Les agates

La Science Illustrée N° 522, 27 Novembre 1897
Samedi 28 février 2009

Les agates sont de belles pierres siliceuses que l’on trouve en rognons dans les cavités de certaines roches vacuolaires. Leur gisement le plus connu est celui d’Oberstein ; près des Deux-Ponts, dans la Prusse Rhénane. Dans l’antiquité, on trouvait ces gemmes sur les bords d’un fleuve de Sicile, l’Achates (aujourd’hui le Drillo) , d’où semble venir leur nom d’agate.

Contrairement au quartz, avec lequel elle a pourtant de nombreux caractères communs, elle n’est jamais cristallisée.

Elle est très dure et, en même temps, élastique ; inattaquable aux acides, elle fait feu au briquet et raye aisément le verre et l’acier.

Dans l’industrie, on l’utilise pour la fabrication des billes, des couteaux pour fléaux de balance, des mortiers pour la porphyrisation des substances dures. Un morceau d’agate maintenu par un manche constitue un excellent brunissoir, c’est-à-dire un instrument qui permet de polir, par le frottement, les métaux précieux.

L’agate présente d’ailleurs des variétés innombrables, de nuances très diverses qui lui donnent une grande valeur décorative et font qu’elle est très recherchée pour la bijouterie et la joaillerie.

On réserve le nom d’agate proprement dite aux variétés incolores ou faiblement colorées. L’onyx, comme son nom l’indique, est une agate dont la couleur se rapproche de celle de l’ongle.

On réserve le nom de calcédoines aux variétés nébuleuses, blanchâtres, laiteuses ou bleuâtres ; les cornalines sont des agates d ’une belle nuance rouge cerise uniforme ; les sardoines ont une couleur orangée plus ou moins foncée ; les chrysoprases sont vert tendre ; les héliotropes, vert foncé ; les saphirines, bleu ciel.

En dehors de ces pierres de teinte uniforme, il existe des variétés estimées, remarquables par la présence de zones diversement colorées, tantôt droites et parallèles, tantôt ondulées et concentriques. Parfois, la disposition des zones donne à ces pierres une certaine ressemblance avec la prunelle de l’œil (agate œillée) ; souvent aussi la pierre présente des mouchetures (agates ponctuées, panachées, etc.). Dans l’agate-onyx ou sardonyx, les nuances sont circulaires et concentriques.

Le prix de ces gemmes étant très variable avec les nuances qu’elles présentent, on a songé à les falsifier, c’est-à-dire à augmenter leur valeur commerciale en les revêtant de teintes qui ne leur appartiennent pas, ou, au contraire, en les décolorant.

L’Allemagne est le centre de cette industrie.

En faisant bouillir de l’acide chlorhydrique et en y plongeant des agates on atténue leurs nuances ou on les décolore complètement.

On peut les colorer en les plaçant d’abord dans de l’huile bouillante, puis dans l’acide sulfurique fortement chauffé. L’ébullition chasse l’air contenu dans les pores de la pierre, l’huile s’y introduit et est attaquée par l’acide sulfurique qui s’empare de son eau et met le carbone en liberté ; d’où production d’une teinte sombre, surtout dans les veines opaques, plus poreuses que les autres, paraît-il. Ce dépôt de carbone, à un état de division extrême, peut avoir lieu jusqu’à une profondeur de deux millimètres environ.

Les agates ont été de tout temps employées dans les arts.

On en faisait autrefois - on en fait encore aujourd’hui - des vases, des coupes, des boites, des cassolettes, des manches de couteaux et de fourchettes, des chapelets, des bracelets, des bagues, des cachets, etc. Juvénal parle des riches patriciens de son temps« qui ont pour cachet un beau sardonyx qu’ils gardent dans un étui d’ivoire ».

Mais c’est surtout pour la glyptique que sont précieuses les belles agates.

Elles n’ont pas de rivales pour la confection des camées. Un camée ou camaïeu est une sculpture en relief où l’artiste utilise avec adresse les nuances des couches superposées de la pierre qu’il grave.

Les camées ont eu de nombreux usages dans l’antiquité et au moyen âge ; ils ont joui d’une nouvelle faveur, dans l’Europe occidentale, à partir du XVIe siècle.

Les Romains en firent des décorations militaires qu’on portait, sans doute, comme nos modernes médailles ; ils en ornaient les vases, les agrafes, les meubles. Les camées ont aussi figuré dans la toilette. Tandis que chez les Hébreux, des agates, finement taillées, parsemaient la robe de cérémonie du grand prêtre, c’est de camées délicatement gravés qu’Héliogabale ornait ses vêtements. Douze camées représentant les Césars servaient de garniture de boutons au bon roi Henri IV.

Le moyen âge, si profondément religieux, couvrit de camées les châsses, les reliquaires, les croix, les calices qui font partie actuellement du trésor de nos cathédrales.

La glyptique de la Renaissance est justement célèbre ; Domenico, de Milan, graveur des Médicis, fut surnommé Dominique des Camées, tandis qu’un autre sculpteur de gemmes reçut le nom de Jean des Cornalines. Au XVIIe, puis au XVIIIe siècle, la vogue des camées se continue ; la marquise de Pompadour, elle-même, y sacrifie ; elle grave et signe le camée du Génie de la Musique, l’un des ornements de notre superbe collection de la Bibliothèque nationale, la plus belle de l’Europe avec celle de Vienne.

Actuellement le centre de la fabrication des camées est à Rome. Jeoffroy, Bérini et les Simon sont les sculpteurs de camées les plus célèbres de notre siècle. Les agates arborisées ou herborisées sont aussi très recherchées, mais elles ne doivent rien à l’art. Elles présentent dans l’intérieur de leur masse des représentations d’arbres, d’herbes ou de mousses qui ne sont autre chose que des dendrites.

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