Les membres de l’expédition magnétique et météorologique du cap Horn sont arrivés à bord de la Romanche dans la baie Orange, où ils ont immédiatement commencé leurs travaux.
La gravure ci-jointe, reproduite d’après une photographie qui a été communiquée à l’Académie des Sciences dans une de ses dernières séances, montre l’aspect du pays où nos compatriotes vont recueillir les observations qui font le but de leur mission. Au sommet de la colline dont le versant est baigné par les eaux de la baie Orange, on aperçoit les cabanes astronomiques, à côté desquelles sont disposés un pluviomètre et un actinomètre ; la grande maison élevée au milieu de la colline, est destinée à servir de logement aux officiers, le bâtiment inférieur placé à proximité du rivage est réservé aux matelots. Ces maisons de bois ont été bâties sur pilotis. En suivant le rivage, on arrive un peu plus loin à d’autres constructions que l’on voit en partie sur notre gravure et qui comprennent une estacade de 12 mètres de long, pour le marégraphe, une cabane magnétique, et une tente isolée pour les déterminations absolues.
La mission française du cap Horn, après avoir quitté Montevideo, le 28 août 1882, est arrivée le 6 septembre sur les côtes de Patagonie et de la Terre de Feu, à la baie Orange, par un temps des plus favorables. Les deux premiers jours ont été consacrés à une exploration des environs de la baie ; on reconnut que le terrain est marécageux, et il fallut se décider à aller sous bois pour rencontrer un sol résistant. Les hommes de l’équipage se mirent à l’œuvre pour défricher ; huit jours après, la cabane magnétique était installée. Les observations météorologiques et magnétiques ont commencé en même temps, le 26 septembre à midi.
Depuis l’arrivée de la mission, la température a été relativement très douce à la baie Orange, le thermomètre n’est pas descendu au-dessous de 0°, et les membres de l’expédition ont même plusieurs fois constaté des températures de 16°. L’air est très humide, et presque chaque jour, il a plu abondamment, mais pendant peu de temps. Les coups de vent paraissent assez rares.
Les observations magnétiques qui vont être poursuivies régulièrement seront faites d’une part au moyen d’instruments à lecture directe, déterminations absolues de déclinaison, inclinaison, force horizontale, etc., et d’autre part, à l’aide d’appareils enregistreurs, qui fonctionnent dès à présent, d’une façon très satisfaisante et ont donné dès les premiers jours de leur installation des indications concordantes avec celles des magnétomètres à lecture directe.
Les autres travaux de l’expédition du cap Horn consisteront en observations astronomiques et météorologiques ; il sera procédé également il des dosages de l’acide carbonique de l’air.
Nos compatriotes ont eu la bonne fortune d’exécuter leur installation par un temps clément, et les rares Fuégiens qui habitent la baie Orange, ont salué avec joie l’arrivée de la Romanche. Rôdant, constamment autour des habitations, les Fuégiens reçoivent des hommes de l’équipage, quelques morceaux de pain ou de biscuit, et partent ravis d’ajouter cet extra à leur repas qui se compose invariablement de coquillages. La civilisation a du reste pénétré jusque dans ces régions lointaines. Les membres de la mission du cap Horn ont reçu la visite d’un Fuégien qui parle l’anglais et le lit couramment. Il existe d’ailleurs à 20 milles de la station française un établissement de missionnaires anglais, qui établis dans le canal du Beagle, ont fondé là un établissement très prospère.
On voit que tout semble favoriser l’expédition magnétique et météorologique du cap Horn ; le personnel d’élite qui la compose saura accomplir, à l’honneur de la science française, la longue et laborieuse tâche qu’il a acceptée avec autant de courage que de dévouement.