Tout le monde connaît le boomerang australien ; c’est une arme taillée dans une pièce de bois dur et compact, contournée en arc, que les sauvages de l’Australie lancent avec adresse vers un but déterminé, ennemi ou gibier ; quand le boomerang a frappé le but, il revient de lui-même vers le chasseur qui en a fait usage. On peut voir des instruments de ce genre au Musée ethnographique du Louvre, et au Musée ethnographique du Trocadéro.
Il y a une quinzaine d’ années , M. Marey, de l’Institut, a publié à ce sujet une intéressante notice. Le savant professeur écrivait alors sans le savoir, un petit chapitre de Physique sans appareils ; nous nous empressons d’en reproduire la substance.
Un morceau de carte de visite taillée en forme de croissant mince, dont les cornes seraient arrondies, est posé sur le bout du doigt, ou mieux, maintenu entre l’ongle et le doigt (fig. :1) de façon que le plan du carton soit un peu incliné sur l’horizon, à 45° par exemple ; puis une vigoureuse chiquenaude, appliquée sur une extrémité, envoie en l’air le petit carton en lui imprimant un mouvement de rotation rapide. Le carton part, présentant l’aspect d’une petite roue qui tourne ; il chemine suivant une position oblique ascendante, s’arrête, et sans culbuter revient sur la même trajectoire, si le succès est complet, mais le plus souvent retombe en arrière, en avant ou sur les côtés de son point de départ, et toujours en rétrogradant.
« Pourquoi, dit M. Marey, le système conserve-t-il l’inclinaison de son plan par rapport à l’horizon ? Ici interviennent les notions que Foucault nous a données sur la conservation du plan d’oscillation d’un pendule et du plan de rotation d’un gyroscope. Dès lors, il me semble qu’on doit comprendre ainsi ce phénomène : le boomerang reçoit du chasseur un double mouvement : une rotation rapide et une impulsion générale. La rotation oblige l’appareil à garder son plan ; il chemine donc obliquement dans l’air jusqu’à épuisement de son mouvement de translation. A un moment donné, le boomerang tourne immobile dans un point de l’espace, puis la pesanteur le fait retomber. Mais comme ce projectile, continuant à tourner, garde son plan incliné, la résistance de l’air tend à le faire tomber parallèlement à ce plan, c’est-a-dire à le ramener à son point de départ. »
Terminons cette petite notice en faisant connaître une autre expérience que nous communique M. H. Gilly, licencié ès sciences. Mettez une pièce de cinq francs a plat sur une table, saisissez-la avec deux épingles tenues aux deux extrémités d’un même diamètre. Vous la soulevez ainsi sans peine ; soufflez alors sur la partie supérieure, et vous la verrez tourner, avec une grande rapidité, entre deux épingles comme axe. La gravure ci-dessus (fig. 2), montre la manière d’opérer, qui devient facile après quelques tâtonnements.
G. T.