Rabelais médecin

Félix Brémond, La Revue Scientifique — 9 juin 1900
Vendredi 7 août 2015
Conférence de l’Association française pour l’avancement des sciences.

« Chacun a son défaut où toujours il revient », Mon défaut capital, persistant, chronique, consiste à dire à tout le monde : « Lisez Rabelais »,

Depuis trente ans et plus je ne passe presque pas un seul jour sans savourer quelques pages de Gargantua ou de Pantagruel ; toutes les fois que j’ai un peu de loisir, je le consacre à vérifier une citation à creuser une idée, à peser un terme de mon auteur favori. On ne s’étonnera donc pas que j’aie accepté avec grand empressement la proposition de parler de Rabelais à mes collègues, à mes amis, de l’Association française pour l’avancement des sciences.

Lorsque notre excellent secrétaire général, le professeur Gariel, m’a dit : vous ferez une conférence sur Rabelais médecin, j’étais tout joyeux ; maintenant, l’heure de m’exécuter étant venue, je suis plutôt triste, car mon auditoire mixte m’intimide considérablement.

Si je n’avais devant moi que des collègues du sexe laid, aisément je leur ferais accepter les plus gros morceaux de prose pantagruéligue ; mais, hélas ! — pardonnez, mesdames, cette interjection — j’aperçois dans la salle d’aimables représentantes du beau sexe, et leur présence m’impose une réserve assez difficile en l’espèce.

Le style de Rabelais, franc, loyal, imagé, est d’un naturalisme souvent excessif ; je serais impardonnable de l’oublier devant les dames, même devant celles qui auraient lu sans broncher les romans de Zola les plus naturalistes.

Me voici donc bridé de retenue, sanglé de prudence et caparaçonné de circonspection. Ainsi accoutré, je suis assez gêné en mon harnois ; pourtant, quand le vin est tiré, il faut le boire : quand une conférence est annoncée, il faut la faire. Je la ferai.

Sans tourner plus longtemps autour du pot, j’aborde mon sujet : la médecine dans les œuvres de Rabelais, Gargantua et Pantagruel.

Ce livre, qui est le rire à plein ventre, est aussi la science à plein cerveau. L’Homère bouffon est doublé du savant le plus complet du XVIe siècle. Laissez de côté l’écorce grossière, ne vous arrêtez pas à l’enveloppe matérielle, sucez l’or jusqu’à la moelle, et les paradoxes risqués de Panurge, les saillies épicées de Frère Jean, les maximes hardies de Rondibilis, les théories gigantesques de Pantagruel vous apparaîtront renfermant, en leur gros sel savoureux, plus de bon sens médical qu’il n’y en a dans un tas d’insipides in-folio des auteurs de son temps. Eux compilaient, lui, Rabelais, jugeait.

Cette immixtion de la science dans le roman ce mariage de l’éclat de rire et de la médecine a’ eu’ plus d’un résultat. Cela nous a donné le tableau et souvent la charge de l’art de guérir, tel qu’on l’exerçait au XVIe siècle : des pratiques médicales dangereuses ou malhonnêtes ont été tuées par un bon mot ; des croyances physiologiques absurdes ont été déracinées par une plaisanterie ; des contes grivois — trop grivois souvent — ont servi à la vulgarisation de saines notions scientifiques.

Il faut pardonner à Rabelais ses grivoiseries les plus folles, parce que toujours elles furent un moyen de faire accepter les enseignements on les remontrances les plus sages, et aussi parce que les gravelures ne choquaient point la pudeur de ses contemporains, comme elles choquent la nôtre. Feuilletez seulement quelques pages de l’ Heptaméron. livre écrit par une reine élégante, et vous verrez que les plus grandes dames de la cour de François 1er en dégoisaient également « des meures et des verdes ». Nous prononcerions aujourd’hui ainsi : « ces dames en disaient de vertes ».

Mais laissons la forme et venons au fond. Ce fond est une mine inépuisable. Je n’en exploiterai ce soir qu’un filon, le filon médico-religieux.

Un des premiers commentateurs de Rabelais, Ginguené, écrivait en 1791 : « L’auteur de Pantagruel attaqua les préjugés en véritable philosophe ; son autorité doit être comptée parmi celles qui ont préparé la destruction de nos sottises ».

Nous allons voir Rabelais à l’œuvre dans cette tâche d’assainissement intellectuel.

Prêtre et médecin, maître François dit aux pieux malades : ne mêlez pas la médecine à la religion, ne mariez pas la foi avec la thérapeutique, ne confondez pas les drogues et les oraisons, ne faites pas des onguents avec des reliques.

Gargamelle est en mal d’enfant ; son mari Grandgousier la réconforte ainsi :

Prenez courage au nouvel advenement du poupon, et encore que la douleur vous soit en facherie, toutefois elle sera brève ; et la joie qui tôt succedera enlevera tout votre ennui, de sorte que seulement ne vous en restera la souvenance. Notre Sauveur n’a-t-il pas dit en son évangile : la femme qui est à l’heure de son enfantement a tristesse, mais lorsqu’elle a enfanté, elle n’a souvenir aucun de son angoisse.

Que répond la bonne Gargamelle ?

Vous parlez bien, ami ; j’aime ouïr tels propos et beaucoup mieux m’en trouve que de ouïr la vie de sainte Marguerite, ou quelque autre capharderie.

Lire aux femmes en douleurs la vie de sainte Marguerite n’était pas la seule capharderie en usage. Les reliques de la sainte faisaient leur apparition à l’accouchement des princesses, à preuve cette particularité des couches de Marie de Médicis, notée par sa sage-femme Louise Bourgeois : « La colique, dit-elle, travaillait plus la reine que le mal d’enfant. Les reliques de sainte Marguerite étaient sur une table, dans la chambre ; le mal dura vingt-deux heures [1] ».

Sainte Marguerite continua — elle n’a pas cessé — de collaborer aux naissances.

En notant les détails d’un accouchement laborieux le poète-médecin Courval Sonnet, auteur des Exercices de ce temps, livre publié en 1621, écrit :

Le mari tout fâché, faisant la chatte-mite, Lit la vie et la mort de sainte Marguerite.

Un médecin qui ressembla à Rabelais en plus d’un point et qui précéda M. Brouardel au décanat de la faculté, Gui Patin, nous apprend que les accoucheurs de son temps devaient compter eux aussi avec la sainte gynécophile, car le 28 décembre 1657, il écrivait à son ami le Lyonnais Spon une lettre dont j’extrais ce passage : « S’il n’y avait que vingt-cinq lieues d’ici à Lyon, j’irais dire la vie de sainte Marguerite pour Mlle Spon, et prendre ma part du gâteau de baptême de cet enfant qui viendra ».

Anne d’Autriche avait usé en ses couches d’une ceinture de la vierge. Sa bru, Marie-Thérèse, femme de Louis XIV, préféra avoir recours à sainte Marguerite. Dom Jacques Bouillard, dans son Histoire de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prez, nous montre comme suit la croyance de la reine : « Le vingtième juillet 1661, fête de la sainte, est remarquable par une cérémonie qui se fit dans l’église de l’Abbaye. La reine, qui était pour lors enceinte, donna des marques de sa piété et de sa dévotion envers sainte Marguerite, par l’offrande qu’elle fit du pain béni. Elle ne put le présenter elle-même, parce qu’elle était à Fontainebleau, mais elle y suppléa par trois de ses aumôniers, qui vinrent le présenter au son des trompettes et des tambours du roi. Douze Suisses portaient six brancards sur lesquels étaient les pains ornés de banderoles de taffetas rouge … Le seizième octobre suivant, le Père Prieur eut ordre du roi de porter à Fontainebleau les reliques de sainte Marguerite, pour satisfaire à la dévotion de la reine qui les demandait et était proche du terme. »

Les bienheureuses reliques firent un autre voyage à Versailles, le 4 août 1682, lorsque Anne de Bavière, femme du dauphin, fils de Louis XIV, fut prise des douleurs de l’enfantement.

En Italie, sainte Marguerite a eu ses fidèles comme en France. Petit Radel l’a noté ainsi, en ses souvenirs de voyage de 1815 : « A Naples, le temps où la crédulité s’exerce le plus est celui de la délivrance pour les femmes en mal d’enfant. On colporte alors dans les maisons la ceinture de sainte Marguerite, ou autres reliques, propres à faciliter l’accouchement et à le rendre heureux, pour la mère comme pour l’enfant. »

Revenons à Rabelais. Le curé-médecin parle encore de sainte Marguerite dans le prologue de son second volume ; nous allons lire cette belle page ensemble :

Très illustres et très chevaleureux champions, gentilshommes et autres, qui volontiers vous adonnez à toutes les gentillesses et honnêtetés, vous avez naguères vu, lu et su les grandes et inestimables chroniques de l’énorme géant Gargantua ; vous y avez maintes fois passé votre temps avec les honorables dames et damoiselles, leur en faisant beaux et longs narrés, dont êtes bien dignes de grande louange et mémoire sempitemelle. A ma volonté, chacun devrait les savoir par cœur et les enseigner à ses enfants ; car il y a en ces chroniques plus de fruit que ne pensent un tas de gros encroutés qui n’entendent goutte à ces petites joyeusetés. J’ai connu de hauts et puissants seigneurs, qui allant à la chasse et ne rencontrant aucun gibier, étaient marris, comme entendez assez ; mais leur refuge de réconfort, afin de ne se morfondre, était à recoler les inestimables faits dudit. Gargantua. Autres sont par le monde (ce ne sont fariboles) qui étant grandement affligés du mal des dents, après avoir dépensé tout leur argent en médecins sans en. rien profiter, n’ont trouvé remède plus expédient que de mettre lesdites chroniques entre deux beaux linges bien chauds et les appliquer au siège de la douleur.

Mais que dirai-je des pauvres vérolés et goutteux ? Oh quantes fois nous les avons vus, à l’heure qu’ils étaient bien oints et engraissés à point, le visage reluisant comme la clavure d’un charnier, les dents leur tressaillant comme font les marchettes d’un clavier d’orgues ou d’une épinette.

Que faisaient-ils alors ? Toute leur consolation n’était que d’ouïr lire quelque page dudit livre. Et en avons vu qui se donnaient à cent pipes de vieux diables, en.cas qu’ils n’eussent senti allègement manifeste à la lecture dudit livre lorsqu’on les tenait dans les limbes, ni plus ni moins que les femmes étant en mal d’enfant, quand on leur lit la vie de sainte Marguerite.

La sainte dont Rabelais osait parler aussi irrévérencieusement n’avait pas le monopole exclusif des accouchements laborieux. En effet, si le Dictionnaire des reliques, de Collin de Plancy, note que ce les jacobins de Poitiers avaient une côte de sainte Marguerite, qui délivrait les femmes en mal d’enfant » et que « on vénérait encore, à Paris, en 1789, la ceinture de la sainte, qui avait la même vertu » ; le Dictionnaire des reliques mentionne en outre ceci : « On vend à Conflans des jarretières de sainte Honorine, lesquelles procurent d’heureux accouchements ». Le même recueil ajoute : « On garde à Rome, parmi les reliques de sainte Brigitte, une de ses robes qui a, dit-on, beaucoup de vertus et qui délivre les femmes en travail d’enfant ».

D’autre part, vous pourrez lire ceci dans le curieux ouvrage du XVe siècle intitulé les Quinze joies du mariage : « Or, approche le temps de l’enfantement, où elle est tant malade que c’est merveille tant et tant que les femmes ont grand’peur qu’elle Tl ’en puisse échapper : mais le bonhomme de mari la voue aux saints et saintes, tandis que elle-même se voue à Notre-Dame-du-Puy, en Auvergne, à Rochemadour et en plusieurs autres lieux. »

Ceci tend à prouver que la médecine n’est, au fond, qu’un assez vilain métier, puisque la concurrence est à redouter par les médecins du ciel, presque autant que par les médecins de la terre.

Passons à un nouveau saint guérisseur.

Dans le prologue de Pantagruel, que je viens de savourer avec vous, et que vous avez, avouez-le ou ne l’avouez pas, savouré avec moi, il est question d’un autre bienheureux de la pathologie, saint Antoine, lequel reparaît en maints chapitres de mon auteur favori. Ce saint, que l’on invoque actuellement pour retrouver les objets égarés, avait une mission différente au XVIe siècle : il passait pour présider à la préservation, ou à la production, de l’érysipèle gangréneux et autres pyrexies ; parenthèse : je ne crois pas nécessaire de définir le mot pyrexie, tant est universelle et extraordinaire la vogue du terme antipyrine, son compère, en faveur duquel des Allemands, trop malins, ont obtenu un brevet français, malheureux autant qu’horrifique.

A saint Antoine, donc, était dévolu le domaine de inflammations et des lièvres, témoin cet extrait de Brantôme — encore un auteur mal embouché — qui écrivit, de la même plume, la Vie des grands capitaines et la Vie des Dames galantes : « Le brave M. de Bayard étant un jour persécuté d’une forte fièvre chaude, de telle façon qu’il en brûlait, il implora Monsieur saint Antoine en lui faisant telle oraison : Ah ! Monsieur Antoine, mon bon saint et seigneur, je vous supplie avoir souvenance que, lorsque nous autres Français, nous allâmes jeter dans Parme, il fut arrêté qu’on brûlerait toutes les églises ; je ne voulus jamais consentir que la vôtre fût abattue, bien qu’elle fût de grande importance, mais je m’y allai jeter dedans avec ma compagnie, si bien que je la gardai et demeura entière. »

Cette oraison faite, dit Brantôme, M. de Bayard fut guéri… au bout de huit jours. Le saint brûleur auraient pu le guérir plus vite, s’il l’avait voulu. Mais saint Antoine ne veut pas toujours. Exemple : cet autre soldat, dont l’histoire est racontée dans les Serments espagnols : « Sortant d’une maladie et d’une grande fièvre chaude, étant allé à l’église pour remercier Dieu de sa guérison, il dit et salua ainsi : Beso los manos, Senior Jesus, y tambien a vos san Pablo y san Pedro, et, se tournant vers saint Antoine, peint avec sa grande barbe blanche, il dit : y no a vos barba blanca, que tan mal su fuego me trato, y que me quemo en mis caleaturas.

Ce guerrier, qui ne voulait pas remercier la barbe blanche de saint Antoine, dont le feu l’avait tant brûlé pendant sa fièvre, fait voir que feu saint Antoine se disait de toute maladie dans laquelle la température du corps se trouvait augmentée.

Avait- il été la victime d’une imprécation fréquente, notée par Rabelais au terrible chapitre de « l’esprit merveilleux de Gargantua en matière de… disons d’antisepsie rectale » et en d’autres chapitres moins scabreux ? C’est fort possible.

Un ordre religieux, fondé à Saint-Didier (Isère), où l’on conservait des reliques de saint Antoine, vouait ses membres aux soins à donner aux malheureux atteints du feu sacré ou mal des ardents, qui sévissait épidémiquement au moyen âge et qui faisait de grands ravages ; elle donna naissance à cette vilaine malédiction pathologique : que le feu saint Antoine vous arde ! On la trouve . dans les contes de la reine de Navarre, dans les poésies de Clément Marot, dans les monologues de Coquillart, dans les moralités d’André de La Vigne et même dans les œuvres chirurgicales d’Ambroise Paré.

C’en est assez, je crois pour excuser Calvin d’avoir osé dire : « Saint Antoine, c’est un saint colère et dangereux, comme ils le peignent, lequel brûle ceux à qui il se courrouce ».

Pour mettre un peu de science positive au milieu de toutes ces fantaisies, voici une page de Littré sur le feu Saint-Antoine : « Depuis la fin du XIe siècle on observa en France les plus fortes attaques de cette maladie. On sait que c’était le temps de la plus grande ferveur pour les croisades ; qu’on abandonnait tout pour aller se signaler dans la Terre-Sainte ; que les guerres féodales continuelles et les courses des ducs de Normandie rendaient la partie septentrionale et la partie moyenne de la France le théâtre d’une infinité de misères de toute espèce, parmi lesquelles le mal dont il est question était peut-être un des moindres. La France se dépeuplait sensiblement ; les champs, l’agriculture, étaient abandonnés. Presque toute la France, le Dauphiné principalement, se ressentit de la maladie dont on parle : c’est ce qui détermine le pape Urbain II à fonder l’ordre religieux de saint Antoine, dans la vue de secourir ceux qui en étaient atteints, et à choisir Vienne en Dauphiné pour le chef-lieu de cet ordre. Cette fondation eut lieu en 1093. Vingt-cinq ans avant, le corps du saint de ce nom avait été transporté de Constantinople en Dauphiné, par Josselin, seigneur de la Mothe-saint-Didier … On croyait généralement que les malades que l’on conduisait à l’abbaye Saint-Antoine, où reposent les cendres de ce saint, étaient guéris dans l’espace de sept ou neuf jours. Ce bruit, répandu en Europe, attirait à Vienne un grand nombre de malades, dont la plupart y laissaient quelque membre. L’auteur de la vie d’Hugues, évêque de Lincoln, dit qu’il vit de son temps, au mont Saint-Antoine, en Dauphiné, plusieurs personnes de l’un et de l’autre sexe, des jeunes et des vieux, guéris du feu sacré, et qui paraissaient jouir de la meilleure santé, quoique leurs chairs eussent été en partie brûlées, et leurs os consumés ; qu’il accourait de toutes parts en cet endroit des malades de cette espèce, qui se trouvaient tous guéris dans l’espace de sept jours ; que, si au bout de ce temps ils ne l’étaient pas, ils mouraient ; que la peau, la chair et les os des membres qui avaient été atteints de ce mal ne se rétablissaient jamais, mais que les parties qui en avaient été épargnées restaient parfaitement saines, avec des cicatrices si bien consolidées, qu’on voyait des gens de tout âge et de tout sexe les uns privés de l’avant-bras jusqu’au coude, d’autres de tout le bras jusqu’à l’épaule, enfin d’autres privés d’une jambe ou de la jambe et de la cuisse jusqu’à l’aine, jouir de la santé et de la gaieté de ceux qui se portent le mieux ».

Voulez-vous d’autres saint guérisseurs, cités par Rabelais ?

Voici saint Sébastien, invoqué pour la peste, nommé au chapitre des fantastiques pèlerins cachés sous les choux et à celui de J’escarmouche de Picrochole.

Oyez comment en devise mon curé-médecin.

Grandgousier, procédant à l’interrogatoire des pèlerins, leur demande d’où ils viennent et où ils vont. Ils répondent :

Nous venons de Saint Sébastien et nous en retournons par nos petites journées.

— Voire, mais, dit Grandgousier, qu’alliez-vous faire à Saint Sébastien ?

— Nous allions lui offrir nos votes contre la peste.

— Oh, dit Crandgousier- pauvres gens, estimez-vous que la peste vienne de Saint-Sébastien ?

— Oui vraiment, nos prêcheurs nous l’affirment.

— Oui, dit Grandgousier, les faux prophètes vous annoncent-ils tels abus ? Blasphèment-ils en cette façon les saints de Dieu qu’ils les font semblables aux diables, qui ne font. que mal entre les humains ? Comme Homère écrit que la peste fut mise chez les Grecs par Apollon, et comme les poètes peignent un tas de dieux malfaisants. Ainsi prêchait un caphard que saint Antoine mettait le feu aux jambes, saint Eutrope faisait les hydropiques, saint Gildas les fols, saint Genou les gouttes, mais je le punis en tel exemple, quoiqu’il m’appelât hérétique, que depuis ce temps caphard quelconque n’a osé entrer en mes terres, et m’ébahis si votre roi les laisse prêcher par son royaume tels scandales. Car plus sont à punir que ceux qui auraient mis la peste par le pays : la peste ne tue que le corps ; mais tels imposteurs empoisonnent les âmes.

Le docteur Chereau, un des rares journalistes devenu membre du Sénat médical dit Académie de médecine, a noté en ses éphémérides, pour le 25 décembre 1496 : « La peste sévit depuis six ans à Chalon-sur-Saône. Les échevins convoquent les habitants en Assemblée générale et l’on décide ceci :

Attendu que, depuis environ six ans en ça, la ville est affligée par la maladie appelée peste, il convient d’avoir recours à saint Sébastien intercesseur d’icelle maladie et faire jouer « le mystère de Monsieur Saint Sébastien, glorieux ami de Dieu »,

À Chalon on honorait le saint en faisant représenter, sur des théâtres en plein vent, une pièce dont il était le héros ; à Nevers l’hommage était d’une autre nature. Les Recherches historiques de sainte Marie mentionnent pour le mois de janvier 1564 : « A Nevers la peste ayant régné deux ans et demi, les habitants vouent à saint Sébastien un cierge long comme la ville, c’est-à-dire de 1 720 toises ».

Saint Sébastien, patron des pestiférés, avait pour adjoint saint Roch.

Dans les Aventures du baron de Fœneste, d’Aubigné montre un Gascon qui, étant tombé dans le charnier des pestiférés, alla voir son curé et lui fit dire « une messe de saint Roch », Un pieux ouvrage moderne, intitulé Fleurs des vies des saints, que j’ai acheté naguère à deux pas d’ici, me fournit ces renseignements plus précis : « Saint Roch est invoqué dans la peste et dans les maladies contagieuses, à cause des grands miracles qu’il fil à Rome, Césarée, Plaisance et autres villes d’Italie. Arrivé à Aigues-pendante, où il trouva plusieurs personnes frappées de la peste, il s’en alla choit à l’hôpital et se mit avec l’administrateur nommé Vincent (comment se nommait le médecin ? on ne le dit pas) pour servir les pauvres, faisant le signe de la croix sur leurs pestes et charbons, dont ils furent tous guéris ».

D’autres livres affirment que, pendant le concile tenu à Constance en 1414, la peste s’étant jetée sur cette ville on la fit partir en promenant par les rues l’image de saint Roch, avec ou sans son chien. Cet animal, dressé à lécher les plaies, mériterait de figurer parmi les ancêtres des bonnes bêtes fournissant actuellement le serum antipesteux !

Je termine mes renseignements sur saint Roch par une particularité provençale. A Marseille, quand l’état sanitaire est bon et que mon vieux camarade Catelan, directeur du Frioul, est d’humeur joyeuse, les gens du port disent

San Roch ris

Auren pas la peste [2].

Parlerai-je maintenant de saint François et de saint Martin, de saint Rigomé et de saint Maur, de saint Fiacre et de saint Babolin, et de tous les autres bienheureux, guérisseurs ou morbifères, que Rabelais cita ? Non. Je ne veux plus parler que de saint Jean, le grand maitre de l’épilepsie, dont la fête approche, avec le renouveau des bonnes herbes salutaires dites « les herbes de la Saint-Jean ».

Chaque année, quand vient le 24 juin, jour consacré par l’Église catholique, apostolique et romaine, à honorer saint Jean-Baptiste, les Provençaux brûlent solennellement en son honneur quelques centaines de sarments et font pétarader quelques douzaines de serpenteaux, tandis que d’autres Provençaux aspergent les spectateurs du feu à grand renfort de seringues. Cette lutte est destinée à rappeler que saint Jean arrosa ses contemporains dans les flots du Jourdain.

Grand partisan de l’hydrothérapie, je note que la large méthode du saint précurseur du Messie était, hygiéniquement parlant, beaucoup plus réconfortante pour l’organisme humain que les trois gouttes d’eau tiède de nos prêtres timorés. Ne traitez pas mon opinion de révolutionnaire, car vous n’auriez plus d’épithète exacte pour qualifier celle de mon confrère Floyer. Ce Ployer fut un célèbre médecin d’Angleterre, qui Disait très gravement : « Si les rachitiques sont aussi nombreux en Europe, c’est parce que l’on a renoncé à l’usage de l’église primitive, qui ordonnait de baptiser par immersion dans un cours d’eau ».

Saint Jean mériterait donc d’être choisi pour patron par la corporation des baigneurs, dont notre collègue Philippe est le grand maître, et, cependant, c’est surtout par des feux de joie qu’on le fête.

Lisez le curieux chapitre consacré au feu de saint Jean par mon éminent compatriote Bérenger-Féraud, directeur du Service de santé de la Marine, dans son ouvrage médullaire sur les Traditions de la Provence, vous y verrez que les Provençaux ne ménagent pas le bois pour les flambées joyeuses du 24 juin. Ici, c’est la municipalité qui inscrit à son budget le prix du bûcher ; là, les jeunes gens vont, de porte en porte, quêter des sarments ou des fagots ; partout, le feu pétille, avec ou sans accompagnement de tambourin, avec ou sans bénédiction de M. le curé, avec ou sans mise au vent de l’écharpe de M.le maire, mais toujours les flammèches du brasier légendaire sont saluées par les cris enthousiastes de la foule assemblée. Les jeunes assistants se livrent à une gymnastique savante en franchissant le feu d’un bond ; les vieux alimentent le brasier qui va s’éteindre avec des corbeilles hors de service, des paniers veufs de leur anse, des chapeaux de paille démodés, des coussins troués, ’des cages à lapin pisseuses, voire même avec des restants de bahuts branlants, disputés aux vers depuis la mort du bon roi René.

Vieux et jeunes font ainsi de la saine hygiène : les gambades pyriques des adolescents assouplissent les articulations ; les autodafés mobiliers des hommes mûrs assainissent l’habitation, ainsi débarrassée périodiquement de quelques nids à microbes.

En se divertissant de la sorte, mes compatriotes font-ils de l’hygiène, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir, ou bien ont-ils en vue quelque salutaire effet à produire ?

J’estime que les Provençaux, allumant des feux dans la rue, croient contribuer au maintien de la santé publique. Ont-ils tort ? — Non ; égayer les gens, c’est les empêcher de devenir malades, et le feu de saint Jean réjouit. De, plus, le feu passe pour chasser les miasmes et purifier le mauvais air : que cette croyance soit fondée ou non, il faut la respecter, puisqu’elle rassure des populations trop souvent visitées par les épidémies. Quand le fléau menace nos côtes méditerranéennes, le feu de saint Jean a droit au respect, aussi bien le 24 juin que les autres jours de l’année.

En 1884, quand le choléra décimait Toulon, l’autorité locale s’associa au culte des Toulonnais pour le feu de saint Jean purificateur, et elle fit bien. Je félicite sincèrement M. Bérenger-Feraud d’avoir mentionné cela dans les termes suivants : « L’épidémie durant, les habitants de chaque carrefour furent bientôt à court de vieilles caisses, de copeaux et de bois de rebut pour le feu quotidien, auquel on s’était doucement habitué, et la voix publique demandait leur continuation avec une insistance telle que la municipalité se mit en frais pour y satisfaire. Bientôt même il fallut que l’État y contribuât à son tour ; aussi, pendant plusieurs semaines, un chaland chargé de bois fut conduit, chaque jour, du port de guerre sur le quai de la ville, afin que ceux qui voulaient s’égayer un peu à la vue de la flambée vespérale pussent aller faire leur pro vision de combustible. »

L’auteur dit, dans ses commentaires : « Le public a été porté à considérer, plus ou moins, le feu de saint Jean comme une pratique nécessaire à la santé »,

Je trouve cette note bien laconique. M. Bérenger-Féraud, qui connaît mieux que moi les vieux auteurs grecs et latins, aurait pu rappeler, en s’appuyant sur des textes précis, l’ancienneté vénérable du rôle dévolu à la chaleur dans la désinfection des milieux contaminés. Ce qu’il n’a pas fait, je ne veux pas tenter de le faire ; je me borne à noter ce principe, devenu axiome dans la science moderne : à savoir que notre époque généralise avec succès l’application du feu à la destruction de tous les éléments de contage, depuis les plus bénins jusqu’aux plus terribles, sans penser, ni peu ni prou, aux brasiers allumés en l’honneur de saint Jean.

Ce pieux héros du 24 juin, dédaigné des médecins modernes, les vieux malades le considéraient bien fort, au temps où le calendrier avait des rapports directs avec la thérapeutique. En effet, lorsque sainte Catherine aidai ! les femmes en mal d’enfant, que saint Laurent était souverain contre la colique et que saint Janvier faisait concurrence aux bandagistes, saint Jean n’avait pas de rival pour guérir l’épilepsie.

Faisons, pour nous en convaincre, une petite excursion à travers les bouquins poudreux.

L’auteur de l’Apologie pour Hérodote, Henri Estienne, nous apprend que le mal caduc, mal de terre, haut-mal ou épilepsie, était dit « mal Saint-Jean ».

Dans le Livre des Monstres, d’Ambroise Paré, nous trouvons l’histoire d’un mendiant malin « qui ne savait métier autre que de contrefaire ceux qui sont travaillés du mal Saint-Jean ».

Les Mémoires de l’Académie de Médecine nous apprennent que l’expression « mal Saint-Jean », pour désigner l’épilepsie, a eu cours longtemps dans presque tout le midi de l’Europe.

Sauvage, dans sa Nosoloqie ; Portal, dans ses Mémoires ; Buchan, dans sa Médecine domestique, et nombre d’autres auteurs médecins, font usage du même terme « mal Saint-Jean » dans les chapitres consacrés à la maladie dont furent atteints César, Mahomet, Pétrarque, Molière, Napoléon et Gustave Flaubert.

Tout cela ne nous dit pas pourquoi l’épilepsie fut nommée « mal Saint-Jean » par les chrétiens, après avoir porté, chez les païens, les noms de « mal sacré », « mal des Comices », « mal d’Hercule », Avec Cullen et Naudet, nous avons le droit de penser que l’imagination des peuples primitifs, frappée de terreur en présence des symptômes de la crise épileptique, avait pu en faire remonter la cause jusqu’à la colère des dieux ; mais nous ne comprenons pas comment saint Jean est venu prendre la place d’Hercule dans la pathologie, même après avoir consulté le Dictionnaire critique des reliques, de Collin de Plancy, ouvrage aussi fécond en explications audacieuses, qu’en renseignements techniques indiscrets. Le tome II de ce recueil fait mention d’une fontaine, dite de Saint-Jean-du-Doigt, dans le Finistère, dont les eaux guérissent tous les membres qui y sont plongés ; il parle encore d’un oratoire de Saint-Jean de Latran, à Rome, dans lequel les femmes ne peuvent pénétrer sans accident fâcheux, à cause d’un miracle perpétuel rappelant que saint Jean fut décapité à l’occasion d’une mauvaise femme ; il dit aussi qu’on garde à Venise une pierre teinte du sang de saint Jean-Baptiste, dont le contact est salutaire contre le rhumatisme ; mais, des raisons de l’intervention de saint Jean dans l’épilepsie, le prolixe Collin ne dit absolument rien.

Comme lui je m’abstiens. Cependant je note encore, pour vider mon sac, que les vieilles femmes de Marseille saluent l’enfant qui éternue de la formule : San Jan ti creisse !(saint Jean te fasse grandir !) Enfin, pour bien montrer ’qu’en traitant mon sujet de pathologie sacrée, je n’ai point l’intention de manger du prêtre, je fais appel à un membre du clergé, capable d’élucider la question du mal Saint-Jean : ce prêtre est un archéologue de premier ordre, un érudit et un chercheur, M. l’abbé Arbellot, lequel n’a pas cru. encourir les foudres ecclésiastiques en présentant au Congrès des Sociétés savantes de la Sorbonne un Mémoire, excessivement intéressant, sur le culte des saints, les pèlerinages et les pratiques religieuses au point de vue de la guérison des maladies.

Passons à un autre sujet, avec la transition réglementaire, s’entend. Les rois, disait-on autrefois, sont les représentants de Dieu sur la terre. Entre les saints et les rois il y avait fatalement un trait d’union. A côté de l’autel, il faut donc faire une place au trône. Opérer autrement serait contraire à toute bonne tradition monarchique.

Ergo, les rois furent, eux aussi, dotés de propriétés curatives vénérées. Voulez-vous savoir si Rabelais les trouvait vénérables ? Lisez avec moi ce chapitre de la Reine Quinte :

En la seconde galerie, le capitaine nous montra la reine, belle, délicate, vêtue gorgiasement, au milieu de ses damoiselles et gentils hommes. Le capitaine nous dit : soyez spectateurs attentifs de ce qu’elle fait. Vous, en votre royaume, avez quelques rois, lesquels fantastiquement guérissent certaines maladies, comme scrophule, mal sacré, fièvre quarte, par seule opposition des mains, mais cette reine notre de toutes maladies guérit sans y toucher, seulement leur sonnant une chanson selon la compétence du mal. Puis noirs montra les orgues, desquelles sonnant, faisait ses admirables guérisons. Ces orgues étaient bien étranges, car les tuyaux étaient de ’casse ’en canon, le sommier de gaïac, les marchettes de . rhubarbe, le suppied de turbith, le clavier de scammonée.

Si scammonée, turbith, rhubarbe, gaïac et casse sont ainsi figurés comme matériaux de l’orgue dont les airs guérissent les maladies, cela revient à dire tout simplement que, pour faire de la pharmacie, ce n’est pas un monarque qu’il faut, c’est un pharmacien.

Peut-être n’est-il pas inutile de noter ici un détail important qu’enregistra mon ami Chereau, déjà nommé : « Quand le toucher des écrouelles avait lieu à l’occasion du sacre, le roi allait entendre la messe à Saint-Marcoul, chapelle située à peu de distance de Reims ; mais, à une date incertaine, on trouva plus simple de faire transporter à Reims la châsse et les reliques du saint ».

Dans ses confessions professionnelles, intitulées le Médecin de Campagne, l’excellent Munaret, qui ne manquait pas de piété, a naïvement écrit : « La royale prérogative de guérir les écrouelleux par le toucher a été retirée à l’homme couronné ; il n’y a plus que saint Marcoul, de qui nos monarques tenaient ce don surnaturel, qui continue à en user dans la banlieue de Corbey, diocèse de Laon ».

A tout auditeur qui verrait dans ces commentaires une attaque contre la religion, j’affirme que, ayant le plus profond respect pour toutes les convictions sincères, je serais désolé d’en avoir blessé une seule parce que j’ai ri, avec Rabelais, de la ceinture de sainte Marguerite, des jarretières de sainte Honorine ou de quelques autres capharderies.

J’ai pensé qu’on pouvait, à l’aurore du XXe siècle, secouer les préjugés d’antan, sans scandaliser les gens d’esprit ; j’ai cru faire œuvre morale et œuvre médicale en paraphrasant, à propos de Gargantua et de Pantagruel, ces belles pensées de Dupuis :

« Sommes-nous malades, ce n’est point dans les temples, ni au pied des autels, que nous devons chercher des secours : c’est à l’art de la médecine à nous les procurer. Si les médecins sont impuissants, les prêtres le seront encore plus. La confiance que l’on a aux secours qu’offre la religion a cet inconvénient qu’elle nous rend moins actifs dans les recherches des remèdes, qu’elle nous jette dans une sécurité funeste, et que l’espoir dans les secours qu’envoie le ciel nous prive souvent de ceux que nous présente la terre. »

Ici finit ma conférence — ou ma compilation — sur, ou à côté de Rabelais-médecin. Que ceux qui l’ont trouvée trop médicale me pardonnent, comme me pardonneront ceux qui pensent qu’elle ne l’a pas été assez à leur gré. Que tous acceptent mes remerciements bien sincères pour la patience avec laquelle ils ont daigné m’écouter.


Pro domo. — Les dates ayant l’éloquence des chiffres, puisqu’elles sont les chiffres du temps, je profite de l’occasion qui se présente pour rappeler que le titre de Rabelais-médecin m’appartient en propre depuis 1879, année où j’ai publié mon premier volume de Commentaires [3]. Ce volume avait une préface significative qui a été un peu trop oubliée en ces derniers temps, c’est pourquoi je la reproduis :

PRÉFACE,

Il y a environ un siècle, un rédacteur de l’Encyclopédie écrivait : Rabelais est bien plus connu dans le monde savant par ses facéties spirituelles que comme médecin.

Ce qui était vrai du temps de Diderot et de d’Alembert est encore vrai aujourd’hui ; et pourtant l’auteur de Pantagruel a été étudié et commenté de cent façons.

Les Le Duchat, les Bernier, les Lemotheux, les Marsy, les Ginguené, les Johanneau, les Lacroix, les Rathery, les Desmarets, ont donné de ses œuvres des éditions recommandables et précieuses à plus d’un litre : ceux-ci ont montré dans Rabelais le satirique profond, le philosophe hardi ; ceux-là ont fait voir en lui le conteur agréable, le représentant le plus autorisé de la plaisanterie gauloise. Tous ont admiré en lui l’universalité des connaissances, mais nul n’a songé à présenter au lecteur Rabelais homme de sciences, — nous employons le mot sciences dans sa signification opposée à celle du mot lettres, — nul ne s’est attaché à commenter, à étudier Rabelais médecin.

Alors qu’on s’était mis l’esprit à la torture pour faire concorder avec l’histoire politique et galante d’un siècle les aventures de personnages imaginaires, éclos dans le cerveau d’un écrivain, il n’est venu à personne l’idée naturelle de remarquer que cet écrivain était médecin, et qu’on pourrait trouver dans ses livres le tableau rétrospectif de la médecine de son temps, Cette idée que nul n’avait songé à mettre en pratique, nous l’avons eue ; cette besogne spéciale que nul n’a songé à tenter, nous l’avons entreprise ’et nous venons offrir au public savant, sous forme de notes accompagnant le texte de Rabelais, le résultat de nos recherches.

Notre publication a-t-elle quelque chance d’être bien accueillie ? Cela n’est pas impossible. Les amis de la vieille littérature pourront trouver quelque intérêt à un travail qui est de nature à éclaircir d’anciens textes ; les médecins reconnaîtront, peut-être, avec nous, qu’extraire l’essence et le germe de la science d’un ouvrage réputé frivole est une œuvre saine et digne d’un homme sérieux.

Nous avons dit à nos lecteurs quel est notre dessein ; nous n’avons plus qu’à ajouter ceci avant d’entrer en matière : Nous nous considérerions comme amplement payé d’un labeur de plusieurs années si nos notes et nos éclaircissements parvenaient à propager cet axiome :

Rabelais n’est pas seulement le premier des satiriques français, le père de Voltaire et de Molière, c’est encore un grand médecin.

Félix Brémond

[1Malgré cette durée un peu longue, pour remercier sainte Marguerite, la reine fit don à l’abbaye de Saint-Germain des Prés d’une belle figure d’argent représentant la sainte, qui coûta cinq cents écus… aux contribuables, s’entend.

[2Saint Roch rit : Nous n’aurons pas la peste.

[3Rabelais médecin, avec notes et commentaires, par Félix Brémond. Gargantua ; Paris, 1879.

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