VII. Les fruits des haies et des bois

Auguste Truelle, La Nature N°2298 - 13 Octobre 1917
Mardi 16 août 2011 — Dernier ajout samedi 18 avril 2020

En dehors des fruits cultivés dans les jardins et les vergers, il existe dans les haies et les bois d’autres genres de fruits – des fruits sauvages – qui, pour être moins séduisants aux yeux et moins savoureux au palais que les premiers, méritent, néan­moins, surtout à l’époque critique que nous traversons, où rien de ce qui est directement ou indirectement alibile [1] ne doit être délaissé ou perdu, d’attirer l’attention des ménagères rurales et des cultivateurs, afin d’en retirer tout ce qui est susceptible de contribuer, à des titres divers, à notre alimentation sous l’un ou l’autre des produits de transformation que j’ai déjà signalés, ou de servir à la défense nationale par la production de l’alcool toujours SI nécessaire à la fabrication des explosifs.

1. Principaux fruits sauvages mûrissant à l’automne

Dans le nombre de ces genres de fruits, il ne peut être ques­tion, à cette époque de l’année flue de ceux qui mûrissent à l’automne, et dont les principaux sont par ordre alphabétique, les alises, les cenelles, châtaignes, cornes et sorbes, cynorrho­dons, épines-vinettes, faînes, genièvres, nèfles, poires, pommes, prunelles, baies de sureau et de yèble, etc.

Parmi ces fruits qui, bien que n’ayant pas la même impor­tance économique, méritent cependant d’être récoltés en vue d’être utilisés pour les divers emplois auxquels leur composi­tion chimique les destine naturellement, je ne signalerai spécia­lement que ceux qui intéressent directement la ménagère tant au point de vue des confitures, gelées ou marmelades que des boissons économiques, dont le besoin se fera sentir encore très fortement, cette année, par suite de la cherté des boissons naturelles due à la spéculation et aux difficultés de transport toujours très grandes. Aussi les ménagères qui habitent dans les régions boisées agiront-elles prudemment en sachant les fabri­quer. Si elles ne s’en servent pas pour elles-mêmes, elles pour­ront en faire profiter de moins fortunées qu’elles.

La plupart de ces fruits sont aptes à servir indifféremment à la préparation de confitures et de boissons, on peut, cependant, les grouper avec plus de raison comme il suit :

  • Fruits spéciaux pour les confitures, gelées, etc. : Châ­taignes, cynorrhodons, épines-vinettes, nèfles.
  • Fruits spéciaux pour les boissons et l’eau-de-vie. : Alises, cenelles, cormes et sorbes, genièvres, poires, pommes, prunelles, baies de sureau et de yèble.

1.1 Fruits spéciaux pour les confitures, gelées, etc.

1.1.1 Châtaignes

Elles sont consommées crues et cuites de différentes façons. On en prépare une confiture et le meilleur procédé est celui de Cord auquel ne peuvent recourir, malheureusement, que les ménagères disposant de sucre : mais, à ce défaut, je conseille d’opérer comme il suit : Enlever la première peau des châ­taignes, les faire cuire dans l’eau une demi-heure environ et en­lever la deuxième peau. Les piler encore chaudes dans un mor­tier de manière à en faire une purée très fine et très épaisse. Puis mélanger à 1 kg de cette purée 300 g de purée de pommes et 300 g de jus de pommes concentré et faire cuire jusqu’à épaississement convenable, en ayant soin de remuer pour éviter que la masse n’attache au fond de la bassine. Quelques minutes avant la fin de la cuisson, aromatiser avec une demi-gousse de vanille ou un peu de sucre vanillé.

1.1.2 Cynorrhodons ou fruits de l’églantier

Ils sont encore employés, aujourd’hui, en pharmacie pour confectionner une conserve servant d’excipient pour les pilules. On en fait une marmelade. Cueillir les fruits bien mûrs, d’oc­tobre en novembre après de bonnes gelées ; retrancher le pé­doncule et le calice, les fendre en deux longitudinalement et enlever avec soin les semences et le duvet cotonneux qui les entourent. Placer les fruits mondés dans une terrine, les couvrir de vin blanc et laisser macérer deux jours. Les faire cuire en­suite et les passer au tamis ou à la passoire. Mélanger à la purée la moitié ou poids égal de sucre et cuire à la consistance voulue (nappe, ou 32 à 33° au pèse-sirop).

En l’absence de sucre, je conseillerai de prendre : purée de cynorrhodons 5 parties ; pulpe de pommes 5 parties ; jus de pommes concentré 2 parties. Mêler exactement pulpes et jus et laisser cuire un quart d’heure ou jusqu’à ce que la masse soit très collante aux doigts.

En dehors des fruits de la Rosa canina, ou églantier, ceux de quelques variétés de roses : Rosa pomifera, R. vilosa et R. rugosa, qui sont beaucoup plus gros conviennent encore mieux. Ils sont surtout très usités dans les pays de langue allemande qui en importent une quantité notable de France et d’Autriche-Hongrie.

1.1.3 Épines-vinettes

Autrefois, les baies du vinettier ou épines-vinettes encore vertes étaient usitées dans le Nord en place du citron et des câ pres pour relever la saveur de certains aliments. On en faisait aussi ; une confiture très estimée contre les diarrhées rebelles ; elle était l’objet d’un commerce assez grand à Chanceaux, près Dijon. On en prépare également, aujourd’hui, une gelée et une confiture.

Gelée : Égrapper les fruits très mûrs, les mettre dans une bassine avec assez d’eau pour. les recouvrir, porter vivement à l’ébulli­tion qui sera maintenue pendant 15 à 20 minutes. Les retirer et les écraser avec une grande cuiller de bois ; verser le tout dans un récipient non métallique (afin d’éviter la coloration brun noir qui se produirait) ; laisser reposer 24 heures en lieu frais et passer au tamis. Peser le jus, lui ajouter (si cela est possible) son poids de sucre et cuire jusqu’à ce que le sirop fasse la nappe, ou bien marque au pèse-sirop entre 31 à 33°. Écumer et mettre en pots.

Si l’on manque de sucre, recourir à la pulpe et au jus de pommes concentré, comme je l’ai déjà expliqué, ou bien em­ployer de l’agar-agar.

1.1.4 Nèfles

Il faut les cueillir le plus tard possible, les étaler sur de la paille longue sans odeur étrangère et les y laisser blettir. Elles y perdent la presque totalité de leur tanin, un peu de leur acidité, et y contractent, par contre, une saveur spéciale légèrement al­coolique et aigrelette assez agréable au palais. C’est le moyen le plus simple d’en tirer parti, bien qu’on puisse aussi les trans­former en marmelade.

1.1.5 Emploi de l’agar-agar ou gélose pour la prise en ge­lée

Tirée de différentes algues marines appartenant aux : genres Gelidium et Gracilaria, la gélose, qu’on nomme encore colle du Japon, est une matière neutre qui se présente en minces la­nières ou filaments nacrés. A l’état pur, elle est incolore et sans saveur, elle se dissout dans l’eau bouillante et forme par refroi­dissement une gelée dont la consistance varie avec la quantité employée. On estime qu’un poids donné de gélose ab­sorbe, en moyenne, 500 fois son poids d’eau ordinaire pour fournir une gelée de consistance voulue.

Si, au point de me légal, son emploi en confiturerie est su­bordonné, pour éviter la fraude, aux conditions prescrites par l’article 13, titre III, confitures, gelées, marmelades, du décret du 19 décembre 1910, son usage est appelé, dans les circons­tances présentes, à rendre de réels services aux ménagères, quand il s’agit de fruits se gélifiant difficilement.

En appliquant ces données, on peut, en dehors d’une addi­tion de sucre, préparer une gelée en combinant les deux moyens suivants : 1° Ajouter, à 1 kg de jus des fruits en œuvre obtenu à froid ou par cuisson, 2 g de gélose pure dissoute dans très peu d’eau bouillante, passer le liquide et cuire à la concen­tration ordinaire. Mais comme la gelée, qui ne contiendrait que le sucre renfermé dans le jus de fruits risquerait d’être à peine sucrée, si le jus l’était très peu lui-même, on y obvie ; 2° en mé­langeant 600 g de jus de fruits avec 400 g de jus de pommes concentré et 1,50 g de gélose préalablement dissoute, et en opé­rant pour le reste comme il vient d’être dit.

Toutefois, les confitures ou gelées ainsi obtenues ne sont pas d’une conservation aussi longue que celles qui sont confection­nées avec la quantité de sucre normale, car celui-ci agit comme antiseptique ; aussi, doivent-elles être consommées assez rapi­dement.

Je ne parlerai pas de la confiture d’épines-vinettes, parce que sa préparation demande un poids de sucre égal à celui des fruits privés de leurs deux pépins ; d’ailleurs, en dehors de la gelée, elles conviennent pour faire une conserve au naturel et une marmelade d’après les indications déjà fournies.

1.2 Fruits spéciaux pour la boisson et l’eau-de-vie

Il importe de signaler, tout d’abord, que les deux inconvé­nients, qui s’opposent à un usage plus fréquent des fruits sau­vages, en vue de leur utilisation générale, résident dans leur acidité et leur astringence qui sont très élevées en comparaison de celles des fruits cultivés. Ce qu’il faut ajouter, ensuite, c’est que l’on peut y remédier dans une certaine mesure en les récol­tant le plus tard possible, en ne les mettant en œuvre que dans un état de maturité très avancé et, enfin, en les soumettant gé­néralement à une cuisson assez prolongée.

Pour une adaptation mieux appropriée aux produits qu’on peut en retirer, je les répartirai en deux groupes : a) fruits qui, à maturité complète, peuvent fournir seuls une boisson suscep­tible d’être consommée peu de temps après sa préparation : alises, cormes, poires, pommes ; b) fruits qui, à cause de leur astringence, de leur acidité ainsi que de la nature de leur pulpe, demandent à être soumis à la cuisson : baies de l’aubépine et des sorbiers, prunelles et genièvres. La plupart de ces fruits, soumis à la dessiccation, pourraient être employés utilement longtemps après leur récolte ; ils fournissent tous, après fer­mentation à l’état frais et distillation, une eau-de-vie qui, recti­fiée comme il convient, donne un alcool capable de servir à la fabrication des explosifs.

1.2.1 Premier groupe

1.2.1.1 Alises

Ces fruits sont produits par trois sous-variétés ; l’alisier à feuilles blanches, l’alisier de Fontainebleau, l’alisier ou Alou­chier de Bourgogne. Bien que leurs fruits, plus acidulés qu’as­tringents, soient très acerbes avant maturité, ils deviennent co­mestibles et assez agréables quand ils l’ont atteinte, notamment ceux de l’Alouchier qui sont de beaucoup les plus gros. J’ai pro­fité de mon séjour à Barbizon, il y a quelques années, pour étu­dier ces fruits ainsi que des pommes sauvages provenant de la forêt de Fontainebleau, et comme je n’ai pas trouvé dans les au­teurs français d’analyses les concernant, je vais en donner quel­ques-unes ; elles se rapportent à 1 kg de pulpe :

Sucre total. Tanin Matières albumino-pectiques Acidité éva­luée en acide sulfurique monohydraté
Alisier des bois de mon­tagne, fruits mûrs à point 100,5 g 2,45 g 17,50 g 4,20 g
Alisier des bois de plaine, fruits à peine mûrs 60,73 g 1,97 g 10,50 g 9,22 g
Alisier des bois de plaine, fruits blets 117,46 g 0,42 g 16,20 g 11,89 g

Il s’ensuit que si l’on emploie les fruits à leur maturité nor­male, leur composition chimique moyenne est assez proche de celle de quelques variétés de pommes à deux fins, sauf pour les matières pectiques qui sont beaucoup plus abondantes. Pour cette dernière raison, si l’on devait obtenir du jus d’alises pur, il faudrait les pressurer au début de leur maturité, car lorsqu’elles sont blettes, il est presque impossible d’en retirer tellement il est mucilagineux ; j’y ai dosé jusqu’à 52 g de matières pectiques par litre. Ce fait montre qu’il serait facile de faire une gelée avec elles.

1.2.1.2 Cormes, poires, pommes

Les cormiers et les poiriers sont beaucoup moins communs que les pommiers dans la plupart de nos bois, c’est la raison pour laquelle on y récolte plus souvent et en plus grande quan­tité les pommes que les deux autres fruits.

Les cormes mûrissent les premières. Si l’on en a peu, on les étale comme les nèfles sur de la paille et on les laisse blettir ; consommées dans cet état, elles perdent comme celles-ci leur astringence et acquièrent une saveur à peu près semblable. Quand on en possède beaucoup, on les réunit en tas peu épais pour éviter leur échauffement, et, lorsqu’une partie d’entre elles est devenue blette, on les pressure à part pour les transfor­mer en cormé. Pour montrer les changements qui se produisent dans la composition chimique des cormes pendant le blettisse­ment, je relaterai deux des analyses que j’en ai faites à l’état sain et à l’état blet :

Sucre total. Tanin Matières albumino-pectiques Acidité éva­luée en acide sulfurique monohydraté
Cornes, mûres à l’arbre, très saines 86,49 g 11,25 g Louche impondérable 4,22 g
Cormes à l’état blet 105,93 g 3,24 g 6,40 g 3,33 g

On voit par là que le tanin et les matières albuumino-pec­tiques sont les deux éléments qui varient le plus, et pourquoi une boisson faite avec des cormes au début de leur maturité serait imbuvable parce que trop tannique ; toutefois, cette propriété est utilisée en Allemagne pour introduire dans les cidres le tanin dont les pommes de ce pays sont trop défici­taires.

Les poires, selon la date de leur récolte, sont mélangées aux dernières cormes ou aux premières pommes ; elles réclament assez souvent aussi le blettissement ou, tout au moins, un com­mencement.

Les pommes forment le principal appoint de la récolte des divers fruits sauvages dans la généralité de nos bois, et on doit leur accorder pour leur maturité de garde les mêmes soins qu’aux pommes à cidre cultivées. Celles que j’ai analysées, en provenance de la forêt de Fontainebleau, m’ont donné la composition ci-contre par litre de jus : densité 1061 ; sucre total 80,64 g ; tanin 3,64 g ; matières albumine-pectiques 19,10 g ; acidité évaluée en acide sulfurique monohydraté 20,16 g ! Si l’on compare ces teneurs à celles du jus de nos pommes à cidre, on trouve que la densité atteint la moyenne, que le sucre y est inférieur de plus d’un tiers, que le tanin la dépasse plutôt de cette même quantité, mais que les matières albuminopec­tiques et surtout l’acidité la surpassent de beaucoup.

1.2.1.3 Alisé, cormé, poiré, cidre

En surveillant de très près les différentes phases de la matu­rité de garde de ces quatre genres de fruits, on obtiendrait, en les pressurant séparément, si l’on avait une quantité suffisante de chacun d’eux, de l’alisé, du corrné, du poiré ou du cidre purs, bien caractérisés par leur saveur distincte. Dans le cas contraire, leur mélange fournirait une boisson dans laquelle ces divers goûts se fondraient avec le temps.

Le procédé de préparation étant identique à celui que j’ai in­diqué au chapitre VI de cette étude, à propos des cidres, je n’y reviendrai pas ; j’insisterai seulement sur ce point qu’il serait nécessaire d’attendre quelques mois avant d’en boire, afin que le goût acerbe ait suffisamment disparu, à moins, cependant, que l’on n’ait désacidifié le liquide comme il sera dit plus loin. Le titre alcoolique approximatif de ces liquides purs oscillerait entre 4,5° et 5,5°, ce qui, étant donné le taux notable du tanin et de l’acidité en présence, suffirait à en assurer la conservation pendant la durée de la consommation.

Il pourrait arriver que, n’ayant qu’une faible quantité de chaque sorte de fruits, l’on fût obligé d’attendre pour les tra­vailler de les a voir tous réunis, alors, comme la maturité très avancée chez un certain nombre de fruits y aurait emmagasiné un excès de matières pectiques rendant le jus très mucilagineux au point de l’empêcher de s’écouler, on ne devrait préparer qu’une boisson ou piquette titrant 3° d’alcool. Or, en admet­tant, d’une part, que le mélange de ces divers fruits en propor­tion indéterminée renferme de 8 à 10 % de sucre total ; en ad­mettant, d’autre part, qu’il faille 1,850 kg de sucre pour pro­duire pratiquement un degré d’alcool par hectolitre de liquide, il faudrait, sans employer de sucre, mettre en œuvre entre 69 et 55 kg du mélange pour l’obtention d’un hectolitre de piquette.

Dans ces conditions, la plus grande partie des fruits se trou­vant à l’état blet, toutes les opérations auraient lieu à froid ; ce­pendant, dans le cas peu probable où les fruits âpres et acides l’emporteraient de beaucoup, on les ferait cuire tout d’abord comme il sera montré plus loin.

1.2.2 Deuxième groupe

Deux genres de fruits méritent une mention particulière, ce sont les prunelles et les genièvres.

1.2.2.1. Prunelles

Dans l’est de la France, notamment dans la Haute-Saône, on cultive le prunellier pour la fabrication de l’eau-de-vie, mais je n’envisagerai ce point de vue que plus tard ; pour le moment, il s’agit des prunelles que donne naturellement l’épine noir. (Pru­nus spinosa) dans les haies et les bois. Il ne faut les récolter qu’à la fin d’octobre, quand elles ont subi quelques bonnes ge­lées et les conserver en couche peu épaisse jusqu’à ce que le ra­mollissement de leur chair indique qu’elles sont mûres.

Dans cet état, j’y ai dosé par kilogramme de fruits, noyaux compris : sucre total 93,39 g ; tanin 5,80 g ; matières albumino-pectiques 1,40 g ; acidité en acide sulfurique monohydraté 9 22 g. La saveur acerbe résultait surtout de leur acidité. Si l’on avait du sucre, on pourrait préparer, avec de tels fruits, un vin buvable, soit en désacidifiant le jus, soit en cuisant les fruits, mais à son défaut, il ne faut songer qu’à la confection d’une boisson qui sera décrite sous le nom de « boisson de divers fruits sauvages ».

1.2.2 2 Genièvres

Le rôle de ces baies est très utile dans celte fabrication de li­quides économiques, soit seules comme pour la genevrette, soit en mélange avec plusieurs fruits, à la dose de 100 g par hecto­litre ; elles les rendent plus agréables en les aromatisant et elles contribuent à en assurer la conservation.

Genevrette : Il en existe deux : la simple et la composée. Le procédé est le même pour les deux, mais la première ne com­porte que l’emploi des baies seules. La genevrette composée l’a remplacée aujourd’hui. On prend, pour un hectolitre, 40 litres de baies, 40 litres d’orge et 1,500 kg de fruits sauvages, de pré­férence des pommes ou des poires. On met l’orge dans un chaudron avec quantité d’eau suffisante pour la recouvrir ; on chauffe à feu vif et on fait jeter 3 à 4 bouillons. On y ajoute alors les genièvres et les fruits, on porte de nouveau à l’ébulli­tion, puis l’on verse le tout dans un tonneau contenant déjà 50 litres d’eau tiède, et l’on continue d’en verser jusqu’à ce que le volume de l’hectolitre soit atteint. On abandonne à la fermenta­tion, et, quand elle est presque terminée, on soutire dans un fût légèrement méché, on passe les substances sur un tamis, on réunit ce liquide au premier ; on parfait les 100 litres ; on colle, s’il y a lieu, et l’on consomme de suite.

Dans certaines régions, lorsque la fermentation est achevée, on tire le liquide, et, dès le second jour, on remplace par de l’eau ordinaire le liquide qu’on a enlevé. On peut continuer ainsi plusieurs mois.

1.2.2.3 Boisson d’un mélange de fruits sauvages

Lorsqu’on a récolté un mélange des fruits énumérés plus haut, en vue d’en composer une boisson à 3 % d’alcool, sans employer de sucre, voici le procédé à suivre, en supposant que la richesse saccharine soit comprise entre 8 à 9 %.

Prendre pour un hectolitre 60 kg de fruits bien mûrs, les écraser grossièrement eh respectant la plus grande partie des noyaux des prunelles, les faire cuire pendant une heure avec 50 litres d’eau en agitant de temps en temps pour éviter qu’ils n’attachent au fond. La cuisson terminée, passer à travers un ta­mis ou une toile, exprimer légèrement, mesurer le liquide obte­nu et le mettre en fût. Émietter ensuite le résidu et l’arroser avec une quantité d’eau tiède un peu plus que suffisante pour compléter le volume des 100 litres ; brasser fortement le tout, laisser en contact pendant 3 heures. Passer de nouveau, mesu­rer le liquide, le réunir au précédent, s’assurer que l’hectolitre est atteint, y ajouter 100 g de levure de bière et bien mélanger. Bonder le fût avec un fausset hydraulique, le maintenir à une température comprise entre 15 et 18°, et, quand la fermentation tumultueuse sera terminée, soutirer dans un fût bien méché qui sera tenu dans un endroit frais. Consommer au plus tôt, car, peu alcoolique, cette boisson n’est pas de longue garde. Pendant le tirage journalier, conserver le fausset hydraulique sur le trou de bonde.

1.2.2.4 Désacidification

Dans le cas où l’acidité normale de la boisson serait jugée trop forte, on la dés acidifierait en y mélangeant par hectolitre 66 g de craie lavée. L’effervescence complètement terminée, on laisserait le dépôt se bien rassembler pendant quelques jours avant de commencer à boire, à moins que, pour avoir une bois­son plus claire, on ne la soutirât dans un autre fût moyenne­ment méché.

1.2.3 Fabrication de l’eau-de-vie.

Tous les fruits sauvages déjà cités donnent une eau-de-vie très utilisable, surtout en ce moment, si elle a été fabriquée avec soin. C’est à ce but que je conseille d’appliquer aussi les haies de sureau et de yèble, parce que le vin qu’on pourrait en tirer est susceptible d’exercer des effets différents sur la santé des consommateurs : Il en est de même pour les baies de l’au­bépine (cenelles) et celles du sorbier des Oiseaux.

Il y a plusieurs modes de traitement : en voici un qui réussit généralement avec tous les fruits. Écraser grossièrement les fruits en ménageant une partie seulement des noyaux des pru­nelles, mettre la pulpe dans un fût défoncé d’un bout ou dans une cuve, l’arroser avec de l’eau tiède en quantité suffisante pour en faire une bouillie liquide et porter la température entre 15 à 18°, de manière que la fermentation marche rapidement. Si elle tardait à se déclarer, la stimuler en relevant la tempéra­ture ou bien au moyen d’un pied de cuve, d’un levain en pleine activité, ou, enfin, avec 80 g de levure de bière par hectolitre. Lorsque la fermentation paraît complète, soutirer le jus, expri­mer fortement le marc, réunir les deux liquides, observer pen­dant deux jours si la fermentation ne reparaît pas, et, dans la négative, distiller à la façon ordinaire, en mettant de côté pour une opération ultérieure les produits de tète et de queue. Enfin, comme le marc relient encore une certaine quantité d’alcool, lui ajouter un peu d’eau chaude pour le réduire en bouillie épaisse et distiller en prenant les précautions usitées en pareil cas, si l’on n’a pas un alambic spécial pour la distillation des marcs.

Bien que les fermières, aidées de leurs enfants, soient très capables d’entreprendre cette fabrication, elle regarde cepen­dant davantage les cultivateurs habitués depuis longtemps à distiller l’excédent de leurs vins, cidres ou poirés : c’est par le concours de tous les artisans de la terre qu’on parviendra à uti­liser tous les fruits de nos haies et de nos bois. A. Truelle

[1Terme de médecine. Qui est propre à nourrir. En physiologie, on entend par substance alibile la portion du chyme destinée à notre nutrition, celle qui se convertit en notre substance.

Vos témoignages

  • Souchay 3 octobre 2012 21:13

    merci pour ces publications, d’une grande précision ; Je vous tiendrai u courant des résultats de mon curmi (ou courmé) ! La découverte d’auguste truelle est d’une grande richesse !

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