Les procédés de l’émaillerie peinte

La Science Illustrée N° 657, 30 Juin 1900
Dimanche 22 février 2009

La peinture sur émail peut, à la rigueur, être envisagée comme une simplification de l’émaillerie translucide qui elle-même, comme nous l’avons vu, avait constitué un progrès sur l’émaillerie champlevée précédée par le cloisonnage.

La peinture sur émail apparaît seulement au XVe siècle, à peu près en même temps en Italie et à Limoges ; elle brille du plus vif éclat pendant trois cents ans. Elle n’est plus guère employée aujourd’hui que pour orner quelques menus bijoux et faire les cadrans de montre. Les pièces de grandes dimensions ne s’exécutent plus et pour cause. Quel succès, en effet, pourrait avoir un art qui produit très lentement et à grands frais, à une époque où l’on veut avant tout des jouissances qui coûtent peu et arrivent vite. Dans la peinture sur émail, un métal, qui en général est le cuivre, joue le même rôle que la toile dans la peinture à l’huile et la décoration s’exécute au pinceau ou plutôt à la spatule avec des couleurs vitrifiables.

La plaque de cuivre, partout d’égale épaisseur, est redressée sur ses bords de manière à former un petit filet qui retiendra l’émail tandis que des hachures entrecroisées exécutées sur la plaque augmentent son adhérence.

Sur cette surface ainsi préparée on étend la bouillie formée par une poudre d’émail qui donnera une teinte unie, bleue, noire ou blanche. On porte dans un moufle et après une première cuisson, c’est sur cette première couche d’émail qu’on peint à l’aide de couleurs vitrifiables, c’est-à-dire de poudres d’émail qui n’ont pas la couleur que la fusion leur donnera. On met de nouveau au feu et on surveille de façon continue.

Dans les émaux peints le métal n’apparaît jamais, l’émail de fond étant opaque. Pour laisser transparaître ce dernier et pour rendre les contours plus nets on pratique après refroidissement des grattages et des enlevages.

La plaque métallique destinée à être peinte portait aussi sur son revers un contre-émail pour l’empêcher de se gondoler au feu.

Très souvent les peintres, pour augmenter l’éclat de leur travail, mélangeaient des émaux translucides aux émaux opaques ou rehaussaient d’or leurs ornements.

Un autre procédé consistait à préparer le dessin sur émail blanc à l’aide d’un émail foncé auquel l’artiste superposait ensuite des émaux translucides qui se trouvaient ainsi cernés d’un trait donnant le dessin ; le modèle se faisait par superposition de tons.

Les ressources des peintres émailleurs étaient augmentées par l’emploi des paillons, petites plaques métalliques brillantes, d’argent, en général, qu’ils soudaient sur certaines parties de la plaque à émailler. Recouverts d’émaux translucides et parfois légèrement gravés, les paillons donnent des miroitements, des châtoiements et des jeux de lumière très intéressants.

Au point de vue de la coloration des émaux employés, on distingue deux catégories, les émaux polychromes et les grisailles. Ces dernières sont en faveur à l’époque de la Renaissance et pendant tout le XVIe siècle.

Pour exécuter une grisaille on étend, sur la première couche d’émail noir cuit qui recouvre la plaque de cuivre, une très légère couche d’émail blanc. A l’aide d’un instrument pointu on dessine le sujet dont le trait apparaît en noir. On enlève ensuite, en dehors du sujet, tout l’émail blanc de manière à avoir un fond noir. On porte au four et, sur l’émail blanc bien sec, on recharge d’une ou de plusieurs couches toutes les parties éclairées du sujet.

La grisaille n’est pas, à proprement parler, de la peinture, c’est surtout un travail au trait.

Comme autres variétés de la peinture sur émail, on peut citer encore, la miniature sur émail pratiquée surtout au XVIIIe siècle par les bijoutiers, et les émaux sur lave de l’époque actuelle employés dans le monument.

La peinture en émail sur lave a été imaginée en 1820 par Mortelecque ; elle consiste à remplacer par des plaques de lave, pour la peinture monumentale, la toile, le bois et les mortiers usités jusqu’à présent et à exécuter les dessins sur ces plaques avec des couleurs vitrifiables qui, soumises ensuite à l’action du feu, s’incorporent à la matière excipiente et deviennent indestructibles. Les grès psaminites émaillés, de Gautier et Morel, les ardoises émailllées, de Magnus de Londres, ne sont que des applications particulières de la peinture en émail sur lave.

Nous reproduisons un beau plat en émail peint de Jean Limousin qui vivait à la fin du XVIe siècle et au début du siècle suivant. Cet habile artiste bien représenté au Musée du Louvre, a façonné surtout des émaux polychromes de grandes dimensions, à reliefs très accentués.

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