Un cactus bizarre : L’échinocacte géant

L. Kuentz, La Nature N°2931 - 15 Juin 1934
Jeudi 5 mars 2009

Les « Cactées » que l’on désigne communément sous le nom de « Cactus » sont pour la plupart américaines. Elles sont particulièrement développées au Mexique où elles caractérisent, en quelque sorte, la végétation du pays.Parmi ces plantes qui nous surprennent par la bizarrerie de leurs formes, nous devons une mention toute spéciale à l’Échinocacte géant (Echinocactus ingens), le plus original et le plus volumineux du genre.A distance le « Visnaga », comme l’appellent les Mexicains, a l’apparence d’un melon gigantesque, puisqu’il atteint parfois 1m de diamètre et 1m 80 à 2m de hauteur. Mais, de près, on s’aperçoit qu’il est hérissé de mille pointes acérées et agressives impliquant cette recommandation : Ne me touchez pas ! A vouloir le saisir à pleines mains, vous en conserveriez le souvenir aussi cuisant que si vous aviez l’audace de séparer par poignées, avec brusquerie, un essaim d’abeilles. Ainsi que ses congénères, l’Echinocacte pousse sur les hauteurs pierreuses, les plateaux incultes couverts d’une maigre couche de terre végétale. Il pleut rarement dans ces lieux qui comptent parmi les plus déshérités du globe terrestre. Heureusement pour le Visnaga que son organisation est en parfaite harmonie avec la nature des lieux qu’il habite et lui permet d’y subsister. Il ne porte pas de branches, pas de feuilles non plus, car, une seule de ces feuilles évaporerait, en un seul jour, plus d’eau que la plante entière n’en reçoit en une semaine. Ses côtes portent, à leur place, des aiguilles à tissu serré au point que faute d’ouverture, l’eau ne peut passer. Le sommet de la plante est toujours comprimé, concave, formant une espèce de cuvette, autour de laquelle naissent les fleurs aux pétales d’or lavé extérieurement, avec une ligne médiane intérieure rouge sang foncé. Les étamines forment un faisceau serré et tordu en spirale. En regardant la fleur en dedans, elle paraît rouge ; en la regardant au dehors, elle paraît jaune. Ces fleurs donnent naissance à des fruits durs, presque ligneux, longs d’environ 3 cm. A leur maturité, ces fruits tombent, laissant sur les côtes une cicatrice qui persiste durant toute la vie de la plante. Comme l’Echinocacte produit des fruits chaque année, les cicatrices laissées par eux permettent de connaître, approximativement, son âge. Certains vieux spécimens présentent des rangées de cinquante à cent cicatrices sur chaque côte, si bien que l’on peut évaluer leur âge à cinquante ou cent ans. Le Visnaga n’a pas seulement un intérêt de curiosité ; il présente aussi des avantages économiques. Quand le fourrage manque, les habitants du pays débarrassent la plante de ses épines pour la débiter en tranches charnues dont les chevaux et les vaches sont très friands. De plus, sous son épaisse écorce verte, la plante renferme une pulpe ferme et blanche rappelant celle de la pomme ou du melon d’eau, contenant 94 pour 100 d’eau, qui lorsque les sources sont taries, constitue une boisson à la fois précieuse et agréable. La pulpe blanche, légèrement acidulée est comestible. Les Indiens du district de Queretaro la mangent fraîche et crue ; ils la font également confire. A cet effet, ils coupent par morceaux la pulpe qu’ils cuisent dans de l’eau bouillante largement additionnée de sucre de canne. Après dessiccation, les morceaux confits ressemblent à du cristal. Ainsi préparée, cette gourmandise se conserve très longtemps. Les paysans en apportent à Mexico de grandes quantités, car les habitants de cette ville en sont particulièrement friands. Ces confits sont servis sous le nom de « dulce de Visnaga », les jours de réception et dans les diners de gala. Notons enfin que l’Echinocacte géant n’est pas inconnu chez nous, puisque nous avons pu en admirer de remarquables spécimens aux dernières expositions d’horticulture du Cours-la-Reine, à Paris. Du reste, on « collecte » ce genre de cactées dans leurs stations « natives » pour les expédier pendant leur stade de repos, correspondant généralement avec la période sèche de leur pays d’origine, souvent même sans une parcelle de terre, comme étaient, autrefois, expédiées quantité d’orchidées épiphytes. Chaque sujet comporte une telle réserve de substance qu’il ne souffre aucunement de son « déracinement ». Mis en pots ou plantés sur les bâches d’une serre, installés même en pleine terre dans une plate-bande ensoleillée, saine et bien drainée, en plein air ou sous châssis, la reprise des plantes est certaine.

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