelconque, et pour l’éducation desquels celle littérature médicale courante est mise au jour. De ce nombre, environ 11000 ont été les auteurs ou les collaborateurs de cette littérature. Ils se divisent comme il suit : États-Unis, 2800 ; France et ses colonies, 2600 ; empire d’Allemagne et Autriche-Hongrie, 2300 ; Grande-Bretagne et ses colonies, 2000 ; Italie, 600 ; Espagne, 300 ; divers autres, 1000 en bloc. Ces chiffres doivent être comparés avec ceux des médecins de chaque pays, mais je ne puis donner ceux-ci qu’approximativement : États-Unis, 65000 ; Grande-Bretagne et ses colonies, 35000 ; Allemagne et Autriche-Hongrie, 32 000 ; France et ses colonies, 26000 ; Italie, 1 0 000 ; Espagne, 5000 ; divers autres, 17 000.

Il semble, d’après ces chiffres, que le nombre des médecins écrivains est proportionnellement plus grand en France et plus petit aux États-Unis. Pour la France, ce fait est dü pour une large part à l’obligation de passer une thèse imprimée pour obtenir le diplôme, ce qui augmente chaque année de 600 à 700 le nombre des auteurs.

En laissant de côté la médecine populaire, la pharmacie et l’art du dentiste, que nous avons compris dans les chiffres figurant le produit annuel, nous trouvons que les ouvrages de médecine proprement dite font un peu plus de 1000 volumes et de 1600 brochures par an.

Pour 1879, la Bibliothèque de Rupprecht indique comme nombre total des livres médicaux nouveaux, non compris les mémoires, journaux et transactions (comptes rendus des sociétés savantes), celui de 419, divisé ainsi : France, 1877 ; Allemagne, 110 ; Angleterre, 43 ; Italie, 32 ; États-Unis, 21 ; les autres pays réunis, 26. Mais ces chiffres sont trop petits, en particulier pour la Grande-Bretagne et les États-Unis. L’Index medicus, pour la même année, montre que le nombre total des livres et brochures, non compris les journaux et les transactions, a été de 1643, ainsi divisés : France, 541 ; Allemagne, 364 ; États-Unis, 310 ; Grande-Bretagne, 182 ; autres pays réunis, 246. On ne compte pas les thèses inaugurales, dont 693 ont été publiées en France seulement.

Ce sont les journaux et les revues qui donnent un caractère spécial à la littérature de nos jours, et cela est particulièrement vrai pour la médecine. Nos publications périodiques contiennent les observations les plus récentes, les sujets les plus originaux ; ils sont l’expression la plus fidèle de la pensée du jour, des goûts et des désirs de la grande majorité de la profession médicale dont une grande partie, on le sail, ne lit guère autre chose. Les périodiques forment la moitié environ de la littérature médicale courante, et, pour l’année 18/9, ils s’élèvent à 655 volumes, dont les États-Unis ont produit 156, l’Allemagne 129, la France 122, l’Italie 65, l’Angleterre 54 et l’Espagne 24 ; je ne compte pas les journaux de pharmacie, d’art dentaire, etc., ni ceux qui sont consacrés aux différentes sectes médicales dissidentes. Dans le tableau que j’ai dressé [1], on voit que le nombre total des volumes, journaux et comptes rendus de toute espèce a été de 850 pour 1879 et de 864 pour 1880. Ces chiffres sont un peu faibles pour 1880, mais l’accroissement réel est minime. Pendant l’année 1879, le nombre total des articles originaux publiés dans les journaux et les bulletins des sociétés savantes, et qui ont paru dignes d’être mentionnés dans l’Index medicus, s’élève à un peu plus de 20000. De ces articles, 4781 ont paru dans les journaux américains, 4608 en France, 4027 en Allemagne, 3592 en Angleterre, 1210 en Italie, 703 en Espagne, dans tous les autres pays, 1248. Les chiffres pour 1880 sont à peu près les mêmes.

On voit donc que, pour le moment, la plus grande partie de ce genre de littérature se publie en anglais, et que le nombre des articles de journaux est le plus grand aux États-Unis. Toutefois, c’est en Allemagne que la masse de littérature est la plus grande, en raison de l’étendue généralement plus grande des articles. Quant au mode de publication, je dirai seulement que dans tous les pays, sauf l’Espagne, les périodiques sont en majorité mensuels, tandis qu’en Espagne ils sont semi-mensuels. C’est cette littérature périodique qui, plus que toute autre chose, rend la médecine cosmopolite, et quoique, pour ce qui regarde les nouvelles découvertes ou méthodes de traitement, il y ait encore un peu plus loin de Londres, Berlin, ou Paris à New-York que de New-York à chacune de ces villes, la distance diminue chaque jour.

Beaucoup de journaux de médecine ont la vie très courte, mais leur nombre total est en voie d’accroissement. En 1879, 23 ont cessé de vivre, mais 60 nouveaux ont vu le jour, et en 1880, il y a eu 24 morts et 78 naissances dans celle branche de la littérature. Les États-Unis entrent à eux seuls pour un tiers dans cette fluctuation, la France vient ensuite ; l’Espagne se trouve troisième et l’Italie quatrième ; la Grande-Bretagne est la plus stable de toutes.

Cette classification purement quantitative ne donne naturellement aucune idée de la nature des publications et n’en donne qu’une très petite de leur valeur. Considérons-les maintenant au point de vue des sujets traités.

En 1879, on publia 167 livres et brochures, et 1543 articles concernant l’anatomie, la physiologie et la pathologie, c’est-à-dire la partie biologique ou scientifique de la médecine. En les classant encore par nations, nous trouvons que l’Allemagne en a produit plus de la moitié, et que la France vient au second rang. La production proportionnelle de chaque nation, dans ce genre de littérature, ressort peut-être mieux de l’analyse de la bibliographie des travaux de physiologie pour l’année 1879, publiée par le Journal of physiology. Il mentionne 59 traités et 500 articles en Allemagne, 17 traités et 227 articles en France, 5 traités et 77 articles en Angleterre, 8 traités et 41 articles en Italie, et 2 traités et 4 articles aux États-Unis. Le nombre d’auteurs pour cette production fut : Allemands, 393 ; Français, 119 ; Anglais, 59 ; Italiens, 39 ; Américains, 19 ; autres ensemble, 41. Pour l’année 1880, le même journal signale 62 traités et 452 articles en Allemagne, 23 traités et 216 articles en France, 12 traités et 76 articles en Angleterre, 4 traités et 51 articles en Italie, 6 traités et 25 articles aux États-Unis, et 10 traités et 31 articles dans les autres pays [2].

Si nous considérons la littérature de l’art, ou du côté pratique de la profession, les chiffres sont nettement différents. Nous trouvons plus de 1200 traités et 18000 articles de journaux qui viennent se ranger dans celte catégorie, et l’ordre de préséance des pays, d’après la quantité, est le suivant : France, États-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne. Les tableaux que j’ai dressés portent les divisions plus loin et donnent, par nations, le nombre des ouvrages et des articles de journaux sur la pratique de la médecine, de la chirurgie, de l’obstétrique, de l’hygiène, etc., pour les années 1878 et 1879, et quelques-uns de ces chiffres sont intéressants.

La place que tient l’hygiène dans la littérature augmente depuis deux ans, surtout en Angleterre, en France, en Allemagne et aux États-Unis. La littérature des maladies du système nerveux, de l’ophtalmologie, de l’otologie, de la dermatologie et de la gynécologie s’accroît aussi plus rapidement que celle des branches plus générales.

Il serait sans doute bien peu scientifique de considérer ces chiffres comme représentant des faits positivement certains et comparables, dont l’exactitude et la classification pussent être vérifiées. Ils expriment tout uniment l’opinion d’un individu sur ces deux points : 1° si chaque traité ou brochure contenu dans cette statistique est digne d’être mentionné ; 2° comment il doit être classé. Si tout avait été indiqué, il faudrait, rien que pour les journaux, presque doubler ces chiffres ; tandis que, si le choix avait été fait par un critique plus sévère, ils pourraient être réduits de moitié.

Si je recommençais ce travail, je n’obtiendrais pas les mêmes résultats. L’erreur principale consiste dans ce que, pour les articles de journa ux, les chiffres sont trop élevés, car quelques-uns des travaux qui y sont compris ont si peu de valeur ou d’intérêt qu’ils ne seront pas lus, je le crains, par plus de deux personnes.

Quoi qu’il en soit, je pense que nous pouvons considérer ces chiffres comme indiquant certaines différences dans la direction que donnent à leurs travaux les auteurs médicaux des nations civilisées de la terre. Mais il faut les regarder seulement comme très approximatifs, et c’est le cas de l’appeler cet axiome de statistique « que les résultats obtenus d’après un grand nombre de faits sont applicables à une réunion de faits semblables, mais non à des cas particuliers ». Il y aura un certain nombre de livres et de journaux médicaux imprimés l’an prochain, tout comme il naîtra un certain nombre d’enfants — et comme dans certaines limites nous pouvons prédire le nombre de ces naissances, la proportion des sexes, ou même celle des monstres, — de même, dans certaines limites, nous pouvons prédire l’importance quantitative et le caractère de la littérature à venir, et les idées qui sont encore à naître. Les différences sont dues à la race, à l’organisation politique, à la densité de la population. Comme le docteur Chadwich l’a montré dans son exposé de la statistique obstétricale, la principale cause de la multiplication des sociétés est géographique. « En Angleterre, dit-il, ceux qui s’intéressent spécialement à la gynécologie et à l’obstétrique peuvent suivre les séances de la société obstétricale de Londres, tandis qu’en Amérique les distances sont si grandes qu’on ne peut se réunir. »

D’une façon générale nous pouvons dire qu’aujourd’hui l’Allemagne est à la tête de la médecine scientifique pour la quantité et la qualité des productions, et que la nouvelle génération des médecins apprend la physiologie allemande. Mais la semence s’est répandue partout, et partout le travail scientifique est de plus en plus apprécié.

Il y a sept ans, le professeur Huxley déclarait que si un étudiant montrait des aptitudes et de l’originalité dans la science qu’il étudiait, il n’osait pas lui conseiller d’adopter la carrière scientifique, car il ne pouvait lui assurer qu’il pourrait trouver dans les sciences biologiques assez de profit pour arriver à manger du pain et du fromage. Je crois qu’aujourd’hui une pareille crainte n’est plus guère justifiable, au moins en Amérique, où un homn :.e de ce genre trouverait certainement une place, si l’on admet, suivant la remarque du professeur, qu’il n’est pas impossible à un travailleur original de consacrer une partie modérée de son temps à enseigner dans un laboratoire ou dans une salle de conférence.

Dans ces dix dernières années, la littérature de la France, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis s’est beaucoup occupée de l’éducation médicale et des moyens de la développer. Dans tous ces pays on est plus ou moins mécontent de l’état de choses existant, quoiqu’on ne soit pas . d’accord sur le remède à y apporter. A la question de Salomon : « À quoi sert à un fou d’avoir en main la sagesse, s’il ne l’a pas dans le cœur ? » il est facile de répondre aujourd’hui, car un fou sait qu’il doit avoir l’apparence de la sagesse et un diplôme pour le prouver, s’il veut réussir dans la pratique de la médecine ; mais la difficulté consiste à donner au diplôme une valeur qui soit une garantie d’éducation. Le mécontentement qui se manifeste et celte tendance au changement sont de bons signes. En ces matières, lenteur signifie sommeil ou mort, et le fait qu’un courant change continuellement son lit prouve que son cours a lieu dans une fertile alluvion et non à travers une lave ou un granit stérile.

J’ai dit que pour ce qui regarde la médecine scientifique nous sommes en ce moment à l’école de l’Allemagne. Ce n’est pas cependant le cas pour la thérapeutique externe ou interne, et je présume’ que, sur ce point, les médecins de chaque nation ont lieu d’être satisfaits de leur propre prééminence. On peut considérer comme vrai, au moins pour le traitement des maladies communes, que c’est dans son pays, au milieu des malades qu’il est appelé à traiter, que le médecin acquerra la meilleure instruction thérapeutique. De même que chaque individu constitue un être spécial et unique, au point que l’arrangement des sillons et des papilles de l’index diffère de celui des autres doigts et suffit à l’identifier ; de même que les membres de certaines familles demandent des soins spéciaux pour être préservés d’hémorragie, de folie ou de phtisie ; ainsi en est-il des nations et des races. Ce fait est bien connu des médecins militaires et, aux États-Unis, qui sont aujourd’hui le grand terrain des mélanges ethniques, les particularités spéciales à chaque race sont familières à tous les praticiens.

Ce n’est pas à l’étude isolée de cette littérature médicale courante qu’on en peut juger la tendance et la vraie valeur. Elle n’est qu’un aspect de la pensée du siècle, de cet étonnant tableau qui se déroule devant nous comme à travers un kaléidoscope, et c’est dans ses rapports avec elle qu’il faut la juger. Il y a quelque temps, des avertissements et. des plaintes se sont échappés, de sources très autorisées, sur le caractère trop utilitaire que prenait la science. Le professeur du Bois-Reymond, par exemple, dans ses discours sur la civilisation et la science, dit que le côté de la science concernant les arts utiles prend chaque jour plus d’importance, chaque génération s’occupant de plus en plus de ses intérêts matériels. « Au milieu de l’inquiétude qui possède le monde civilisé, on dirait que l’esprit des hommes se concentre dans la main et dans la bouche, et si l’industrie reçoit son impulsion de la science, elle a en même temps une tendance à la détruire. En un mot, l’idéalisme succombe dans sa lutte avec le réalisme, et le règne des intérêts matériels s’approche. » Quittant ce terrain un peu pessimiste, il en vient à ce qui se passe particulièrement’ en Amérique, qui est la terre principale de l’utilitarisme, d’où est venu le terme d’ « américanisation » pour caractériser l’envahissement profond de la civilisalion européenne par le réalisme. Si cette qualification était correcte, il semblerait que l’Europe est assez américanisée pour ce qui regarde l’attention aux intérêts matériels et l’appréciation des résultats pratiques. Mais la vérité de ce tableau me paraît douteuse. La science devient populaire, même à la mode, et quelques-uns de ses prétendus adeptes rivalisent avec les faux dévôts du moderne esthéticisme par leur dédain et leur prévention contre les aspirations de l’intelligence et du sens commun. Il y a l’homme de science qui trouve mauvais style d’être pratique, qui ne prend d’intérêt qu’à la science pure, et se fait une règle de s’abstenir des recherches pouvant conduire à des résultats utiles pour ne pas être confondu avec les simples Il hommes pratiques Il ou les inventeurs : ce type existe et il a ses admirateurs. Nous en avons de pareils en médecine, et leur nombre s’accroît.

La séparation des études biologiques de la médecine pratique, qui, dans ces dernières années, est devenue tout à fait marquée dans la littérature, a ses avantages et ses inconvénients. Jusqu’ici les premiers ont dépassé de beaucoup les seconds, et c’est à cela que la science et l’art de la médecine doivent leurs progrès.

Mais les physiologistes, ou, comme ils aiment mieux être appelés, les biologistes, dans l’intérêt de leur propre science, ne se séparent-ils pas trop complètement de la médecine, en négligeant la pathologie ? Dans nos services d’hôpital, et parmi nos malades, la nature accomplit continuellement des expériences que l’opérateur le plus adroit ne pourrait reproduire dans un laboratoire ; elle est, comme dit le professeur Foster, « un vivisecteur sans trêve et sans relâche, et il n’y a pas de secret du corps vivant qu’elle n’ait ou qu’elle n’aura pas offert l’occasion de découvrir à un moment et à un endroit donnés dans la misère et la douleur ».

Mais, s’il est vrai que le professeur Foster, dans son discours lu, l’année passée, devant la British medical Association [3] — discours qui est l’exposition la plus claire que je connaisse des aspirations de la physiologie d’aujourd’hui insiste sur ce fait que toutes les distinctions entre la physiologie et la pathologie sont fictives et déclare que les tentatives faites pour les séparer ressemblent à celles qu’on ferait en divisant la météorologie en science de bon et science de mauvais temps — sa conclusion, que le pathologiste devrait être familier avec les méthodes d’investigation physiologique, ne me parait vraie qu’en partie. Elle suppose tacitement que tous les phénomènes de la maladie humaine, ou au moins les plus importants, peuvent être reproduits dans le laboratoire de physiologie. S’il en était ainsi, quel immense pas d’accompli pour arriver à faire de la médecine une science ! Malheureusement cela n’est pas. Beaucoup des plus intéressants de ces phénomènes, les plus intéressants parce qu’ils sont encore les plus inexplicables, ne peuvent être observés que sur l’homme malade lui-même. Les physiologistes n’ont pas encore mis en œuvre ce champ, qui doit particulièrement les intéresser : la pathologie comparée, bien que la littérature de nos jours indique qu’un changement s’est produit dans cette direction [4].

S’il est vrai que pour les gradués d’il y a trente ans, la majeure partie de la littérature physiologique de nos jours est écrite dans une langue inconnue, il n’est pas moins vrai aussi que le physiologiste d’aujourd’hui, qui se confine dans ses travaux de laboratoire, se trouvera distancé par celui qui fera marcher de pair ses études cliniques et pathologiques avec ses études expérimentales.

L’augmentation qui se produit dans la quantité et la qualité de la littérature de plusieurs spécialités médicales ressort clairement de la comparaison des catalogues et bibliographies récentes avec ceux des vingt ou trente dernières années, et cette augmentation se continue encore dans une proportion plus grande que pour les branches plus générales. Il y a de grandes différences d’opinion sur la valeur relative de cette augmentation et sur les effets qu’elle aura sur la profession, mais le fait n’est pas douteux. Il doit y avoir des spécialités et des spécialistes en médecine, et les résultats sont bons ou mauvais ; mais les mauvais viennent de ces spécialistes qui ont une éducation générale insuffisante, qui essayent de construire la pyramide de leurs connaissances sur une base trop étroite, Le docteur Hogden Il dit qu’« en médecine, un spécialiste devrait être un habile médecin et quelque chose de plus ; mais qu’il est souvent autre chose — et quelque chose de moins ». Il y a du vrai dans ces paroles, et le jeune homme fera bien de les méditer avant de commencer à spécialiser ses études. Mais, d’un autre côté, il est certain que la grande majorité des hommes doit limiter son champ de travail très nettement et très clairement s’il veut arriver au succès. Le couteau doit avoir un tranchant pour couper. C’est grâce aux travaux des spécialistes que la plupart des nouvelles voies ont été ouvertes à l’esprit et aux recherches, et, si le flot a paru quelquefois se répandre trop loin et se perdre dans les bas-fonds et les sables, il a cependant essayé de les fertiliser.

Les spécialistes ne font pas seulement que prendre les devants de la science, ils apportent aussi une puissante impulsion et une réelle assistance pour la réunion et la conservation de la littérature médicale, et la formation des grandes bibliothèques publiques.

Burton déclare qu’une grande bibliothèque ne peut être improvisée, quand même on aurait à sa disposition le budget national. Il pense que 20000 volumes sont à peu près la limite d’une collection mélangée qu’on peut réunir d’un seul coup, et il mentionne tout particulièrement la difficulté qu’on éprouve à créer de grandes bibliothèques publiques en Amérique. Mon expérience montrerait que ces données ne sont pas applicables aux livres de médecine. Dans ce genre, les In-folio et les in-quarto vieux de trois ou quatre cents ans semblent avoir présenté une grande résistance aux causes ordinaires de destruction. Peut-être cela tient-il beaucoup à ce qu’ils n’ont pas été souvent dérangés pour être lus ou parcourus. Eu réalité, ils deviennent de plus en plus rares ; mais en même temps, grâce aux bibliothèques convenablement organisées, ils deviennent plus accessibles à tous ceux qui désirent s’en servir réellement, et non pas les collectionner et les cacher pour eux seuls. Ils s’amoncellent comme des algues, mais les survivants trouvent peu il. peu des places sûres et fixes dans le cadre des grandes collections que le monde possède en ce moment. De nos jours, les courants du commerce les amènent en nombre relativement considérable aux États-Unis, où les collectionneurs et les spécialistes médicaux comptent parmi les meilleurs clients’ des libraires antiquaires de l’Europe. Je pourrais nommer une douzaine de médecins américains qui ont donné il. des agents européens des ordres presque illimités pour des livres relatifs à leurs propres spécialités, et sur les rayons desquels on pourrait trouver des livres des XVe et XVIe siècles, qu’on peut justement considérer comme « rarissimes ».

Ce n’est pas que les livres les plus rares soient toujours les plus vieux. Le collectionneur qui, pour orner sa bibliothèque, court après la Rose de Jean de Gaddesden ou le Lis de Bernard de Gordon, les premiers ouvrages in-folio d’Avicenne ou de Celse, ou même quelqu’un des huit cents incunables médicaux décrits par Hain, aura probablement dans ses recherches autant de succès que celui dont le cœur est épris des premières éditions de Harvey ou de Jenner, des traités américains sur l’inoculation contre la petite vérole ou encore des collections complètes de beaucoup de journaux et transactions de ce siècle.

Quelle que soit la nature des livres qu’il recherche, le bibliophile est, qu’il le veuille ou non, le principal auxiliaire des bibliothèques publiques. Dans la plupart des cas, ses trésors passent par la salle de vente, et, tôt ou tard, le bibliothécaire, qui n’a pas à se presser, les préservera d’un nouveau voyage. Grâce aux peines prises par les collectionneurs, on peut admettre, à mon avis — ce qui n’aurait pas été vrai il y a seulement vingt ans — que si toute la littérature médicale du monde venait à être aujourd’hui détruite, à l’exception de celle des États-Unis, presque tout ce qu’elle offre d’intéressant pourrait être reproduit sans difficulté.

Que va-t-il résulter de cette augmentation incessante dans la production des livres ? Que seront dans mille et même dans cent ans d’ici les bibliothèques, les catalogues et les bibliographies, si les choses continuent suivant la raison de la progression géométrique qui a gouverné la presse pendant ces quelques derniers lustres ? La formule mathématique qui servirait à l’exprimer, en prenant comme point de départ le siècle dernier, donne une conclusion absurde et impossible, car elle montre que, si nous continuons à aller de ce train, un temps viendra où nos bibliothèques seront de grandes villes et où il faudra, pour cataloguer et ranger la production annuelle, faire appel à tous ceux qui dans le monde ne seront pas occupés à écrire. En réalité, cependant, la raison de cette progression a changé, et le taux de cet accroissement diminue.

Dans l’Europe occidentale, qui est aujourd’hui le grand centre de la production littéraire, il paraît peu probable que le nombre des écrivains et des lecteurs augmente dans l’avenir, et c’est en Amérique ; en Russie et dans l’Asie méridionale que se rencontrera la plus grande différence entre la quantité annuelle de la production littéraire d’aujourd’hui et celle qui aura lieu dans un siècle d’ici.

On a souvent parlé des analogies qui existent entre le développement mental et physique d’un individu et celui d’une nation ou d’une société ; mais il est un point où l’analogie cesse, c’est celui qui concerne les productions de l’activité intellectuelle, et cela tient à ce que nous n’avons pas encore trouvé le moyen de donner issue aux scories.

La croissance et le développement dans le monde physique impliquent les changements de la mort aussi bien que de la vie : en même temps que les tissus vivants évoluent, les matières mortes et inutiles, qui ont eu leur jour et qui ont rempli leur but, sont excrétées et détruites. Mais littera scripta manent, Il y a une grande quantité de ces matériaux usés et sans valeur dans la littérature de la médecine, et elle augmente rapidement. Notre littérature est, en fait, comme l’héritage du boueur d’os, mais avec cette différence importante que, lorsque les enfants ont pris quelques coquilles ou quelques morceaux d’os du tas du boueur, ils les jettent derrière eux après les avoir bien regardés et s’en être amusés un certain temps, et n’ajoutent ainsi rien au tas ; tandis que nos faiseurs de compilations et de compendiums, grands ou petits, connus ou non, augmentent continuellement la collection, et la plupart du temps avec des matériaux qu’on a qualifiés de « superlativement médiocres, d’extrait quintessentiel de médiocrité ». Une grande bibliothèque médicale est en elle-même décourageante pour beaucoup de chercheurs, et je me suis familiarisé arec cette expression mêlée de surprise, de terreur et de désespoir qui apparaît sur le visage de celui qui, peu habitué à ces recherches, se trouve tout d’abord en présence de celte masse de matériaux qu’il désire consulter pour compléter ses connaissances bibliographiques, par exemple sur l’épilepsie, les excisions ou les fonctions du foie.

Que les chercheurs, et aussi ceux qui regrettent de ne pas avoir accès dans les grandes bibliothèques et qui pour ce motif sont obligés de se contenter des ouvrages ordinaires et des journaux de bibliographie courante, se consolent, en pensant que la plus grande partie de notre littérature ayant quelque valeur pratique appartient à ce siècle et se trouve dans les publications de ces vingt dernières années.

Il y a en effet peu de livres écrits avant 1800 que tout médecin instruit devrait — je ne dis pas seulement lire — mais encore connaître à fond, tels que quelques-uns des ouvrages d’Hippocrate et de Galien, de Harvey et de Hunter, de Morgagni et de Sydenham ; et encore est-ce plutôt pour étudier leur méthode et leur style que pour retenir leurs observations ou leurs théories, et beaucoup de médecins le feront avec plus de fruit dans les traductions modernes que dans les originaux. Il y a longtemps déjà que la part véritablement utile de l’œuvre de ces vieux maîtres a passé dans le stock commun, et la quintessence s’en trouve consignée dans tous les manuels.

Si dans ces in-folio poudreux il reste par hasard quelques parcelles d’or non glanées, il faut se rappeler qu’on a devant soi des champs entiers attendant encore le moissonneur. Il ne manque pas, il n’a jamais manqué d’hommes ayant le goût et le loisir de fouiller les archives du passé, et l’homme qui se livre à l’expérimentation et à l’observation gaspille son temps dans une certaine mesure, en essayant de faire un travail bibliographique aussi long qu’on peut le poursuivre. Désire-t-il savoir si un problème a été abordé déjà et avec quel résultat, s’il existe quelque relation sur des cas semblables à celui qu’il a sous les yeux ? Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, si la réponse à ces questions ne se trouve pas dans les manuels courants ou les monographies classiques, ce n’est pas la peine que le travailleur original se livre à de plus longues recherches. Et encore il ne saurait faire cette recherche que s’il était capable de diriger d’autres chercheurs ; aussi tout étudiant devrait-il avoir acquis quelque connaissance sur les méthodes de travail bibliographique.

Quand un médecin a observé ou cru observer un fait, ou bien qu’il a tiré de son propre fonds une théorie qu’il veut examiner à la lumière de la littérature médicale, il ne sait trop souvent par où commencer, même lorsqu’il a une grande bibliothèque à sa disposition.

Le renseignement qu’il désire peut être dans le volume qu’il a sous la main, mais comment le savoir ? Et même, ayant le catalogue par matières devant lui, il lui est difficile de s’en servir, surtout lorsque, comme c’est souvent le cas, il n’a pas une idée très juste de ce qu’il veut chercher. Sur la page de titre du Washington City Directory est inscrite la phrase suivante : « Pour trouver un nom, il faut savoir comment il s’épelle ». Cela s’applique d’une façon très étendue à la bibliographie médicale. Pour trouver des détails sur des cas semblables à un cas rare, il faut savoir ce qu’est votre propre cas.

Mais revenons au catalogue des matières. Si c’est un catalogue classé, un catalogue raisonné, il paraîtra souvent un guide aveugle à celui qui n’est pas familier avec la classification et la nomenclature adoptées par le compilateur. Et assurément quelques-unes de ces compilations sont très curieuses ; elles rappellent la division des idées de Heine, en idées raisonnables, idées non raisonnables et idées couvertes d’un cuir vert. Si néanmoins le chercheur a saisi l’arrangement du catalogue, il y a deux : chances contre une que cela ne lui servira à rien. C’est un catalogue des titres des livres ; mais très souvent le titre d’un livre donne très peu de renseignements sur son contenu, si même il ne contribue pas à vous égarer. Supposons maintenant que le cas particulier qui l’occupe soit celui d’un enfant nouveau-né, ayant une jambe beaucoup plus grosse et plus longue que l’autre. Il ne trouvera aucun titre se rapportant à cela. 11 y a peut-être dans la bibliothèque un livre sur les maladies des lymphatiques qui contient ce dont il a besoin ; mais, à moins de savoir que dans son cas il s’agit d’une affection des lymphatiques, il trouvera difficilement le fil. Il peul y avoir aussi dans la bibliothèque vingt mémoires dans autant de volumes, de journaux et transactions, dont les titres montrent qu’ils contiennent probablement des cas semblables ; mais les titres de ces mémoires ne sont pas dans le catalogue.

On se demandera peut-être pourquoi les catalogues capables de donner de mauvais renseignements, ou ne donnent pas des informations plus nombreuses. La réponse est fort simple : les catalogues ne sont pas des bibliographies, mais des aides mécaniques pour un travail bibliographique.

Vous me pardonnerez de prendre comme exemple l’Index Catalogue de la bibliothèque du Surgeon’s General Office, à Washington, parce qu’il m’est familier et que je puis m’aventurer à le commenter, sans courir le risque d’être accusé de vouloir déprécier sa valeur [5]. Sur un sujet de médecine donné, un médecin assez capable peut obtenir une grande quantité d’indications ayant une certaine valeur et éviter ainsi une. grande perte de temps et de travail. D’un autre côté, quand il se mettra à examiner les livres et les articles indiqués, il trouvera que la moitié au moins ne vaut rien, pourvu qu’il puisse examiner l’autre moitié, parce que ce sont des dilutions, des amplifications, des redites et des résumés des travaux originaux. Si le chercheur se trouve dans la bibliothèque, il ne perd pas beaucoup de temps, car il peut rapidement examiner et laisser de côté ce qui ne fait pas son affaire. Si, au contraire, il se sert du catalogue dans une autre bibliothèque, comme celle de Londres, le cas est différent. Il est fort peu probable qu’il trouve dans une même collection tous les livres auxquels il sera renvoyé, et alors vient ce doute pénible qu’il a peut-être passé quelque ouvrage important. Comment saura-t-il si, dans son mémoire sur les fonctions du pneumogastrique, Smith a, oui ou non, la priorité sur sa propre théorie relative à l’influence de ce nerf sur l’hypertrophie des amygdales ? Et dans tous les cas pareils : omne ignotum est pro magnifico. Dans une bibliographie du sujet, préparée dans le genre du catalogue, il ne trouverait aucune mention du travail de Smith, ou peut-être mieux, il trouverait une note indiquant que ce travail n’est qu’un extrait ou une compilation. Le fait de ne pas trouver le livre de Smith dans la bibliothèque de Londres, ni même quelque allusion à ce travail dans les meilleurs traités sur le sujet, doit l’amener à ignorer tout à fait son existence.

Selon son courage et sa résolution de noter non seulement tout ce qui a été écrit sur le sujet qui l’occupe, mais encore de suivre sans s’en départir la règle d’or de vérifier toutes ses indications, le jeune écrivain est exposé à dévier de ses recherches directes pour tomber dans les nombreux sentiers fleuris des théories bizarres et curieuses qui s’embranchent de tous cotés. Il faut qu’il se garde contre ce danger, sans quoi il trouvera qu’il perd son temps et son courage à tourner autour d’une menue paille qui a été depuis longtemps battue, rebattue et vannée.

Je n’ai cependant pas l’intention de vous exposer les méthodes et les principes de la bibliographie ; il me suffit de vous démontrer leur importance et d’attirer votre attention sur ce point que, savoir comment et où trouver la mention d’un fait est souvent d’un usage plus pratique que la connaissance du fait lui-même, de même que nous avons une encyclopédie pour nous en servir de temps en temps, et non pour la lire d’une couverture à l’autre.

L’instruction en histoire et littérature de la médecine ne fait pas partie du cours d’éducation médicale dans les écoles anglaises et américaines, et je ne serais pas disposé à recommander son introduction dans le programme si elle devait être établie sur les modèles français et allemands ; mais il semble possible de faire un pas dans cette direction, et avec grand avantage, non seulement comme un moyen de culture intellectuelle générale, comme d’apprendre aux étudiants à penser, mais en se plaçant à un point de vue purement pratique, en leur apprenant à se servir le mieux possible des instruments de leur profession, car les livres peuvent à juste titre être comparés à des bistouris, dont l’index est le manche. Cette instruction devrait être donnée dans une bibliothèque, tout comme la chimie doit être enseignée dans un laboratoire. La voie à suivre pour apprendre l’histoire et la bibliographie est de les faire ; et ce que le professeur peut faire de mieux, c’est de montrer à ses élèves comment il faut s’y prendre.

En l’absence de toute instruction de ce, genre, l’étudiant est exposé à gaspiller beaucoup de temps en recherches bibliographiques. On a fait dans cette direction beaucoup plus que la plupart des écrivains semblent le supposer, et il n’y a pas beaucoup de sujets en médecine qui n’aient été traités à ce point de vue. Naturellement, tout n’est pas bibliographie qui prétend l’être. Beaucoup de ces listes d’indications, si compendieuses et si ennuyeuses, qui sont maintenant si communes dans les articles des journaux de médecine, ont été largement puisées de seconde main, et ainsi elles engendrent et perpétuent des erreurs. Il est bon de se garder d’une fausse vanité en pareille matière. Laisser échapper une indication n’est nullement déshonorant ; mais donner une indication fausse, ou en donner deux pour le même fait, faute d’avoir vérifié, constitue une forte présomption que la bibliographie a été faite sans soin et de seconde main. Cependant les articles de journaux et spécialement les recueils de faits endurent parfois d’étranges transmogrifications. Que de fois ne m’est-il pas arrivé de voir un travail français ou allemand, traduit et condensé dans le London medical Record, reparaître en extrait sous le nom du traducteur dans un journal américain, puis, traduit de nouveau, avec addition de quelques particularités nouvelles, dans un journal du continent, et enfin peut-être, remanié et réédité comme contribution originale dans les pages du Little Peddlington medical universe !

À ce propos, il est bon de rappeler qu’une simple accumulation d’observations, quelque grand qu’en soit le nombre, ne constitue pas la science, surtout si ces observations ont été rassemblées sous l’influence des mêmes opinions et dans des conditions essentiellement semblables.

La science recherche la loi qui gouverne ou explique le phénomène, et lorsque cette loi est trouvée, la réunion de faits isolés de son action devient ordinairement peu importante en ce qui concerne la loi. Nous nous occupons peu maintenant des relations des expériences chimiques d’il y a un siècle, et les nombreux mémoires sur les premiers cas de l’emploi de l’éther ou du chloroforme ont actuellement si peu d’intérêt, que ce n’est pas la peine de les rappeler dans une bibliographie du sujet. Et quoiqu’on ait fait beaucoup pour classer et indexer nos recueils médicaux (beaucoup plus en réalité que la plupart des médecins le supposent, le résultat obtenu mérite à peine, comme l’a dit Helmholtz, le nom de science, puisqu’il ne nous permet ni de voir les rapports complets ni de prévoir le but qu’on atteindra dans de nouvelles conditions non encore essayées.

Peut-être trouvera-t-on que je déprécie la valeur des idées que nos maîtres ont laissées après eux, et qui ont fourni les fondations sur lesquelles nous avons construit, que je diminue l’importance des grandes bibliothèques médicales dans lesquelles ces idées sont conservées, et que je parle légèrement de l’utilité des catalogues, index, bibliographies, sans lesquels les bibliothèques sont comme des déserts sauvages et sans routes frayées ?

S’il en est ainsi, j’ai dit ce que je n’avais pas l’intention de dire. Le sujet a été considéré au point de vue de ce qu’on appelle habituellement la division du travail, et que, suivant moi, on devrait appeler maintenant évolution et différenciation ; et cela a été fait parce que la vie est courte et que l’art est long — avec l’agréable perspective de le devenir encore davantage.

Il n’est sûrement pas nécessaire pour moi d’entreprendre le panégyrique des livres et des bibliothèques. Comme dit le docteur Holmes : « Il n’est pas besoin de défendre l’utilité pratique directe de toute espèce d’étude. Nos rayons contiennent un grand nombre de livres qu’une certaine classe d’étudiants en médecine seule aura l’occasion de consulter. Il y a une littérature médicale morte, et une autre vivante ; la morte n’est pas tout ancienne, ni la vivante toute moderne. Il n’y a aucun livre, moderne ou ancien qui, s’il n’a pas une valeur vivante pour l’étudiant, ne lui apprendra rien par son autopsie. Mais c’est par la littérature vivante de sa profession que le praticien est le premier de ses pairs. »

En médecine, comme en science sociale, nous devons dépendre, pour beaucoup de faits, de l’observation, de conditions qui surviennent très rarement, et qu’on ne peut répéter à plaisir. J’ai déjà fait allusion à l’importance des vivisections de la nature pour le physiologiste, et la relation d’un cas publié il y a un siècle peut être justement le chaînon dont il a besoin pour relier les résultats de ses expériences d’hier avec les théories existantes. Le cas qui d’abord semble unique et inexplicable reçoit et donne à la fois la lumière lorsqu’on le compare aux faits anciens.

Une science médicale, comme les autres sciences, doit dépendre de la classification des faits, de la comparaison de cas semblables sous beaucoup de rapports, mais différant quelque peu, soit par leurs phénomènes, soit par le milieu dans lequel ils se passent. Le grand obstacle au développement d’une science médicale est la difficulté de s’assurer que les cas sont suffisamment semblables pour être comparables, — difficulté qui est largement due elle-même à des relations insuffisantes et erronées des phénomènes observés. Ces lacunes dans les relations sont dues en grande partie : 1° à l’ignorance de la part de l’observateur ; 2° au manque de moyens convenables pour décrire avec précision les phénomènes ; 3° aux conditions confuses et défectueuses de notre nomenclature et de nos classifications nosologiques. Examinons brièvement chacun de ces points.

Très peu nombreux sont les hommes qui peuvent, par et pour eux-mêmes, voir et décrire les choses qu’ils ont devant les yeux. De même qu’il a fallu des milliers d’années pour produire un homme qui puisse voir, ce que maintenant chacun peut voir quand on le lui montre, que l’étoile Alpha du Capricorne est réellement deux étoiles séparées, de même il a fallu attendre longtemps avant que l’homme vînt, qui pût voir la différence qui existe entre la rougeole et la scarlatine, et plus longtemps encore celui qui pût distinguer le typhus de la fièvre typhoïde. « Il sera pour moi comme un dieu, dit Platon, celui qui pourra diviser et définir juste. Il Les hommes qui possèdent cette faculté — le Blick des Allemands, — nous ne pouvons les produire directement par aucun système d’éducation ; ils viennent sans que nous sachions ni quand ni comment, « formant une petite bande, une seule intelligence dont les pensées et les travaux sont le criterium de nos facultés les plus élevées. Un seul auteur dramatique anglais ou un seul mathématicien anglais ont probablement égalé en étendue et en excellence de travail original, chacun dans leur ordre d’idées, tous les travaux analogues de leurs compatriotes réunis [6] ».

Mais ne pouvons-nous rien faire pour augmenter le nombre des observateurs, en leur disant ce qu’il faut observer ? Il est probable qu’on pourra accomplir beaucoup dans cette direction, pourvu qu’on ait soin de limiter le champ. Les manuels d’observation au lit du malade et à la salle d’autopsie sont très bons dans leur ordre d’idées, mais ils ne peuvent jamais être faits pour être à la portée de la grande majorité de la profession, et si même ils l’étaient, ils ne seraient pas de grande utilité. Si un très petit nombre de questions distinctes étaient portées à l’attention du médecin praticien, il serait plus souvent en éveil pour y répondre. Il faudrait se souvenir que la chance peut présenter au praticien le plus obscur l’occasion d’observer une chose que le plus grand maître peut n’avoir jamais vue.

La grande difficulté est de trouver ces questions préparées. Elles doivent se rapporter aux sujets qui sont encore dans les régions nébuleuses situées entre le connu et l’inconnu, aux points qui ne sont pas encore clairs, mais dont ce que nous connaissons suffit pour rendre probable qu’en cherchant dans une direction donnée on pourrait les éclaircir ; et pour préparer ces questions il faut non seulement être instruit, mais posséder encore quelque chose de plus. Il arrive d’ordinaire que l’homme qui possède cette faculté s’efforce de répondre lui-même aux questions, et nul doute qu’il ne puisse en général le faire mieux qu’un autre. Mais on peut faire beaucoup pour déterminer et indiquer ce que nous ne savons pas, et cela a aidé puissamment aux progrès de la physiologie dans ces dernières années.

J’ai eu l’occasion de faire allusion à cela en parlant de l’ouvrage du docteur Michael Foster sur la physiologie, dans’ chaque chapitre duquel il s’est efforcé de séparer ce qu’on peut considérer comme prouvé de ce qui est simplement probable ; et on trouve presque à chaque page l’indication du travail à faire.

Un autre exemple de ce que je veux dire se trouve dans un mémoire sur les renseignements donnés par les autopsies, du professeur H.-P. Bowditch, de Boston (Trans. Mass. Med. Legal Soc., I, 1880, p. 139). Prenant les résultats de recherches sur les dimensions absolues et relatives des organes à différentes périodes de la vie, et en rapport avec différentes tendances morbides, recherches récemment publiées par le professeur Beneke, de Warburg, le docteur Bowditch demande qu’on recueille un aussi grand nombre que possible de renseignements semblables, et choisit certains résultats donnés par le professeur Beneke pour sujets d’études spéciales ; par exemple, que la diathèse cancéreuse est associée avec un cœur volumineux et puissant, des artères larges, mais une artère pulmonaire relativement petite, des poumons petits, des os et muscles bien développés, et un tissu adipeux assez abondant. On ne peut douter que ceux qui liront les travaux de MM. Beneke et Bowditch ne soient amenés à examiner des choses qui auparavant n’avaient aucun intérêt pour eux, et par suite, à faire et à publier sur l’anatomie pathologique des observations qui sans cela eussent été perdues.

La seconde difficulté, celle qui a trait au manque de moyens pour faire de bonnes descriptions, est celle qui s’accroît le moins chaque année. Nous devons être modestes dans nos prédictions sur ce qui peut être accompli dans l’avenir pour arriver à la solution de notre énigme de sphinx. Nous voyons comme à travers un verre noirci, et excepté à travers ce verre, nous ne voyons rien ; mais au moins nous avons fait de tels progrès que ce que nous voyons, nous pouvons le décrire assez bien pour que nos successeurs, même encore à naître, puissent aussi le voir ; et c’est grâce à ce fait qu’une partie de la littérature médicale du dernier quart de siècle aura plus de valeur que tout ce qui l’a précédée.

Les descriptions des maladies tracées par Hippocrate et Sydenham, ou même par Graves et Trousseau, tout intéressantes et précieuses qu’elles soient, ne sont pas comparables à celles de nos éminents cliniciens d’à présent. Cependant, combien les meilleures de ces descriptions sont encore imparfaites sur bien des points, si on les compare à ce qu’elles pourraient être, avec les ressources que nous avons à notre disposition ! Les tableaux des températures ont permis d’éviter les erreurs qui surviennent nécessairement quand on essaye de comparer de mémoire les sensations perçues la semaine dernière à celles d’aujourd’hui ; de même la balance et l’éprouvette nous permettent d’évaluer, avec une précision presque complète, les modifications des tissus de nos malades par les variations constatées dans leurs excrétions ; mais nous devons encore nous fier à notre mémoire, ou aux descriptions imparfaites des autres, quand nous essayons de comparer les résultats obtenus plusieurs jours de suite par l’auscultation ou la percussion, bien que le phonographe et le microphone nous fassent entrevoir la possibilité soit de reproduire soigneusement les sons de la veille, soit de les transmettre en signes visibles, peut-être par quelque chose d’analogue à la dépêche télégraphique au point et au trait qui peut alors être imprimée, et ainsi comparée à d’autres par les lecteurs des antipodes.

Nous commençons à compter les globules du sang et à employer la photomicrographie, mais nous ne pouvons pas encore appliquer ce dernier procédé au premier, ce qui permettrait à chaque lecteur de compter par lui-même.

Les connexions de la médecine avec les sciences physiques deviennent plus étroites d’année en année, et les méthodes par lesquelles ces sciences sont arrivées à leur état actuel sont celles qui on t fait ou feront progresser la thérapeutique, aussi bien que le diagnostic, ou les recherches physiologiques. Ces méthodes reposent principalement sur les soins minutieux, augmentant sans cesse, qu’on apporte aux mensurations, aux expressions donnant les manifestations de force en termes d’une autre force, ou de dimension en espace ou en temps. La balance et le galvanomètre, le microscope et le pendule, les chambres claires ou obscures, le sphygmographe, le thermomètre, sont quelques-uns des moyens que les observateurs, au lit du malade et dans le laboratoire, emploient pour obtenir des renseignements qui soient indépendants de leurs propres sensations ou de leurs évaluations personnelles, qui soient recueillis et employés comme exprimant, non des opinions, mais des faits ; et à chaque addition ou chaque amélioration à ces moyens d’investigation et d’inscription, le champ d’observation s’élargit, et des matériaux nouveaux et plus précieux sont fournis par l’application de méthodes logiques et mathématiques.

Quant à la troisième difficulté dont j’ai parlé, savoir notre terminologie confuse et défectueuse, je n’ai rien à y voir. « La science, a dit Condillac, est un langage bien fait. » Et bien que cela soit loin d’être toute la vérité, c’en est du moins une partie importante. En examinant des statistiques et des comptes rendus médicaux, il est nécessaire d’avoir constamment à l’esprit que, pour comprendre beaucoup de termes, nous devons savoir ce que l’écrivain entend par eux. Lorsque, par exemple, nous trouvons dans ces statistiques un certain nombre de morts attribuées à la gastro- entérite, au croup, à la scrofule, nous devons tenir compte du pays, de l’époque et de l’individualité de l’auteur, afin de pouvoir nous faire une opinion exacte de ce qu’il a voulu dire.

Les trois difficultés dont nous avons parlé, bien que les plus importantes, sont loin d’être les seules causes de la confusion et de l’imperfection de nos publications.

Parmi les ennuis de la seconde classe, que le chercheur peut rencontrer, se trouvent en tête les titres défectueux ou trompeurs, et dans l’intérêt des lecteurs et des biographes de l’avenir, je voudrais prier les auteurs, et plus spécialement les éditeurs, d’accorder plus d’attention que ne le font beaucoup d’entre eux, aux titres et index. Les hommes pour lesquels vos travaux auront la plus grande importance, et qui en feront le meilleur usage s’ils les connaissent, sont pour la plupart de grands travailleurs, des hommes très occupés qui ont le droit de demander que les tables de vos ouvrages soient faites avec des matériaux convenablement préparés et non avec des notes informes.

Les éditeurs des transactions ou bulletins des sociétés, que ceux-ci soient insérés dans les journaux ou publiés à part, commettent de nombreux péchés par omission dans la matière des titres. La règle devrait être que chaque article digne d’être imprimé soit digne d’avoir un titre distinct, qui serait aussi concis qu’un télégramme, et imprimé avec des caractères spéciaux, Si l’auteur ne donne pas un titre de ce genre, c’est à l’éditeur de le faire ; et il ne devrait pas se contenter de titres comme : cas cliniques, — accouchement difficile, — une tumeur remarquable, — cas de plaie, avec remarques. — Les quatre règles pour la préparation d’un article pour un journal devraient être : 1° avoir quelque chose à dire ; 2° le dire ; 3° s’arrêter aussitôt qu’on l’a dit ; 4° donner au travail un titre convenable.

Quelques sociétés et éditeurs ne semblent pas apprécier complètement leur responsabilité pour les articles qu’ils acceptent de publier, — responsabilité qu’on ne peut entièrement rejeter par une déclaration préalable dans ce sens. Cela est dû à ce fait que, bien que les mérites d’un travail puissent ordinairement être déterminés par l’examen, ce n’est pas toujours le cas. Dans chaque pays il y a des écrivains et des orateurs dont les opinions sont accueillies avec une très grande méfiance par ceux qui sont le mieux posés pour les juger. En admettant que les faits avancés sont vrais, le mémoire doit avoir beaucoup d’intérêt et de valeur. Mais l’éditeur devrait se rappeler qu’un certain nombre de lecteurs, et spécialement ceux qui sont à l’étranger, n’ont sur le caractère de l’auteur aucun autre renseignement que ce fait qu’ils trouvent son travail en bonne compagnie.

Dans la littérature médicale, comme dans les autres branches de la science, nous trouvons des livres et des mémoires rédigés par des hommes qui sont, constitutionnellement ou non, incapables de dire la vérité simple, littérale, sur leurs observations et leurs expériences, bien qu’ils puissent ne pas écrire avec l’intention arrêtée de tromper, ou par des hommes qui cherchent à se mettre en évidence en publiant, de propos délibéré, des faussetés sur les résultats de leur pratique. De tels hommes sont d’ordinaire appréciés à leur juste valeur dans leur entourage immédiat et se trouvent obligés d’envoyer leurs communications à des feuilles ou à des sociétés éloignées pour en assurer la publication.

Je présume que vous êtes tous familiers avec la sensation particulière de défiance que soulève une explication trop complète. La relation d’un cas dans laquelle chaque symptôme observé et l’effet de chaque remède administré sont minutieusement rapportés, dans laquelle aucun phénomène ne reste sans explication, est d’ordinaire suspecte, car elle implique soit une observation superficielle, soit la suppression ou la distorsion de quelqu’un des faits. Une représentation diagrammatique est habituellement beaucoup plus claire qu’une bonne photographie, mais elle a bien moins de valeur comme base pour un travail futur.

Aucun fait n’est plus familier à cette assemblée que la vaste étendue du champ de la science d’aujourd’hui — si vaste que peu d’entre nous peuvent espérer en explorer plus qu’une petite partie, et cependant si étroitement uni que même la petite partie ne peut être étreinte sans avoir connaissance d’une partie beaucoup plus grande.

Il y a un peu plus d’un siècle, Haller, à Gœttingue, était, professeur d’anatomie, de botanique, de physiologie, de chirurgie et d’obstétrique et faisait des conférences sur la jurisprudence médicale. En même temps, il écrivait une revue par semaine et résumait la littérature médicale existante dans ses Bibliotheca. Aujourd’hui, chacune de ces branches prend tout le temps des plus laborieux et des plus instruits de nos contemporains ; mais, en revanche, les docteurs d’aujourd’hui qui ont fait de bonnes études pourraient donner à Haller de précieuses leçons dans chacune des branches dont il était professeur. Il est vrai aussi, comme je l’ai démontré, que notre progrès actuel n’est nullement en proportion du travail accompli, ni aussi grand que ces constatations purement quantitatives sembleraient l’indiquer.

La science a été appelée la topographie de l’ignorance. De points un peu élevés, nous triangulons de vastes espaces, renfermant une infinité de détails inconnus. Nous jetons la sonde et nous retirons un peu de sable d’abîmes dont nous n’atteindrons jamais le fond avec nos dragues.

S’il est vrai que nous ne nous comprenions qu’imparfaitement en bonne santé, cela est encore plus manifeste dans la maladie, où les actions naturelles imparfaitement comprises, troublées dans une voie obscure par des causes demi-vues, rampent et roulent dans les ténèbres vers leur but, parfois employant nos remèdes comme un marchepied sûr, parfois, peut-être, trébuchant sur eux comme sur des obstacles [7].

Dans les jours d’autrefois, quand la profession médicale, ou une simple spécialité médicale, était un héritage dans certaines familles, une grande partie de leur science et l’efficacité de leurs remèdes passaient pour dépendre de ce qu’ils étaient gardés dans un profond secret. Parmi les préceptes de la magie, il n’y en avait aucun de plus significatif que celui qui déclarait que la communication des formules détruisait leur puissance, et qu’ainsi toute tentative pour révéler le secret devait toujours échouer.

Nous avons changé tout cela. Chaque médecin se hâte de publier ses découvertes et son savoir spécial, et un bon nombre font la même chose pour ce qui n’est ni spécial ni savoir. Pour l’individu à un certain degré, pour la nation ou la race à un degré beaucoup plus élevé, la littérature produite est le souvenir le plus durable. Tout le résultat de la civilisation a été cyniquement défini comme étant en gros : « Trois cents millions de Chinois, deux cents millions de naturels dans les Indes, deux cents millions d’Européens et d’Américains du Nord, et un mélange d’une ou deux centaines de millions de centre Asiatiques, de Malais, d’insulaires de la mer du Sud, etc. ; et au-dessus et par-dessus tout le reste, la bibliothèque du British Museum. Tel est le résultat net d’une lutte indéfiniment longue entre les fardeaux de toutes sortes elles forces humaines qui se développent d’elles-mêmes dans les efforts qu’elles font pour les soulever [8] ».

Et ainsi, dans nos grandes bibliothèques médicales, chacun des in-folio et des petites plaquettes imprimés en petites lettres noires bizarres, qui caractérisent les deux premiers siècles de l’imprimerie, ou les volumes bon marché et ignobles des temps plus modernes, avec leur papier scrofuleux et leur abominable typographie, représentent en grande partie la vie d’un membre de notre profession et le fruit de ses travaux, et c’est par ce fait que nous le connaissons.

Après avoir rappelé que les physiciens modernes ont démontré que le soleil s’en va, que la terre court à la rencontre du soleil, et que par suite notre planète, avec tout ce qu’elle contient, sera grillée ou gelée, le professeur Cliffort conclut ainsi : « Notre Intérêt dépend tellement du passé qu’il peut servir à guider nos actions dans le présent, et tellement de l’avenir qu’il sera influencé par nos actions actuelles. Nous n’en savons pas davantage et nous ne devons pas nous en préoccuper. Cela semble-t-il dire : mangeons et buvons, car nous mourrons demain ? Non sans doute, mais plutôt : prenons-nous la main et espérons, car aujourd’hui nous vivons ensemble. » À cela, j’ajouterai un verset du Thalmud qui vous rappellera le premier aphorisme d’Hippocrate et qui n’en est pas plus mauvais pour cela : « La journée est courte et le travail est grand ; la récompense aussi est grande et l’ouvrage presse. Ce n’est pas à toi qu’il incombe de finir l’ouvrage, mais tu ne dois pas cependant cesser de travailler. »

J.-S. Billings

[1Voir British medical Journal, 13 août 1881, p. 263.

[2La différence entre ces chiffres et ceux de l’Index medicus est due, d’une part, à ce fait que le Journal of physiology comprend des articles qui sont placés sous d’autres titres dans l’Index medicus, et d’autre part, au fait que le journal a un autre mode d’appréciation que l’Index, rejetant beaucoup d’articles que celui-ci peut accepter comme originaux.

[3Voy. Revue scient. du 20 août 1881, p. 234.

[4M. H. Bouley a fait au Muséum des leçons remarquables qui ont servi à combler en partie, sinon en totalité, la lacune signalée par le savant bibliothécaire de Washington. Elles ont été publiées sous ce titre : Leçons de pathologie comparée. — Le progrès en médecine par l’expérimentation, Paris, 1882.

[5Ce catalogue a été dressé d’après le plan et sous la direction de M. Billings.

[6Iles, Mathematics in evolution. (Popular Science Monthly, 1876, IX, p, 207.)

[7Border lines of kmowledge, etc., par O. W.Holmes, Boston, 1862, p. 7, 8.

[8Liberty, Equality, Fraternity, par James Fitz-James Stephen, New-York, 1873, p. 178.

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