Il est encore un genre de transformation des pommes, qui est la base d’une grande industrie dans nos provinces cidricoles, c’est la fabrication du cidre, Bien que cette utilisation des fruits à cidre ne présente pas une relation aussi intime avec les emplois économiques dont il a été question jusqu’ici, elle intéresse, cependant, fortement les ménagères et même les fermières qui veulent préparer elles-mêmes quelques bouteilles de cidre mousseux ou de vin de pommes, comme cela a lieu fréquemment à l’étranger, notamment en Angleterre et dans les pays de langue allemande.
1. Cidres mousseux
Je vais entrer, au sujet du procédé à suivre dans la préparation des cidres mousseux, dans des détails suffisants pour permettre de les réussir, ce qui n’est pas assez souvent le cas de la part de nos producteurs paysans surtout et justifie la raison de leur faible importance dans le commerce des boissons. Le procédé est le même que l’on opère en petit ou en grand, et d’autant plus que je laisse de côté la méthode de champagnisation champenoise qui est trop longue et dispendieuse quand on effectue les différentes manipulations qu’elle comporte.
1.1 Préparation du cidre en petit
On prend des pommes à cidre mûres à point, parfumées, très propres, et, autant que possible, appartenant à la deuxième maturation ou saison. (La quantité à mettre en œuvre par les maîtresses de maison qui ne voudraient faire qu’une vingtaine de bouteilles champenoises varie entre 35 à 40 kg.) On les râpe ou les broie. selon le cas, on renferme la pulpe dans une toile grossière et on l’exprime au moyen d’une petite presse de laboratoire ; on tamise le jus recueilli et on le verse, selon son volume, dans une tourie ou un baril. On émiette soigneusement le marc et le presse à nouveau, sans eau, et l’on réunit ce second jus liquide au premier. On pose, en guise de bonde, un barboteur hydraulique ou un purificateur à air sur le récipient (tourie ou baril) ; on met ce dernier dans un endroit dont la température doit se maintenir au voisinage de 15°, et on l’abandonne à la fermentation principale dite tumultueuse. Lorsque celle-ci sera calmée, ce qu’on reconnaîtra, si l’on a mis un barboteur, à ce que les bulles de gaz carbonique passeront lentement à travers le liquide, ou, si l’on n’y a pas eu recours, à l’absence de crissement du gaz quand on approchera l’oreille de l’orifice du récipient, on prendra la densité du cidre et, tant qu’elle ne sera pas descendue à 1025 à 15°, on le laissera en place. Aussitôt qu’elle y sera tombée, on le soutirera dans un autre baril ou tourie en s’arrangeant de façon à faire le plein, et on laissera une fermentation secondaire se déclarer et marcher jusqu’à ce qu’elle ait abaissé la densité entre 1020 et 1018.
Je dois, ici, fournir quelques explications. La fabrication des cidres mousseux, dont il existe plusieurs catégories, compte trois conditions principalement critiques et difficiles à réaliser : la limpidité et la densité du cidre destiné à devenir mousseux et le volume de mousse qu’il doit posséder après sa fermentation en bouteille. Les deux premières, souvent liées l’une à l’autre, ont la plus grande influence sur les propriétés chimiques, physiques et organoleptiques de ce cidre, et par contre-coup rationnel, sur sa vente et sa consommation.
Un bon cidre mousseux doit être limpide, parfumé, légèrement sucré, assez alcoolique et dégager une mousse assez abondante. Or, quand on ne prend pas la densité du cidre, on risque, ce qui arrive très souvent, de le mettre trop tôt en bouteilles, et il en résulte deux sérieux inconvénients : il se forme un dépôt dans le fond du flacon et un excès de gaz carbonique dans le sein du liquide, de sorte que, lorsque les bouteilles n’éclatent pas, quand on vient à les déboucher, le cidre jaillit de tons côtés et le flot de mousse s’échappant immédiatement du verre n’y laisse guère qu’un peu de cidre boueux. Mais il arrive aussi que l’absence de prise de la densité conduit à mettre le cidre trop tard en bouteilles, et alors il manque de corps, ne mousse plus suffisamment et ne pétille qu’à peine. Il importe donc, avant d’embouteiller le cidre, de s’assurer de sa limpidité et de sa densité.
Il existe une certaine relation entre les degrés de la densité et ceux du volume de la mousse à produire, et voici les indications qui résultent de mes expériences.
1.2 Relation entre les degrés de la densité et la quantité de mousse produite
On trouve chez les constructeurs d’appareils de précision des densimètres ordinaires et des mustimètres spéciaux, parmi lesquels mon Pomivalorimètre, qui permettent, en appliquant les densités ci-dessous d’obtenir les quatre catégories de cidres plus ou moins mousseux et de régulariser ainsi leur préparation.
Densités (à 15°) | Catégories de cidres mousseux. |
---|---|
De 1020 à 1018 | on obtient un cidre très mousseux pouvant déterminer l’éclatement des bouteilles. |
De 1017 à 1015 | mousseux ne déterminant plus l’éclatement des bouteilles. |
De 1014 à 1012 | très pétillant et crémeux. |
De 1011 à 1009 | pétillant. |
Les profanes, qui ne recherchent dans un cidre mousseux que l’explosion du bouchon et un flot de mousse mettront le cidre en bouteilles entre 1020 et 1018, mais ils courront le risque de voir éclater beaucoup de bouteilles, plus la densité sera voisine de 1020 et plus la cave ou le cellier seront chauds. Pour éviter la casse, il sera utile de maintenir les bouteilles debout pendant le premier mois, au minimum.
Les connaisseurs et tous ceux qui veulent déguster un cidre mousseux, dont la mousse abondante et chantante, en s’évanouissant sur le palais, exhale sur ses papilles le parfum agréable de la pomme, préféreront, selon qu’ils voudront plus ou moins de mousse, les degrés intermédiaires entre 1017 et 1012. Enfin ceux qui, pour des raisons diverses, ne tiennent pas à la mousse, mais plutôt à une crème pétillante, embouteilleront le cidre entre 1012 et 1009.
Il sera encore prudent de tenir debout pendant 15 jours à 3 semaines les bouteilles contenant des cidres pesant 1017 à 1011 ; à partir de 1010, on pourra s’en dispenser. D’ailleurs, toutes les fois que l’on remarquera, dans l’une ou l’autre catégorie de cidres mousseux, l’éclatement de quelques bouteilles couchées, il faudra immédiatement redresser toutes les autres et les maintenir debout pendant quelques semaines, et principalement jusqu’à ce qu’il se produise un abaissement notable de la température ambiante.
1.3 Mise en bouteilles
Ces explications fournies, je reviens au cidre dont la densité marque au densimètre 1020. Deux cas peuvent se présenter : il est trouble ou limpide. Dans le premier cas, il faut le coller, soit à l’albumine ou aux blancs d’œufs, à la gélatine, à l’ichtyocolle ou à la caséine. Cette dernière me paraît dans ce cas le meilleur clarifiant parce qu’elle n’enlève au cidre aucun principe important, mais pour remplir cette condition, il faut qu’elle soit pure et soluble : la marque dite « vinicole pure » convient très bien. La dose pour un collage léger est de 8g par hectolitre et, pour un collage fort, de 12g, On fait dissoudre la quantité nécessaire dans un peu d’eau chaude 6 à 8 heures avant de s’en servir, on verse la solution dans le cidre et on l’y mélange exactement. La colle bien déposée, on soutire le cidre, on le laisse reposer quelques jours et on le met en bouteilles.
Dans le second cas, s’il est limpide, ce qui est préférable à tous égards, il n’y a plus qu’à l’embouteiller en apportant la plus grande attention, au temps, aux bouchons, aux bouteilles et à la façon de les remplir. Le temps doit être beau, frais au froid, le baromètre haut ; les bouchons longs et très sains. Quant aux bouteilles, ce doivent être des champenoises pour les cidres de densité 1020 à 1011 incluse, et des bouteilles ordinaires ou à eau minérale à partir de 1010. Il me paraît inutile de dire qu’elles doivent être propres, mais il est bon de s’assurer qu’il n’est pas resté, après leur lavage, dans le fond ou sur leurs parois, des grains de plomb ou des poils de brosse, ce que l’on constate parfois, et qui n’est pas sans gravité quand il s’agit du plomb. Le remplissage doit se faire, autant que possible, à l’abri de l’air, et l’un des meilleurs moyens pratiques consiste à conduire le cidre au fond de la bouteille au moyen d’un tube en caoutchouc fonctionnant comme un siphon entre le baril et le flacon.
Le bouchage peut être fait à la batte ou avec une boucheuse mécanique ; puis, les bouchons assujettis avec une ficelle, un fil de fer ou un muselet, on les paraffinera si la garde a lieu dans un endroit humide, afin d’éviter les moisissures. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais c’est là l’essentiel, surtout pour une fabrication ménagère ou paysanne. Il est à espérer que nos grands cidriers, qui ont déjà réalisé de réels progrès dans leurs cidreries industrielles, feront après la guerre les efforts nécessaires pour perfectionner la fabrication des cidres mousseux, afin de reprendre ou d’occuper, sur les marchés des républiques latines de l’Amérique du Sud, ainsi que dans le bassin oriental de la Méditerranée, la place qu’ont su prendre depuis longtemps les cidres allemands ou espagnols.
2. Vins de pommes.
Par analogie avec le nom qu’on attache au jus fermenté des baies et des fruits à noyau qu’on appelle couramment « vin de groseilles », « vin de prunes » etc., le cidre pur jus fermenté est bien un « vin de pommes » ; c’est, d’ailleurs, ainsi qu’on le nomme dans les pays de langue allemande, « apfelwein », et parfois aussi dans ceux de langue anglaise « apple wine », mais on n’en prépare pas en France, que je sache, sous ce nom. D’autre part, pour mériter le nom de « vin » pris dans son sens habituel chez nous, il faut que le liquide ait un titre alcoolique supérieur ou, tout au moins égal à 10° ; or, bien que l’on puisse, en sachant choisir les variétés de pommes d’élite, en obtenir, comme je l’ai fait, sans autre addition que de la levure pour faire fermenter tout le sucre en présence, un cidre possédant ces 10 degrés, on sait que le cidre le plus alcoolique fabriqué habituellement dans nos provinces cidricoles, titre entre 7° à 8°. Il est donc indispensable, pour fabriquer un vin de pommes avec les fruits de valeur moyenne dont on dispose couramment, d’ajouter au jus obtenu, par une méthode appropriée, la quantité de sucre nécessaire pour parfaire, après fermentation, le volume d’alcool déficitaire.
On y parvient par une méthode directe et par une méthode mixte. La première comprend : a) l’addition seule au jus, avant la fermentation, d’une matière sucrée, sucre ou miel ; b) la concentration seule du jus, avant la fermentation. La seconde méthode comprend, tantôt l’addition d’une matière sucrée, d’eau-de-vie et d’aromates avant ou après fermentation, sans concentration du jus, tantôt l’addition de ces mêmes substances, avant ou après fermentation, mais avec concentration ou ébullition du jus de pommes pur.
2.1 Méthode directe de préparation
Il n’a pas encore été publié, que je sache, de procédé français, et c’est la raison qui m’incite à en imaginer deux, un pour l’addition du sucre et l’autre pour la concentration du jus . Je pense qu’ils donneront toute satisfaction aux ménagères ; dans tous les cas, comme ils sont rationnels, le vin qu’ils permettront d’obtenir possédera, certainement, les qualités et les défauts inhérents à cette transformation artificielle du jus de pommes. – Pour ne point sortir de l’utilisation ménagère, je rapporterai ces procédés à la préparation de 20 litres de vin de pommes.
2.1.1 Par addition seule de sucre au Jus. Procédé rationnel
(Il est sous-entendu que son application est subordonnée à la possession du sucre nécessaire).
Il importe, avant de faire cette addition, de connaître, tout d’abord, la quantité de sucre total contenue dans le jus, et, pour le savoir sans recourir à l’analyse, la maîtresse de maison dispose d’un moyen pratique, la prise de la densité, qu’elle peut prendre elle-même à l’aide d’un densimètre ordinaire, mustimètre ou pomivalorimètre, à 15°, et en tenant compte ensuite des explications ci-dessous.
On admet, empiriquement, que les deux derniers chiffres de la densité, multipliés par 2,15, donnent approximativement le poids du sucre total contenu dans un litre de jus non fermenté. On admet aussi que, dans la pratique, il faut 18,50g de sucre pur pour produire un degré d’alcool par litre de jus. Or, ces faits connus, si l’on passe à leur application, en supposant que l’on ait un jus de pommes pesant 1060 à 15°, et que l’on veuille préparer un vin de pommes titrant 10, 12 ou 15° d’alcool, on trouve qu’un litre du susdit jus contient, approximativement (60X2,15) 129g de sucre et, par suite, les 20 litres, 2,580 kg.
D’autre part, pour que ces 20 litres de jus renfermassent, après fermentation complète, 10, 12 ou 15° d’alcool, il leur faudrait, auparavant, contenir respectivement 3,700 kg, 4,400 kg, 5,550 kg de sucre, et comme ils n’en possèdent que 2,580 kg, il s’ensuit qu’il serait nécessaire d’ajouter au jus primitif, selon le titre désiré, la différence entre chacun de ces poids et 2,580 kg, soit 1,120 kg pour 10°, 1,860 kg pour 12° et 2,970 kg pour 15°.
L’addition du sucre doit être faite sous la forme d’un sirop obtenu en dissolvant le sucre dans le moins d’eau possible à l’ébullition, ou mieux dans son propre poids de jus chauffé à 50° seulement pour éviter le goût de cuit. Pour faciliter et activer la fermentation, il y aurait lieu de faire intervenir la levure de bière ou de grain à la dose de 50 g, après l’avoir délayée dans un demi-litre de jus à 20°. Il serait encore préférable, pour avoir davantage l’illusion d’un vin, de recourir à des levures de vin sélectionnées qui communiqueraient un goût qui serait très appréciable !
On mélange par agitation, fouettage ou roulement, selon le volume du cidre et la nature du récipient, on le bonde avec un barboteur hydraulique et l’on termine l’opération comme il a été dit plus haut, car ce cidre ne diffère guère du cidre mousseux que par son titre alcoolique plus élevé, surtout si la fermentation a été assez complète pour transformer tout le sucre. Cependant, si l’on désire un vin de pommes doux, c’est-à-dire quelque peu sucré au palais, il faudra le mettre en bouteilles quand sa densité variera de 1015 à 1010 ; si, au contraire, on tient à ce que le vin soit sec, ce ne sera pas avant qu’elle ne soit tombée entre 1002 et 1000.
2.1.2 Par concentration du jus, Procédé rationnel
Les données ci-dessus admises, en parlant du jus de densité 1060 contenant 129 g de sucre par litre, pour préparer 20 litres de vin de pommes titrant 10°, 12° ou 15°, on trouve que, dans les conditions ordinaires de fabrication, il faudrait respectivement, en chiffres ronds, 29, 34 ou 44 litres de jus. Il serait donc nécessaire de faire évaporer dans une bassine en cuivre à fond plat, l’un ou l’autre de ces volumes jusqu’à réduction de 20 litres, soit 9, 14 ou 24 litres, afin que le jus ainsi concentré renfermât le poids de sucre nécessaire pour fournir après fermentation complète, selon le cas, 10°, 12° ou 15°. Et comme, au cours Je l’évaporation, les ferments naturels auraient été tués, il deviendrait indispensable, quand la température du jus versé dans une tourie ou un petit baril serait descendue entre 20 et 18 degrés, d’ajouter 125 g de levure de bière ou de grain ou, ce qui vaudrait encore mieux que lors de la préparation à froid, des levures de vin sélectionnées. – Je dirai même, à ce propos, qu’une partie de la faveur que le cidre allemand rencontre à l’étranger est due à l’emploi de levures des vins de la Moselle que l’École supérieure de Geisenheim‑sur‑Rhin envoie à toutes les grandes cidreries qui lui en font la demande. – La suite de la préparation est identique à celle que j’ai décrite plus haut. Il en résulte que le vin de pommes ainsi obtenu est un vin cuit dans lequel le fruité du cidre, si plaisant au palais de l’amateur français du bon cidre naturel, n’existe plus ; cependant, il peut, malgré cela, être très agréable au consommateur ordinaire en raison de sa teneur en sucre, acide carbonique et alcool.
2.1.3 Procédés américains et anglais
La méthode de concentration est suivie depuis longtemps à l’étranger où il en existe plusieurs procédés dans les pays de langue anglaise, notamment aux États-Unis. Dans ces vins de pommes, les étrangers visent souvent une imitation de vins liquoreux et, par suite, ils doivent être doux et alcooliques tout à la fois, mais les procédés appartiennent davantage à la méthode mixte.
Voici un procédé assez répandu. On choisit des pommes très saines et mûres ; on les écrase et les presse ; on recueille le j us, on le tamise et on l’évapore à la moitié de son volume. On le laisse refroidir, et quand il est tiède on y délaie une quantité de levure de bière suffisante pour y développer une vive fermentation. Après 24 heures, on soutire et on introduit le liquide dans un ou des barils, ou mieux, dans des bouteilles très fortes qu’on bouche avec soin.
Les Américains font, paraît-il, grand cas de ce vin de pommes qu’ils considèrent comme un vin doux et capiteux qui, lorsqu’il est un peu ancien, se rapproche du vin du Rhin ! Je n’en ai pas préparé d’après cette formule, mais j’ai assez l’expérience de la fermentation du cidre pour conseiller aux ménagères de ne faire que quelques bouteilles d’après ce procédé et de les tenir debout dans un endroit frais pendant plusieurs mois, ce que font probablement les Américains, car, sans cette précaution, je suis convaincu que la plus grande partie des bouteilles seraient brisées si on les couchait peu de temps après l’embouteillage.
2.1.4 Méthode mixte
C’est surtout à cette méthode que se rattachent les procédés américains et anglais, les plus estimés dans leurs pays respectifs ; je vais en indiquer trois formules.
2.1.4.1 Red Cider Wine
Pour préparer ce « Vin de cidre rouge », on emploie : jus de pommes 20 litres, sucre roux 600 g, miel 5 kg, tartre rouge 100 g, betteraves rouges finement divisées 1200 g. On fait cuire le tout ensemble pendant deux heures ; on verse le mélange dans un baril où on le laisse fermenter complètement, en faisant le plein avec du moût, ou, à son défaut, avec de l’eau sucrée. La fermentation terminée, on ajoute 40 centilitres d’eau-de-vie de vin avec 6 g de cannelle et autant de gingembre en poudre. On laisse le tout en contact pendant 5 mois, on clarifie et on met en bouteilles. Cette formule comporte une réduction moyenne du jus de pommes et une addition d’alcool ; aussi, étant donné la quantité des sucres ajoutée à celle du jus, doit-elle fournir un vin de pommes très sucré, car tout le sucre ne peut certainement pas fermenter faute de levure et, en même temps très capiteux, par suite du volume d’alcool résultant de deux sources : fermentation et addition.
2.1.4.2 Vin de pommes supérieur
Dans cette formule, on emploie le cidre fait au lieu de jus.
Cidre | 20 litres. |
Sucre ou miel | 500 grammes. |
Eau-de-vie de vin | 60 centilitres. |
Amandes amères | 1,50 g |
Fleurs de muscadier | 1,50 g |
Semences de moutarde | 12,50 g |
Cachou | 6 g |
ou Cochenille pulvérisée | 1 g |
On pulvérise le sucre et les trois aromates, on les mélange avec l’eau-de-vie dans le cidre, puis le cachou préalablement dissous dans le minimum d’eau et l’on agite de temps en temps pendant les 15 premiers jours. On laisse macérer pendant 3 à 4 mois, on soutire et l’on clarifie avec 1,50 g de colle de poisson ou un blanc d’œuf battu en neige.
Si l’on veut que le vin soit d’un jaune pâle, on n’ajoute pas de cachou et l’on remplace le collage précédent par celui au lait ; si l’on tient à ce qu’il ait une coloration vermeille, on y fait macérer la cochenille au lieu de cachou, On conserve en bouteilles.
2.1.4.3 Cidre royal
Connu sous le nom de « Royal Cider » qui, au début du XIXe siècle, jouit en Angleterre d’une réputation supérieure à celle des meilleurs vins français, ce vin était obtenu en distillant l’alcool d’un volume donné de cidre et en ajoutant cette quantité à un même volume de cidre de qualité supérieure. C’était en somme, une opération analogue au vinage des vins, et elle avait pour résultat de fortifier notablement le cidre puisqu’elle en doublait la teneur alcoolique. On comprend facilement qu’un cidre pur jus, contenant déjà entre 6 et 8 % d’alcool, devait être très capiteux quand cette teneur s’élevait entre 12 et 16 % ! Pour peu qu’on lui ajoutât une petite quantité de sucre, la douceur qui en résultait le rapprochait sensiblement d’un vin liquoreux. Il serait facile à toute maîtresse de maison de le réaliser, en soumettant à cette double opération un excellent cidre distillé au moyen d’un petit alambic d’essai.
3. Vins factices à base de jus de pommes ou de cidre.
Je rappellerai, pour en terminer avec les vins de pommes, que dans les pays où un climat trop froid interdit la culture de la vigne ou mûrit ses fruits insuffisamment, les habitants ont souvent demandé l’illusion des vins généreux à des vins artificiels issus tantôt de la fermentation du jus de pommes avec des raisins, de l’alcool et des jus de fruits divers, tantôt de la macération du cidre avec ces mêmes substances. Ces sophistications, qui avaient pour but l’imitation, grossière bien entendu, de nos meilleurs vins et de ceux de l’étranger, notamment de l’Espagne, ont été pratiquées longtemps en Angleterre et en Allemagne, surtout dans les ménages. Je me garderai bien de donner ici les formules prônées pour l’imitation ou, plus justement, la dénaturation de nos vins français ; je me permettrai seulement d’indiquer quatre recettes se rapportant à quatre vins liquoreux : Malaga, Xérès, Alicante et Madère, de consommation très limitée et que, dans ce cas particulier, l’on peut considérer avec assez de raison comme des liqueurs à base de jus de pommes très hygiéniques et agréables, et sous les noms desquelles je vais les mentionner, en ramenant ces formules, comme pour les vins précédents, à l’emploi de 20 litres de jus ou de cidre.
3.1 Liqueurs factices à base de jus de pommes.
Jus de pommes | 20 litres |
Raisins secs broyés | 2,500 kg |
Alcool rectifié à 95° | 1 litre |
Sirop simple | 1 litre |
Fleurs de sureau | 1 litre |
Éther acétique | 20 grammes |
A l’exception de l’éther acétique, on met toutes ces substances avec le jus de pommes dans un baril et on laisse la fermentation s’accomplir en ayant soin de refaire le plein avec du cidre pendant sa durée. Lorsqu’elle est terminée, on clarifie avec l’ichtyocolle, on ajoute l’éther acétique, on colore avec un volume suffisant de jus de baies de sureau ou de myrtilles et l’on met en bouteilles quelques semaines après.
Jus de pommes | 20 litres |
Raisins secs broyés | 2 kg |
Alcool rectifié à 95° | 1,20 l |
Tartre rouge | 24 grammes |
Éther acétique | 12 grammes |
Eau de fleurs d’oranger | 2 grammes |
Opérer comme pour la liqueur de Malaga, en n’ajoutant l’éther acétique et l’eau de fleurs d’oranger qu’après le collage.
3.2 Liqueurs factices à base de cidre
Cidre | 20 litres. |
Alcool-rectifié à 95° | 5 litres. |
Sucre de canne | 1,880 kg |
Eau distillée | 1,650 l |
Jus de myrtilles | 0,590. l |
Extrait d’Iris | quantité suffisante pour aromatiser. |
On fait dissoudre à chaud le sucre dans l’eau et l’on mélange intimement la solution avec les autres substances dans un petit baril. On n’ajoute l’extrait d’iris qu’à la fin et en quantité strictement suffisante pour aromatiser, car un excès gâterait toute la liqueur. Il ne faut jamais qu’on puisse reconnaître dans l’arôme la substance qui le fournit, autrement l’imitation ’serait ratée. On laisse en contact pendant 15 jours, on clarifie et on met en bouteilles.
Cidre | 20 litres |
Sucre en pain | 535 grammes. |
Miel pur jaune | 535 grammes. |
Alcool rectifié à 96° | 1,450 litre |
Fleurs de houblon | 3 grammes. |
On fait dissoudre à froid le sucre et le miel dans la moitié du cidre, on verse la solution dans un petit baril, on y ajoute le reste du cidre, l’alcool et le houblon, on laisse le mélange macérer durant 15 jours ; on passe, on clarifie et l’on met en bouteilles.