Description d’une trousse chirurgicale de l’époque de Galien

La Nature N°453 — 4 février 1882
Vendredi 26 décembre 2014 — Dernier ajout vendredi 16 janvier 2015

L’histoire de la chirurgie antique est encore fort obscure, et les notions qu’on possède aujourd’hui sont surtout relatives à la pathologie. La chirurgie opératoire est restée longtemps dans l’enfance, et, par suite, n’était pas séparée de la médecine. La chirurgie des tumeurs existait à peine, la chirurgie réparatrice n’existait pas, seules, les lésions traumatiques étaient l’objet d’une étude suivie. Les guerres étaient l’origine d’un grand nombre de blessures à la guérison desquelles on s’appliquait. Il est difficile de se faire une idée exacte des moyens dont on pouvait disposer à telle ou telle époque, d’autant plus que les progrès imaginés dans un pays restaient longtemps secrets pour les autres.

Le plus petit indice de l’état de la science antique acquiert une grande importance à cause de sa rareté. Or, dans des fouilles faites en octobre 1880 dans le quartier de Saint-Marcel, à Paris, un de nos archéologues les plus distingués, depuis longtemps connu par ses nombreuses découvertes, a trouvé une série complète d’instruments de chirurgie constituant dans leur ensemble ce que nous pourrons appeler une trousse du temps. Ces objets, parfaitement conservés, remontent au troisième siècle, sous l’empire de Tetricus, et ne sont pas moins curieux au point de vue chirurgical qu’au point de vue de l’art. M. Toulouze, nous ayant fait l’honneur de nous montrer ces précieux objets d’art et nous ayant autorisé à en publier une description, nous croyons être agréable à nos confrères en leur faisant connaître des instruments probablement uniques dans leur genre, mais que M. Toulouze se fait un plaisir de mettre sous les yeux des archéophiles.

Tontes ces pièces se trouvaient placées dans un vase de bronze arrondi, dans lequel étaient aussi deux boucles et toute une série composée de soixante-quinze pièces de monnaie à l’effigie de Tetricus. Les boucles, d’un usage difficile à déterminer, peuvent avoir servi au passage de liens destinés à soutenir l’ensemble de l’appareil que le chirurgien portait avec lui. L’une d’elles, en très bon état, possède son ardillon qui servait à arrêter la courroie ; l’autre représente un anneau non fermé et dont les deux extrémités sont terminées par deux têtes de reptiles se regardant avec fureur, image fidèle de la confraternité du temps.

Les instruments tranchants sont représentés par deux couteaux pointus à double tranchant, dont les lames de 6 centimètres font corps avec un manche de même longueur, peu volumineux et hexagonal.

Les pinces sont richement représentées. Les unes sont à griffes, les autres sont de simples pinces fines pointues, d’autres à mors plats.

Un instrument ayant la forme d’une petite pelle de 5 centimètres de diamètre, montée sur manche creux, long de 18 centimètres, avait évidemment l’usage d’insufflateur et servait à introduire dans les cavités naturelles les agents médicamenteux déposés sur le plateau, on à doser les médicaments.

Une capsule hémisphérique de 4 centimètres de diamètre, présentant un bec pour l’écoulement des liquides, munie d’un long manche, semble avoir servi à chauffer les pommades et onguents. Une usure qu’elle présente vers son fonds paraît résulter de son contact avec le feu.

Nous devons parler d’un instrument dont le rôle est difficile à interpréter et qui n’a rien d’analogue parmi ceux qui servent actuellement. Il est long de 20 centimètres ; composé de deux branches articulées, à la manière des ciseaux, chacune présente à sa terminaison une surface formant le quart de la circonférence d’un ovoïde. Les manches sont ornementés, et, lorsque l’instrument est fermé, ils restent encore écartés d’environ 4 centimètres. L’articulation est plus rapprochée de l’extrémité dentelée que de l’extrémité des manches. Cet instrument, lorsqu’il est fermé, peut être introduit sans danger dans les cavités ou les plaies, et, lorsqu’il est ouvert, il peut saisit, les corps, sectionner les tissus en les écrasant, servant ainsi d’agent hémostatique, et recueillir dans sa concavité la partie détachée.

Tous les instruments sont en bronze mêlé d’une partie d’argent. Peut-être doit-on leur conservation à cet alliage précieux ? Au temps de Galien, l’art de travailler le bronze était en honneur, et d’habiles ouvriers s’y adonnaient.

Au point de vue médical, la composition de ces instruments semble montrer que l’usage des onguents, l’extraction des corps étrangers, jouaient un grand rôle dans la chirurgie, et que, d’ailleurs, la médecine et la pharmacie lui étaient associées [1].

[1Extrait d’une notice de M. le Dr Mock. (Union médicale)

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