Le Soleil a une atmosphère, la couronne solaire, qui constitue autour de l’astre chaud et lumineux un autre astre, visible seulement pendant les éclipses totales, siège de phénomènes électriques intenses.
Ce soleil électrique a un diamètre deux ou trois fois supérieur à celui du Soleil lumineux. Il a donc un énorme volume et il exerce à la surface des planètes des actions naguère encore à peine soupçonnées, qui jouent un rôle essentiel dans tous les phénomènes de la vie planétaire.
Ces actions ont des périodes de toute durée, depuis la courte durée de rotation des planètes jusqu’au laps de temps immense qu’exige le cycle des variations d’excentricité des orbites. La période la plus facile à reconnaître est celle des déformations undécennales de la couronne, dite période des taches solaires, parce que le nombre et les dimensions des taches du Soleil obéissent à une périodicité qui n’est autre que celle des changements d’état de la couronne.
La découverte de la périodicité des taches solaires date de 1826. Si elle n’a pas été rapidement suivie de la découverte d’autres phénomènes obéissant à la même périodicité, ou du moins si la vérité n’a pas été admise immédiatement pour tout le monde, cela tient à ce que les actions électriques produisent à la surface de la Terre des effets complexes : le maximum d’un phénomène en un point de notre globe peut correspondre à un minimum en un autre point. Il en résulte que quand on fait des statistiques d’ensemble, en mélangeant des chiffres de toute provenance, les lois réelles sont masquées au point de n’être plus reconnaissables.
La distribution de l’électricité sur la Terre dépend essentiellement de la latitude.
Il en est de même sur le Soleil, comme on va le voir.
I. - L’électricité dans la couronne
L’atmosphère du Soleil a sa région supérieure à très basse température ; sa région inférieure, en contact avec la photosphère, à très haute température. Des courants verticaux violents doivent donc y exister et de cette très grande inégalité de température résulte la conversion d’une partie de l’énergie thermique en énergie électrique.
Toute la couronne est fortement électrisée. Ce qui le démontre, c’est que, malgré son énorme volume, l’atmosphère du Soleil n’exerce pas de fortes pressions sur la photosphère : les raies du spectre sont nettes tandis qu’elles seraient diffuses si la photosphère était comprimée.
Les répulsions électriques font équilibre à l’attraction solaire.
Il en résulte que les planètes peuvent, malgré leur petitesse relative et leur éloignement, déformer la couronne. Elles exercent ainsi une action directrice sur les énormes forces en état d’équilibre instable dont l’atmosphère solaire est le siège.
Les planètes exercent sur la couronne des actions d’entraînement semblables à celles qu’exerce la Lune sur l’atmosphère terrestre.
Sur la Terre l’atmosphère se partage [1] en deux ellipsoïdes : l’un tournant de l’Ouest à l’Est sous l’entraînement de la Lune ; l’autre, plus ou moins complet aux fortes latitudes, tournant de l’Est à l’Ouest. Ces deux ellipsoïdes se pénètrent, formant ainsi une surface d’aspect analogue à celui de la surface de l’Onde de Fresnel : leurs régions d’interférence, entre 12° et 35° de latitude, sont sur la Terre des régions désertiques.
Sur le Soleil, il se produit des effets analogues, principalement sous l’influence de Jupiter. La couronne est parcourue par des courants parallèles à l’équateur. Les zones désertiques de la Terre deviennent les zones des taches solaires : ce sont les zones où deux courants de sens contraire se rencontrant peuvent s’annuler réciproquement (période où il n’y a pas de taches) ou donner naissance à des tourbillons dont l’axe est tangent à la surface solaire et qui ne sont autres que les taches [2].
L’existence de courants atmosphériques parallèles à la surface de l’astre et parallèles à l’équateur suppose l’existence de courants électriques continus [3].
Tous les astres, même les soleils, étant ainsi couverts de courants continus, il en résulte ce fait essentiel que, pour tous, leurs vitesses radiales, dues à l’excentricité des orbites des planètes, doivent alternativement augmenter ou diminuer l’intensité de ces courants, en vertu de la loi de Lenz.
Il existe entre deux astres des réactions semblables à celles qui se produisent entre l’induit et l’inducteur d’une dynamo. Ce sont les réactions électro-dynamiques.
Il y a en plus d’un astre à un autre des effets de décharge électrique, effets d’induction leyd-électrique qu’il serait d’ailleurs impropre d’appeler effets électrodynamiques, - lorsqu’un des deux astres peut émettre des vibrations électriques. C’est le cas du Soleil ; c’est très vraisemblablement aussi le cas de Jupiter qui parait être un petit soleil à peine éteint, chauffant encore ses satellites.
Le Soleil émet des décharges électriques à vibrations lentes : le fait est prouvé par les déviations que les tempêtes solaires impriment à l’aiguille aimantée. Il doit émettre la série continue des vibrations de toutes vitesses [4].
Mais ce sont les courants continus et non les décharges leyd-électriques qui interviennent principalement dans les phénomènes périodiques.
Périodicité des taches. - On sait que les taches solaires obéissent à une périodicité complexe. La durée de la période est de 11 ans en moyenne, mais elle varie entre 9 et 13 ans. On a en plus reconnu [5] l’existence d’une grande période de 55 ans, variant entre 50 et 60 ans.
Cette périodicité s’explique par l’action superposée de deux causes :
1° L’influence de l’entraînement mécanique des gaz de la couronne, due à l’attraction des planètes,
2° L’influence des réactions électro-dynamiques des planètes.
Au point de vue de la première cause, Jupiter et Saturne exercent un effet prépondérant, en raison de l’importance de leurs masses et de la lenteur relative de leur vitesse orbitale. Mercure, Vénus, la Terre et Mars n’agissent que pour déterminer des sous-périodes.
Au point de vue de la deuxième cause, Jupiter et Saturne doivent également avoir un effet prépondérant, tant à cause de leur activité électrique - que la chaleur de leur surface fait considérer comme très probable - qu’en raison de la forte excentricité de leur orbite.
Mercure, en raison de sa proximité et de la très grande excentricité de son orbite, exerce un effet qui peut être marqué [6] mais à très courte période (88 jours).
L’entraînement mécanique des gaz de la couronne donnera une première période qui sera caractérisée par les conjonctions et les oppositions de Jupiter et de Saturne et qui aura pour durée l’intervalle de temps qui s’écoule entre une conjonction et une opposition ou réciproquement, soit 9 ans 92.
Les réactions électro-dynamiques de Jupiter donneront une deuxième période dont la durée sera celle de la révolution de Jupiter.
Les actions dues à la deuxième cause sont alternativement positives et négatives. Les maximums et les minimums seront sépares par un intervalle de 11 ans 86/2.
On trouve comme résultante une courbe très complexe, à périodes variables, à portions ascendantes plus courtes que les portions descendantes. Le tracé de cette courbe dépend des rapports qu’on admet entre la valeur de l’ordonnée maximum de la deuxième sinusoïde et les valeurs des ordonnées des maximums et des minimums de la première sinusoïde. On voit que la durée moyenne de la période doit être comprise entre 10 et 12 ans et que la superposition des deux sinusoïdes peut expliquer toutes les particularités de la périodicité des taches solaires.
Si d’ailleurs on combine entre elles les conjonctions et oppositions de Saturne et d’Uranus, pour l’entraînement mécanique, et la sinusoïde à période de 22 ans 68 ainsi obtenue avec la sinusoïde à période de 29 ans 46 provenant des actions électro-dynamiques de Saturne, on trouve une courbe résultante à période moyenne comprise entre 22 ans 68 et 29 ans 46. Deux périodes de cette courbe, en embrassant cinq périodes de la courbe principale, périodes d’une durée moyenne de 11 ans 1, donnent la grande période de 55 ans 5.
Les conjonctions d’Uranus et de Neptune, avec réactions électro-dynamiques d’Uranus, laissent prévoir une période tri-centenaire.
Les trois plus grosses planètes, Jupiter, Saturne et Uranus, agissent ainsi comme principaux régulateurs de l’activité solaire.
II. - LES EFFETS DE MASSE.
Nous venons de voir les effets périodiques produits sur la couronne solaire par le mouvement des planètes.
La zone des taches solaires éprouve des balancements dans lesquels peuvent intervenir les masses électriques des planètes.
L’électricité se trouvant principalement là où il y a le plus de mouvement, c’est-à-dire à l’équateur des astres, on ne peut assimiler les astres à des sphères recouvertes d’une couche d’électricité de densité constante, mais bien à des sphéroïdes couverts de quantités d’électricité croissant des pôles à l’équateur et produisant des effets de masse semblables à ceux d’un ellipsoïde de matière, plein mais aplati.
Il doit en résulter pour les sphéroïdes électriques un mouvement conique de l’axe, mouvement semblable à celui des axes des sphéroïdes de matière - qui cause sur notre planète la précession des équinoxes - mais beaucoup plus rapide.
Sur la Terre le sphéroïde électrique tourne en six siècles environ.
C’est le phénomène de la rotation des pôles magné tiques.
Le magnétisme terrestre ne peut être attribué à l’aimantation d’un noyau central métallique, puisqu’il est extrêmement probable que ce noyau a une température supérieure à celle (600°) qui dépouille les corps de leurs propriétés magnétiques, mais bien, comme l’a fait remarquer M. Rücker [7], à l’électrisation par induction des roches magnétiques de l’écorce terrestre. Cette écorce doit avoir une vingtaine de kilomètres d’épaisseur, dont la plus grande partie semble constituée de roches lourdes et basiques, riches en péridot, et par conséquent, susceptibles de s’aimanter. L’aimantation de cette couche de notre globe est susceptible de produire à la surface des effets de l’ordre de grandeur de ceux qu’on a observés. Les accidents de l’écorce terrestre expliquent du reste les irrégularités de la rotation du sphéroïde magnétique qui se déforme perpétuellement en tournant.
IlL - Les variations de l’aiguille aimantée et les aurores polaires
C’est par l’étude du magnétisme terrestre qu’on a pu tout d’abord reconnaître l’influence des variations d’état du Soleil sur la Terre.
La relation entre les périodes des taches solaires et celles des mouvements de l’aiguille aimantée a été mise en évidence par Sabine et Wolf, l’astronome de Zurich, qui avait su dresser le tableau des maximums et minimums des taches depuis l’époque de l’invention des lunettes.
Les mouvements continus de l’aiguille aimantée décèlent un mouvement de nutation des pôles magnétiques qui peut s’expliquer par le balancement de l’aire des taches solaires [8] et par les variations d’intensité des actions électro-dynamiques, variations d’intensité qui en raison du défaut d’homogénéité de l’écorce terrestre entraînent une variation de la répartition du magnétisme.
Les aurores polaires obéissent à des variations de même périodicité, comme l’ont montré Loomis et Zollner.
Observées depuis 1700, [9] elles ont même fait ressortir la période de 55 à 56 ans.
Les aurores polaires sont incontestablement dues à des phénomènes électriques, comme l’a montré M. Lemström [10], dont la position et l’orientation sont réglées par le magnétisme terrestre. On peut les considérer comme des décharges électriques qui se produisent dans les hautes couches de l’atmosphère, fonctionnant comme résonateurs des vibrateurs du Soleil.
Aussi bien les tempêtes magnétiques coïncident-elles avec les tempêtes solaires et avec les aurores.
Celles-ci présentent dans les zones tempérées des minimums aux solstices, quand les vitesses relatives de la Terre et du Soleil sont minimums, et des maximums aux équinoxes, quand les vitesses relatives sont maximums, quand par conséquent les réactions électro-dynamiques sont maximums.
Il y a un minimum des aurores dans la première partie de la nuit et un minimum à la fin ; de même qu’il y a un maximum et un minimum du potentiel électrique dans l’atmosphère lorsque le Soleil est sur l’horizon. Ces variations du potentiel s’expliquent pas les réactions électro-dynamiques dues à la rotation de la Terre.
Le pôle des aurores (région où le nombre d’aurores polaires atteint son maximum) a un mouvement de nutation, dont la période est celle des taches solaires [11], semblable à celui du pôle magnétique, mais plus accusé, parce que l’inertie du sphéroïde électrique de l’atmosphère est moindre que celle du sphéroïde magnétique de la croûte terrestre.
Enfin si la périodicité des aurores a partout même durée que celle des taches solaires, il faut remarquer que les maximums des contrées arctiques (observations de MM. Kleinsmidt et Tromholt) correspondent aux minimums des régions situées sur le bord septentrional de la zone tempérée.
IV. - Les pluies
Nous allons retrouver des lois toutes semblables dans le phénomène des pluies.
La relation entre la périodicité des pluies et celle des taches solaires a été constatée par des observateurs, qui ignoraient les travaux de leurs contemporains ou devanciers, au Cap, dans l’Inde, en Finlande, en Algérie et à Paris.
Figurons schématiquement ci-dessous les trois aires pluvieuses de la Terre [12], représentées par trois bandes, limitées par des parallèles. Si l’on fait abstraction du mouvement annuel de balancement de ces aires, d’amplitude d’une dizaine de degrés, qui par suite de l’entraînement du Soleil les emporte, toutes trois et tout d’une pièce, alternativement vers le Nord et vers le Sud, on peut dire que pendant la période des taches solaires :
Les trois bandes pluvieuses se contractent et se dilatent alternativement, le maximum de contraction correspondant au minimum des taches.
Les bords des trois bandes se comportent comme de véritables plages des océans des nuages, sur lesquelles ce mouvement de flux et de reflux est parfaitement apparent, tandis qu’à l’intérieur des aires pluvieuses les contractions et dilatations successives produisent des effets peu marqués et variables suivant la position des points, le resserrement de la bande entraînant des séries de plissements locaux.
On peut dire qu’à l’intérieur des zones tempérées et pluvieuses le phénomène n’était pas beaucoup plus aisé à découvrir que ne l’aurait été celui des marées pour des marins restant toujours en pleine mer. M. C. Flammarion a pourtant constaté dans la courbe des pluies de Paris des ondulations de même période que celle des taches solaires.
Les maximums de ces ondulations correspondent aux minimums de la Finlande, et du nord de l’Allemagne (M. Lemström et M. Fritz), tout comme le maximum des aurores des pays tempérés correspond avec le minimum des aurores arctiques.
Les minimums de la Finlande coïncident avec les minimums de Constantine, tandis qu’aux époques pluvieuses de l’Angleterre et du centre de la France correspondent des sécheresses sur les Plateaux algériens et : sur ceux d’Anatolie [13].
Pour l’hémisphère austral les observations de M. Meldrum au pays du Cap, qui datent déjà d’une trentaine d’années, et celles toutes récentes de M. G. Carrasco sur les crues des rivières de la Plata montrent bien la relation entre la période des pluies et celle des taches solaires. La bande pluvieuse se contracte aux mêmes époques que celle de l’hémisphère boréal, par raison de symétrie.
Quant à la bande pluvieuse équatoriale rien ne dirait, a priori, si ses époques de contraction ne concordent pas avec celles de la dilatation des bandes des pays tempérés. Mais nous savons que les sécheresses du Dekhan [14] (1877, 1897) coïncident avec celles de l’Algérie. La bande équatoriale se contracte donc en même temps que les bandes des pays tempérés.
Pline (cité in Duveyrier, les Touaregs du Nord, par Vivien de Saint-Martin) dit d’ailleurs expressément que les crues du Nil coïncident avec les époques de pluies de la Maurétanie.
Les peuples anciens savaient souvent observer. La nécessité a de même fait de bons observateurs des Touaregs qui ont remarqué que dans le Sahara central, sur les montagnes élevées qui forment un îlot à condensations pluvieuses au milieu du pays de la soif, les années se succèdent d’après la loi suivante : de 1 à 3 années pluvieuses, suivies de 6 à 12 années sèches, en moyenne 2 années pluvieuses suivies de 9 années sèches. La période pluvieuse correspond avec le maximum d’humidité en Algérie.
En plein Sahara le phénomène de la périodicité se présente avec une netteté singulière.
Sur les plateaux de Constantine il n’est guère moins marqué. Entre une année du maximum d’humidité et une année de grande sécheresse la hauteur d’eau pluviale peut varier dans le rapport de 3 à 1.
La plage sur laquelle se produit très nettement le flux et le reflux de la mer des nuages n’a guère que 100 à 150 kilomètres de profondeur, à peu près un degré du méridien. Le mouvement de balancement de l’aire pluvieuse a une amplitude du même ordre que celui du pôle des aurores. Ce pôle se comporte bien comme le pôle géométrique des parallèles des pluies.
Les similitudes du phénomène des aurores et du phénomènes des pluies nous induisent à penser que le dernier est dû comme le premier à des courants électriques.
Il faut d’ailleurs en revenir toujours à l’électricité pour expliquer le phénomène des pluies, d’apparence si simple, et on ne voit pas ce qui pourrait alternativement attirer ou repousser les nuages en dehors d’une attraction ou d’une répulsion électrique.
Ces considérations sont d’ailleurs fortement confirmées par ce fait qu’à Constantine soixante années d’observations pluviométriques montrent que les maximums et minimums des pluies, tout en se succédant comme les maximums et minimums des taches, sont en avance sur ceux-ci ordinairement d’une année. Ainsi la courbe des débits du Rummel au mois d’août à Constantine, courbe qui n’est autre que celle des taches solaires avancée d’un an, en accusant un minimum marqué en 1897 a permis de prévoir que le minimum des taches se produirait en 1898, ce qui a eu lieu en effet. Or Airy a bien montré qu’il a des courants telluriques précédant les variations magnétiques. Ces derniers coïncidant, sans retard, avec l’allure des taches solaires, on voit que les pluies sont dues à des courants électriques dont les maximums ou minimums sont en avance sur les maximums et minimums des taches et concordent vraisemblablement avec les maximums et minimums des courants électriques du Soleil.
De l’examen de ces faits on doit tirer deux conclusions, l’une d’ordre pratique, l’autre d’ordre théorique.
La première est qu’on peut prédire le retour des époques d’humidité et de sécheresse. L’étude des taches solaires montre en effet la loi suivante, qui n’est qu’une loi empirique, mais appuyée sur trois siècles d’observations :
Prenons quatre périodes consécutives quelconques et considérons : 1° la période a, qui précède immédiatement ces quatre périodes ; 2° la période b, qui les suit immédiatement. La période a et la période b auront même durée à un an près.
De là le moyen de prédire, à un an près, la durée d’une période de taches et par conséquent celle d’une période de pluies [15].
L’autre conclusion est qu’il y a sur la Terre des zones d’interférence et des zones de maximum d’intensité des courants électriques tout comme sur le Soleil. Il est extrêmement remarquable que les zones d’interférence des courants électriques coïncident avec les zones désertiques, c’est-à-dire avec les zones d’interférence des courants atmosphériques. Peut-être y a-t-il là des effets d’interférence d’entraînement de l’éther ; mais on peut y voir aussi des effets d’interférences d’ondulations électriques analogues à ceux que Savary a réalisés dans une mémorable expérience déjà vieille et à peu près oubliée, où la découverte de Hertz était contenue en germe (Verdet, Conférences de physique I, 401 : effets produits sur des aiguilles placées parallèlement entre elles et perpendiculairement à un fil dans lequel on fait passer des décharges).
Le balancement des aires pluvieuses est tout semblable à celui des zones des taches du Soleil ; semblable aussi au balancement de nutation des pôles magnétiques bien que ce dernier soit moins marqué.
L’intime corrélation qui existe entre les courants électriques et le phénomène des pluies fait supposer que ce dernier dépend aussi du grand et lent mouvement de rotation des pôles magnétiques qui s’opère en six siècles environ. L’étude des variations de l’Oxus confirme cette manière de voir [16]. Les oscillations lentes des aires pluvieuses et par contre-coup les migrations des peuples et l’histoire tout entière de l’humanité paraissent obéir à des lois périodiques que régit l’attraction des masses électriques.
V. - Les variations de latitude et du niveau des mers
On vient de voir que les mouvements de flux et de reflux du bord des zones nuageuses doivent provenir d’attractions de courants électriques périodiques.
Ce flux et ce reflux doivent se faire sentir également sur le niveau des mers.
Les attractions électriques dévient la direction et l’intensité de la force normale aux surfaces de niveau, de la pesanteur apparente.
II y a déjà une trentaine d’années que d’Abbadie a constaté les variations de la position du fil à plomb, auxquelles les astronomes n’ont d’abord pas accordé l’attention qu’elles comportaient.
Depuis une dizaine d’années, l’étude de la question est entreprise avec assiduité en de nombreux points de la Terre, mais avec le titre singulier d’ « étude des variations des latitudes ». Constatant en effet que la direction de l’axe de rotation de la planète et celle de la pesanteur ne font pas un angle constant, les astronomes en ont conclu que la Terre était sujette à des mouvements de bascule.
Rien ne prouve que ces mouvements de bascule soient impossibles, mais de la variation de l’angle de ces deux directions il est bien plus naturel de conclure à la variation de la direction de la pesanteur apparente qu’à la variation de la direction de la ligne des pôles.
De ce qui a été dit plus haut pour les balancements des courants électriques qui causent les balancements des pôles magnétiques, des pôles des aurores et des aires pluvieuses, on peut conclure que les variations de latitude obéissent à une périodicité qui est celle des taches solaires.
Dès 1895 (Comptes rendus de l’Académie des sciences du 18 mars 1895) M. F. Gonnessiat annonçait que l’étude des latitudes de Lyon lui montrait l’existence d’une période de 9 à 10 ans. En 1897 (Comptes rendus du 3 mai 1897), M, Gonnessiat confirmait cette période dont il fixait la valeur à 9 ans 3. Ce chiffre représentant la moitié de la durée du cycle lunaire, il en concluait que la Terre subissait un mouvement de bascule dû à la Lune.
Or la dernière période des taches solaires (1889 à 1898) se trouvent précisément avoir eu une durée de 9 ans. On peut en conclure que les observations de M. Gonnessiat confirment l’existence pour les variations de latitude de la période des taches solaires, due aux réactions électro-dynamiques de la couronne et de la Terre.
Les réactions électro-dynamiques permettent d’expliquer toutes les particularités des variations de latitude, particularités « sur l’interprétation desquelles les astronomes sont loin de s’accorder [17]. »
Ces variations obéissent à une période d’un an que d’Adhérmar expliquait par les variations de précipitations de neige aux pôles et qui s’explique mieux par les réactions électro-dynamiques dues à l’excentricité de l’orbite de la Terre.
D’autres périodes existent. M. Chandler en a d’abord indiqué une de 430 jours. M. Gonnessiat (1895 et 1897) a fait remarquer qu’il fallait en ajouter une autre de 657 jours. En réalité, si l’on examine le graphique du déplacement apparent du pôle donné par M. Albrecht (Bulletin de la Société astronomique de France, n° d’octobre 1898, p. 449) on peut voir que le point figuratif de la position du pôle tourne de 360° autour d’un point fixe en un temps qui est très variable et qui varie entre un an et un an et quatre mois.
Ce résultat s’explique parfaitement si on fait intervenir les réactions électro-dynamiques de Vénus, Mars, Jupiter et Saturne.
Les planètes ont des surfaces et une activité électrique bien inférieure à égalité de surface - si ce n’est sur Jupiter - à celle du Soleil. Mais les vitesses de rapprochement ou d’éloignement qui engendrent les réactions électro-dynamiques sont bien plus grandes entre la Terre et une planète qu’entre la Terre et le Soleil. Il peut se produire des réactions électro-dynamiques de quelque importance et de périodes plus longues qu’un an :
Entre la Terre et Vénus, durée de la période | 584 | ||
Entre la Terre et Mars, durée de la période | 792 | ||
Entre la Terre et Jupiter, durée de la période | 399 | ||
Entre la Terre et Saturne, durée de la période | 378 |
On peut se rendre compte rapidement que les réactions de Saturne sont faibles par rapport à celles de Jupiter et les réactions de Mars faibles par rapport à celles de Vénus.
On voit donc que les planètes introduisent des variations d’une durée moyenne comprise entre 399 et 584 jours, mais plus rapprochée de 399 jours que de 584, l’action de Jupiter étant plus forte que celle de Vénus. On trouve ainsi une durée d’accord avec la durée moyenne de 1 an et 2 mois constatée par l’observation.
Pour étudier les variations des latitudes on devra donc déterminer expérimentalement les coefficients de termes périodiques à durée de 360, 378, 399, 584 et 792 jours.
Il faut y ajouter un terme à période courte, mais variable, de 106 à 130 jours, dû à l’action de Mercure, qui ne peut être négligeable, comme on le verra plus loin.
Cela fait donc sept termes périodiques, cinq à durée constante et deux à durées variables (Mercure et la périodicité des taches solaires).
Un huitième terme dont la durée sera celle de la révolution de Jupiter, soit 11 ans 86, pourra même être employé pour tenir compte des variations que doit subir le potentiel électrique de cet astre pendant sa translation, par suite de l’excentricité de son orbite.
Un neuvième terme sera dû à la rotation du globe solaire.
En somme il faut procéder pour l’étude des variations des latitudes, et par conséquent pour celle des variations de l’aiguille aimantée et pour celle des pluies, comme les Anglais ont procédé pour l’étude des marées, par ce qu’ils ont appelé l’analyse harmonique (voir Hatt, Des marées), avec cette différence qu’on connaît d’avance exactement la durée de presque tous les termes périodiques et qu’il ne s’agit plus que de déterminer des constantes en dehors des signes trigonométriques.
L’étude des marées a du reste été poussée si loin que le marégraphe lui-même devient un instrument d’étude de l’activité électrique des astres. Sous les grosses variations de niveau dues aux marées lunaires et aux vents, on peut retrouver de petites variations allant jusqu’à plusieurs centimètres, et mesurées ordinairement en millimètres, variations parallèles aux variations de latitude observées avec les instruments de précision des astronomes [18].
VI. - Les grandes marées géologiques et la stabilité du système solaire
Ces variations d’apparence si insignifiante prennent, en s’accumulant au cours des siècles, une amplitude qui en fait le phénomène le plus important que nous ait révélé la géologie.
Dans un livre, Das Antlitz der Erde, qui est un monument d’érudition [19], M. Ed. Suess a établi dès 1888 qu’il y avait dans le niveau des mers de grandes oscillations périodiques, de durées fort inégales mais toujours énormes, oscillations qu’on retrouvait sur toute la surface du globe et qu’on ne pouvait confondre avec les mouvements brusques auxquels donnent lieu les effondrements locaux de l’écorce terrestre.
L’idée que l’hydrosphère constitue un ellipsoïde de forme invariable s’impose tellement au plus grand nombre des esprits qu’elle n’a pas été immédiatement bouleversée par la découverte de Suess. La littérature géologique voit encore des mouvements d’oscillations du sol ou des effondrements chaotiques là où Suess a montré l’existence d’un phénomène régulier.
Qu’il y ait des mouvements d’oscillations périodiques du sol, cela est possible ; cela paraît même tout à fait probable et nous reviendrons spécialement sur ce point [20] . Mais les grands mouvements mis en évidence par Suess tiennent essentiellement aux déformations périodiques de l’hydrosphère. À partir du moment où l’on est obligé de reconnaître l’existence de déformations périodiques, il est certainement plus naturel de les rapporter à l’hydrosphère que de les attribuer à la lithosphère ; et ce qui a été dit plus haut nous permet de montrer la relation qui existe entre ce phénomène d’apparence si surprenante et d’autres phénomènes, à courte durée, de la physique terrestre.
La relation apparaît avec une netteté toute particulière lorsqu’on a, d’une lecture attentive de Suess, dégagé la loi suivante qui n’est pas énoncée par le géologue de Vienne : les fluctuations des mers tertiaires sont insignifiantes dans les zones des latitudes désertiques ; elles sont très accusées dans les latitudes qui correspondent aux trois aires pluvieuses de notre temps, aires des pays tempérés et aire de la zone équatoriale.
À l’intensité et à la durée près, le phénomène apparaît ainsi comme identique à celui des déformations de l’atmosphère des nuages qui correspondent aux contractions et dilatations des aires pluvieuses signalées plus haut.
Il n’est pas autre que celui des variations du niveau des mers à période un décennale des taches solaires. Il met seulement en évidence de grandes périodes de variations des taches solaires et des réactions électro-dynamiques.
Ces grandes périodes ne sont autres que celles des variations de distances, d’inclinaisons et d’excentricité des orbites des planètes établies et calculées par la mécanique céleste.
Ces variations correspondent à des changements d’équilibre électrique sur la Terre pour les raisons suivantes :
1° Les changements d’inclinaison des orbites, et les changements d’excentricité qui correspondent aux changements des valeurs des vitesses radiales des planètes, spécialement de Jupiter, Saturne et Uranus, modifient les formes d’équilibre électrique de la couronne solaire : la durée de la période des taches reste sensiblement ce qu’elle est aujourd’hui, mais l’amplitude du balancement des taches et l’intensité d’action électrique de la couronne sont changées : d’où des variations semblables dans la figure d’équilibre électrique de la Terre ;
2° Les changements d’excentricité de l’orbite terrestre doivent, en modifiant les vitesses radiales, non seulement modifier l’écart qui existe entre l’état de la Terre au moment du maximum des taches et son état au moment du minimum, mais encore modifier le potentiel absolu moyen de la Terre.
En effet, dans la période de l’année où la Terre se rapproche du Soleil, il y a conversion d’énergie cinétique en énergie électrique, les courants électriques augmentent d’intensité. Dans la période d’éloignement, c’est l’effet contraire qui se produit ; l’énergie électrique diminue et se convertit en énergie cinétique. Mais ces différentes transformations ne se font pas sans pertes, car une partie de l’énergie se convertit en chaleur. La fraction d’énergie ainsi perdue doit varier avec l’intensité des actions électriques et par conséquent le potentiel absolu moyen change périodiquement avec le cours des temps.
Pour la même raison le potentiel du Soleil et celui des planètes doivent subir des variations à grande période.
Et ces variations de potentiel, d’après la distribution des courants électriques sur les astres, ne peuvent se produire sans variations dans cette distribution, autrement dit sans variations de la distribution de l’intensité apparente de la pesanteur.
Le phénomène de Suess donnera un moyen de mesurer la grandeur des variations du potentiel.
Les grandes marées, à durées de centaines de milliers d’années, que nous connaissons maintenant, ont une amplitude maximum de 100 ou 200 mètres, qui n’est du reste pas bien grande si on la rapporte aux dimensions de la Terre. Ce n’est que 1/60 000 ou 1/30 000 du rayon terrestre, 1/40 ou 1/20 de la profondeur moyenne des océans. Mais cela suffit pour que d’immenses plaines à faible altitude, comme l’Allemagne du Nord et la Russie, comme la vallée du Mississipi, soient alternativement couvertes d’eau et découvertes.
Ces grandes marées donnent les premiers points de repère bien définis qu’on ait trouvés pour l’histoire de la Terre.
Leurs dates nous seront fournies par les calculs des analystes. Les recherches des Leverrier et des Poincaré permettront de débrouiller l’écheveau compliqué des événements du passé.
L’analyse ne fournira pourtant des résultats très précis que pour les dernières époques géologiques. Elle ne pourra remonter en toute exactitude jusqu’aux temps secondaires et primaires, car pendant des séries de millions d’années la stabilité de notre monde s’est modifiée. Une partie de l’énergie cinétique des astres s’est transformée en énergie thermique.
Les distances des planètes au Soleil ont changé. Le Soleil lui-même s’est modifié, il s’est condensé en changeant de forme. Il a eu un anneau-disque, comme en ont peut-être un grand nombre de soleils à l’origine de leur existence. Ce disque s’est brisé et est tombé sur le globe central [21].
Quand on remontera suffisamment loin dans la nuit des temps, c’est donc la géologie qui pourra fournir des renseignements à l’astronomie, et qui permettra peut-être de repérer avec quelque approximation un événement aussi important que l’a été la chute de ce disque.
Au temps où cet anneau existait, les lois d’équilibre électrique du Soleil et par suite toutes les lois ries planètes devaient être différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui.
Aussi bien les fluctuations des mers secondaires et primaires n’obéissaient-elles pas aux mêmes lois que celles des mers tertiaires. Les zones d’interférence des courants, zones des « nœuds » des déformations de l’hydrosphère, ne coïncidaient pas avec les zones aujourd’hui désertiques.
Chaque époque a eu ses lois pour la répartition des nœuds et des ventres de ces déformations. Aux temps quaternaires même les fluctuations des mers n’ont plus été les mêmes qu’aux temps tertiaires, parce que de grandes accumulations de glace ont par de grandes attractions locales modifié la forme de l’hydrosphère.
Mais de tous temps il s’est produit de grandes marées aux allures d’extrême lenteur.
Les grandes périodes d’humidité et de sécheresse. - Ces grandes déformations de l’hydrosphère ont coïncidé avec de grandes déformations de l’atmosphère des nuages. Aux époques de flux ou de reflux correspondent pour certaines régions les époques de grande humidité ou de grande sécheresse que la géologie a mises en évidence. Ce sont de grandes dilatations ou grandes contractions des aires pluvieuses reproduisant avec plus d’intensité et plus de durée ce que nous observons en petit pendant la période un décennale des taches solaires.
VII. - Les variations de la vitalité
La géologie met encore en évidence un autre grand phénomène périodique : c’est celui de la disparition simultanée sur toute la surface du globe de groupes de formes vivantes, disparition qui ne peut s’expliquer ni par d’universelles dislocations, ni par d’extrêmes variations de température. C’est ce que Heer a appelé la refonte périodique des espèces.
On a vu plus haut que les grandes marées ont coïncidé avec des périodes de maximum et de minimum du potentiel électrique de la Terre.
Il est donc naturel de voir dans ces extrêmes de potentiel la cause de la disparition de ces organismes.
S’il en est ainsi, on a chance de retrouver dans la période undécennale des taches solaires la manifestation de quelque influence des petites variations du potentiel électrique sur la vitalité humaine, que cette influence se fasse sentir directement ou par action sur les bactéries ou par ozonification de l’air.
On peut lire dans les Archives médicales de Toulouse, numéro du 15 mars 1896, un travail de M. Guiraud qui semble confirmer cette manière de voir (La diphtérie dans le Sud-Ouest, étude statistique et épidémiologique).
La statistique de la mortalité diphtérique à Toulouse, de 1870 à 1895, donnée dans ce mémoire, montre que le nombre des décès dus à cette maladie a passé par les maximums et les minimums des dates suivantes :
Maximum en 1871 ; minimum en 1879-1880 ; maximum en 1883 ; minimum en 1891-1892 ; maximum en 1894.
Les trois maximums correspondent à des maximums de taches solaires avec un retard de six mois.
Le minimum de 1879-1880 correspond à un minimum de taches solaires avec un retard d’un an ; celui de 1891-1892 avec un retard de dix-huit mois.
Ainsi dans son ensemble la courbe de l’épidémie suit de près celle des taches solaires, avec un retard moyen d’un an.
Le développement de la diphtérie dépendant de l’humidité, on pourrait croire tout d’abord que ces faits prouvent simplement une relation entre la périodicité des pluies et celle des taches solaires.
Mais M. Guiraud fait remarquer que l’épidémie de 1870-1872 coïncide avec trois années ayant un caractère très accusé de sécheresse. Le développement de la diphtérie n’était donc pas dû à l’humidité.
Des épidémies de variole et de rougeole ont du reste coïncidé avec celle de la diphtérie.
On en revient donc à reconnaître qu’il y avait une part de vérité dans la croyance des anciens à l’influence d’actions cosmiques.
Ces actions paraissent n’avoir été méconnues que parce qu’on a dans des statistiques d’ensemble mêlé des résultats de toute provenance, tandis que ce qui a été dit plus haut de la figure compliquée d’équilibre des forces électriques de la Terre montre la nécessité de procéder par l’étude de monographies spéciales.
Le maximum d’un phénomène en un point de la Terre peut coïncider avec le minimum dû même phénomène en un autre point.
Il est donc à souhaiter que des monographies d’épidémies soient entreprises en grand nombre et poursuivies le plus longtemps possible, en portant d’ailleurs, comme le souhaite M. Guiraud, non sur la mortalité, mais sur la morbidité.
VIII. - Les inégalités de Mercure et l’inégalité tri-centenaire de la Lune
Les phénomènes que régissent les courants électriques à la surface des planètes peuvent produire de grands effets en n’exigeant qu’une dépense de puissance infime, car l’action des courants électriques, de ce système nerveux des astres, est essentiellement une action de direction sur les effets produits par la chaleur, cette forme « dégradée » de l’énergie. Ainsi dans le phénomène des pluies la chaleur donne la puissance mécanique nécessaire pour soulever les masses d’eau aux fortes altitudes et l’électricité exerce simplement son influence directrice.
On pourrait croire que l’énergie électrique des astres est assez faible pour ne pouvoir produire des inégalités dans le mouvement de leurs masses.
En réalité cette énergie est assez grande pour pouvoir se manifester par des inégalités déjà appréciables avec les moyens d’observation dont nous disposons.
Déjà en effet il semble bien probable qu’une relation existe entre les inégalités de Mercure et la périodicité des taches solaires.
Dans une communication faite le 1er juin 1896 à l’Académie des sciences, M. Newcomb a donné la mesure d’inégalités dans la longitude moyenne de la Lune, inégalités qu’il considère comme étant à longue période et de cause encore inconnue.
Dans l’hypothèse où la rotation de la Terre sur son axe se fait d’un mouvement uniforme, on trouve les erreurs suivantes des calculs des Tables pour les contacts de Mercure avec le disque du Soleil depuis 1677 jusqu’en 1894, en prenant les moyennes des erreurs de l’entrée et de la sortie (chiffres de M. Newcomb) quand il y a deux observations :
1677 | 1697 | 1723 | 1736 | 1743 | 1769 | 1789 |
- 10 s. 5 | - 25 s. | - 8 s. | - 5 s. | - 1 s. 5 | - 4 s. | + 8 s. |
1802 | 1822 | 1848 | 1861 | 1868 | 1881 | 1894 |
+ 4 s. | - 2 s. | + 7 s. | + 11 s. 5 | - 1 s. 5 | - 4 s. | - 2 s. |
Dans ces années il y en a quatre qui coïncident à un an près avec une année de maximum des taches.
1789 | 1848 | 1861 | 1894 | |
Erreurs | + 8 s. | + 7 s. | + 11 s. 5 | - 2 s. |
Années du maximum des taches | 1788 | 1848 | 1860 | 1893 |
Il y en a quatre qui coïncident à un an près avec une année de minimum :
1697 | 1723 | 1822 | 1868 | |
Erreurs | - 25 s. | - 8 s. | - 2 s. | - 1 s. 5 |
Années du minimum des taches | 1698 | 1723 | 1823 | 1867 |
Les années de maximum ont des erreurs positives, les années de minimum des erreurs négatives.
La seule année de maximum qui ait une erreur négative, 1894, n’a qu’une faible erreur [22] ; et on doit remarquer qu’elle suit une période ascendante du nombre des taches qui a été fort courte (trois ans seulement).
L’erreur moyenne pour les années de maximum est de + 6 secondes ; l’erreur moyenne pour les années de minimum est de - 9 secondes, tandis que l’erreur moyenne des six années qui ne coïncident ni avec des minimums ni avec des maximums est de - 3,5 s. L’écart moyen de 15 secondes entre les époques des maximums et les époques des minimums ne peut tenir au hasard.
On peut en conclure : ou que le mouvement de rotation de la Terre est périodique, la période étant parallèle à celle des taches solaires ; ou que le mouvement orbital de Mercure subit des variations périodiques, la période des variations étant toujours celle des taches solaires.
Rien ne prouve que le mouvement de rotation de la Terre soit absolument uniforme. En toute rigueur il doit être périodique, car il n’y a pas dans la nature de mouvement uniforme, mais ses variations doivent être beaucoup moins marquées que les variations du mouvement orbital de Mercure, étant donné que cette planète est bien plus rapprochée du Soleil que la Terre.
Les réactions électro-dynamiques expliquent ces anomalies du mouvement orbital de Mercure.
Lorsqu’il y a réaction électro-dynamique, suivant la loi de Lenz, entre des courants continus de deux astres différents, les lois de Képler ne peuvent rester rigoureusement exactes. Lorsque les deux corps se rapprochent, en raison de l’excentricité de l’orbite, une partie de l’énergie cinétique se transforme en énergie électrique : le mouvement orbital est ralenti ; lorsque le corps s’éloigne l’effet inverse se produit, et le mouvement orbital est accéléré.
Il doit donc y avoir pour toutes les planètes des inégalités du périhélie dues à cette cause.
Si de plus sur l’un des corps (le Soleil) il se produit des variations de courants continus pour des causes (actions des grosses planètes produisant la périodicité des taches solaires) étrangères au mouvement de son satellite (Mercure), le mouvement orbital de ce dernier présentera des inégalités. Ce sont celles que fait ressortir l’examen des chiffres de M. Newcomb.
Ces inégalités dues à la périodicité d’état électrique du Soleil doivent être beaucoup plus sensibles pour Mercure que pour les autres planètes, parce que Mercure est peu éloigné du Soleil, parce que cette planète est fortement électrisée, en raison même de ce voisinage, et parce que l’excentricité de son orbite est très forte.
D’autres inégalités pourront provenir, surtout pour les planètes éloignées du Soleil, des réactions électro-dynamiques des planètes agissant entre elles, car, en raison des grandes variations de leur vitesse relative, ces réactions peuvent être de l’ordre de grandeur de celles produites par le Soleil. C’est du moins ce que semble montrer l’étude des variations des latitudes.
Enfin un autre ordre d’inégalités, entre astres très voisins, pourra provenir des rotations des pôles magnétiques sur les planètes. M. Hill a étudié les inégalités que peut produire sur le mouvement de la Lune l’aplatissement de la Terre. Si l’on considère dans la Terre non plus le sphéroïde de matière, mais le sphéroïde magnétique, qu’on peut assimiler (chapitre 2) à un ellipsoïde plein, très aplati, tournant d’un mouvement de rotation irrégulier, en se déformant perpétuellement, on voit que les réactions de ce sphéroïde sur le sphéroïde similaire de la Lune peuvent donner lieu à des inégalités d’allure irrégulière. Il semble permis d’y rattacher l’inégalité encore inexpliquée de la Lune, dite inégalité tri-centenaire ; car si des réactions électro-dynamiques sont apparentes entre le Soleil et Mercure, elles peuvent l’être entre la Terre et la Lune qui sont des astres à potentiel électrique bien moindre mais mille fois plus rapprochés.
Au point où en est la science de la mécanique céleste, les anomalies du mouvement des planètes ne peuvent plus être attribuées à des erreurs de calcul ; la parallaxe solaire et les masses des planètes commencent à être connues avec assez de précision pour qu’on ne puisse expliquer les inégalités par des erreurs commises sur ces données. L’astronomie mathématique semble donc être à un moment où elle doit faire intervenir dans ses calculs autre chose que l’attraction newtonienne ; et ce nouvel élément paraît être l’application de la loi de Lenz à ces gigantesques dynamos que sont les planètes.
On aurait chance de voir les lois de Képler bien plus fortement modifiées que dans notre monde solaire, si l’on pouvait observer avec une précision suffisante les mouvements des systèmes doubles et surtout ceux des systèmes de soleils jumeaux, très voisins l’un de l’autre, dont le spectroscope nous a révélé l’existence. Entre ces soleils : jumeaux doivent s’exercer d’énormes réactions électro-dynamiques, surtout quand ils sont pourvus d’anneaux-disques.
IX. - La voie ouverte
Sur notre Soleil, l’activité électrique est suffisante pour donner lieu à toutes les manifestations qu’on a vues.
Elle doit pouvoir se reconnaître par des instruments d’observation et de mesure directe.
Déjà M. de Heen (C. R. de l’Académie des sciences du 1er mars 1897) a pu photographier la couronne et établir qu’elle était le siège de l’action électrique du Soleil. Mais les photographies ainsi obtenues, en utilisant le pouvoir dévoilant des radiations électriques, ne donnent que des formes grossières et ne permettent pas de prendre des mesures de l’intensité électrique.
Pour aborder l’étude précise de la couronne on devra se servir, avant de passer à des électro-dynamomètres sensibles, de tubes à limaille de Branly ou d’ampoules de Crookes à illuminer par des courants alternatifs, ou de tout autre récepteur analogue.
Des tentatives ont déjà été faites dans ce sens à Potsdam par deux astronomes, qui n’ont pas abouti et en ont conclu que les ondes électriques étaient arrêtées par notre atmosphère.
Cette conclusion est vraiment singulière, car d’innombrables déviations d’aiguilles aimantées ont été observées sous l’influence du Soleil à la surface de la Terre, à de faibles altitudes et non à la limite de notre atmosphère.
Sans doute il sera plus aisé d’observer des ondes de faible intensité sur de hautes montagnes que dans les capitales enfumées de l’Europe. Sans doute aussi on aura d’autant plus de chances de réussir rapidement qu’on emploiera des télescopes plus puissants. Mais le succès des observations directes de l’activité électrique du Soleil doit tenir essentiellement à quelques précautions élémentaires qui n’ont pas encore été prises. Une de ces précautions semble être de prendre soin de polariser les ondes hertziennes du Soleil en tendant un réseau de fils métalliques parallèles sous le diaphragme de bois qui arrêtera les ondes lumineuses. Dans les expériences de laboratoire on étudie des ondes hertziennes qui par leur mode de production sont naturellement polarisées ; pour étudier les ondes solaires diffuses avec les récepteurs déjà mis en usage, on doit au préalable les orienter.
Peut-être trouvera-t-on moyen de séparer assez facilement les ondes électriques des ondes lumineuses pour les utiliser industriellement. Déjà dans les conducteurs de l’installation hydro-électrique de Grenade, il se produit tous les soirs des décharges violentes qui semblent dues aux réactions électro-dynamiques de la Terre et du Soleil.
Des dispositifs spéciaux sont à arrêter pour l’étude de la forme de la couronne solaire, qui nous sera connue en tous temps, au lieu de ne nous être révélée que pendant les courts instants de très rares éclipses totales.
Si, au lieu d’étudier la forme de la couronne, on veut se borner à mieux connaître les phénomènes que ses déformations produisent sur la Terre, on a déjà des instruments d’étude, et ces instruments sont des plus simples. Ce sont l’aiguille aimantée, le fil à plomb ou les lunettes (observations de la verticale ou variations de latitude), le pendule (mesure des variations de l’intensité de la pesanteur) [23] et le marégraphe.
L’aiguille aimantée est un instrument bien grossier pour l’étude de l’action solaire, car il ne manifeste les effets d’induction leyd-électrique que pour les ondulations à vibrations très lentes. Tel qu’il est cependant il peut rendre de grands services, à condition qu’on observe ses plus petites déviations avec la plus grande précision possible.
C’est avec l’aiguille aimantée qu’on pourra approfondir l’étude du régime des pluies.
C’est avec l’observation des étoiles, en étudiant les variations de latitude de plusieurs points, qu’on pourra prévoir non plus à un an près mais exactement, la durée de la période solaire dans laquelle on se trouve, car parmi les termes périodiques intervenant dans les variations de latitude un seul aura une durée inconnue et ce sera celui dû à la périodicité des taches solaires : l’observation en donnera la valeur.
Les lunettes des astronomes donneront par suite le moyen d’annoncer avec précision les époques de sécheresse et d’humidité aux habitants des pays voisins des zones désertiques. Dès à présent ces époques peuvent être prédites à un an près.
La connaissance des grands phénomènes électriques de la physique terrestre trouve déjà des applications pratiques. On a dit, depuis longtemps, que même au point de vue de ces applications aucun effort n’est perdu pour l’humanité ; et c’en est une preuve de plus que de voir des observations d’un pasteur groënlandais, M. Kleinsmidt, sur les aurores polaires, contribuer à l’étude de la météorologie de l’Algérie.
L’étude de l’action de la couronne a commencé par ses manifestations les plus fugitives, déviations de l’aiguille aimantée et aurores polaires, parce que ce sont les plus apparentes, et les plus fréquentes, comme exigeant la moindre dépense de force. Mais les ondes fugitives qui parcourent le système nerveux de la planète modifient le niveau de ses mers et chaque année, chaque siècle, la somme des variations alternativement positives et négatives donne un résidu qui en s’accumulant finit par changer la figure des terres émergées.
Aussi bien ces grandes variations accumulées se sont elles enregistrées dans les dépôts marins. L’histoire de notre globe, celle de tout le cortège des satellites de notre Soleil se trouvent résumées dans les archives de la Terre. L’analyse mathématique saura mettre des dates à chaque événement. Grâce aux spéculations des géomètres, l’étude de la physique terrestre donne le moyen de déterminer ce que Suess, en son saisissant langage, appelle la parallaxe du temps.
A. SOULEYRE