La transmission par cardan a ce grand avantage qu’elle laisse à l’arbre principal la faculté de se déplacer par rapport au mécanisme fixe de la boite de vitesses.
L’arbre principal, dans une voiture automobile, sort de la boîte de vitesses et va actionner, au moyen de pignons coniques ou d’une vis sans fin, un arbre qui lui est perpendiculaire. Ce dernier communique le mouvement aux roues motrices arrière de la voiture.
Les roues arrière sont reliées au châssis de la voiture par l’intermédiaire de ressorts qui sont destinés à amortir les cahots de la route en absorbant les oscillations le plus possible. Il en résulte que les roues et, par suite, leurs organes directs d’entraînement sont sujets à des déplacements par rapport au châssis de la voiture.
Si nous considérons ce qui se passe dans une voiture à chaînes, nous constatons que ces déplacements n’ont aucun inconvénient pour les organes de commande. En effet, les petits pignons situés à l’extrémité de l’arbre du différentiel sont fixés invariablement au châssis et la liaison avec le grand pignon, solidaire de la roue, se fait par l’intermédiaire d’un organe souple qui est la chaîne. L’essieu arrière, qui est fixe et autour duquel tournent les roues, peut se déplacer par rapport à l’arbre perpendiculaire à l’arbre principal, tout en restant à la même distance. Cette condition est remplie par des tendeurs de chaîne formant tiges de poussée, comme nous l’expliquerons en parlant des différents systèmes de propulsion des voitures.
Si nous examinons maintenant le même problème dans une voiture à transmission directe, nous voyons que le petit. pignon ou la vis sans fin en bout de l’arbre principal est obligé de suivre scrupuleusement tous les mouvements auxquels est sujet le pont arrière, lequel est composé du grand pignon, du différentiel et de l’arbre perpendiculaire à l’arbre principal.
Comme la boîte de vitesses est fixée en général d’une façon invariable au châssis, il s’ensuit que l’arbre principal doit être relié à la boîte de vitesses par des organes ou joints souples. Ce joint doit permettre la transmission du mouvement, tout en laissant la faculté à l’arbre principal de se déplacer par rapport à un mécanisme fixe de la boîte de vitesses.
C’est cet organe souple qu’on appelle joint à la cardan ou plus simplement « cardan ».
Le principe de ce joint est connu et utilisé depuis longtemps en mécanique générale, mais l’automobile ne l’employa pour la première fois que vers 1897, et ce fut Renault qui en fit. le premier usage.
Voici le principe de cet organe :
Chaque extrémité des deux arbres à réunir porte une pièce en forme de C ou de pince qu’on appelle chape. Les deux branches de ce C viennent s’articuler aux deux pointes d’un petit axe. Ce petit axe comporte, fixé solidement sur lui, un axe semblable et l’ensemble de ces deux axes forme un croisillon, qu’on appelle encore noix du car dan. Le deuxième axe reçoit les deux bras du C fixés sur le deuxième arbre. Le nom de noix vient de ce que le croisillon est souvent remplacé par une pièce plus solide, en forme de cube ou de bille, qui porte seulement les bouts d’axe nécessaires pour permettre l’articulation des deux chapes.
Dans le cas où on n’ utilise qu’un. cardan simple, on le fixe à la sortie de la boîte des vitesses et l’arbre principal qui porte le pignon denté peut osciller autour du centre du cardan, qui est un point fixe. Le petit pignon et par suite le pont arrière peuvent pivoter autour de ce point fixe, mais en restant toujours à la même distance.
Quand le pont arrière se déplace de bas en haut, ou inversement, on est obligé d’employer un deuxième cardan près du différentiel.
Mais cela peut n’être pas encore suffisant, par exemple quand le pont arrière ne reste jamais à une distance invariable de la boîte de vitesses, comme nous verrons que cela peut se produire dans certains modes de propulsion, lorsque nous en serons à ce chapitre.
L’arbre principal doit pouvoir pivoter autour du cardan près de la boîte de vitesses, mais aussi il doit pouvoir se rallonger ou se raccourcir à la demande des oscillations de la voiture. Pour cela, l’extrémité de l’arbre porte des cannelures qui viennent s’emboîter dans un manchon, lequel est dans le prolongement du petit pignon conique. C’est ce qu’on appelle un joint coulissant, qui permet au pont arrière de s’éloigner ou de se rapprocher de la boîte de vitesses.
Ce système tend à se généraliser et on le trouve appliqué sur presque toutes les voitures à cardan actuelles.
Une solution qui est intermédiaire entre les chaînes et les cardans consiste à fixer d’une façon invariable aux châssis le différentiel et le grand pignon conique ; de cette façon l’arbre principal n’a pas besoin de jonction souple.
Pour suivre les oscillations des roues, les deux arbres perpendiculaires, dont une extrémité est fixe dans le différentiel, comportent un joint cardan. Ce joint facilite à l’extrémité qui porte la roue des déplacements suivant les cahots.
L’avantage de cette disposition, qu’on rencontre dans la voiture « de Dion », est d’avoir un pont arrière dont le poids important est supporté par le châssis ; cela permet en outre de donner du carrossage aux roues arrière, ce qui n’a jamais lieu dans les voitures à cardan ordinaires. Le carrossage, dont nous parlerons quand nous traiterons les roues, consiste à maintenir les rais toujours perpendiculaires au sol, malgré ce qu’on appelle l’« écuanteur ».
Certains constructeurs ont remplacé la forme mécanique du cardan par un autre dispositif. Le cardan a, en effet, l’inconvénient d’exiger un certain entretien et l’articulation mécanique consomme du lubrifiant.
Dès l’année 1913, dans certaines voitures, en employait un organe flexible, très résistant, en toile et caoutchouc, qui réalisait une transmission sans bruit, ni choc ; cet organe s’appelle « Flector ».
Le Flector est une espèce d’anneau souple. qui comporte une rotule en bois dur servant d’appui à l’arbre incliné. Des segments métalliques sont placés à l’intérieur ; ils portent des tiges filetées qui servent il maintenir des collerettes ou plateaux d’entraînement de chaque côté ; chaque plateau se termine par un manchon qui est réuni d’un côté à l’arbre de la boîte de vitesses, de l’autre à l’arbre incliné qui va au joint coulissant.
L’association de la toile et du caoutchouc, qui donne de bons résultats pour le pneumatique, répond bien aux efforts que les joints flexibles ont à supporter. La durée en est très longue, et ce système est meilleur marché et d’un moindre entretien que le cardan.
Dans la voiture Citroën, le joint avant est constitué par un disque de toile et de caoutchouc, qui est fixé par trois points de sa périphérie sur le tambour de frein et par trois points symétriques opposés au plateau entraîneur de l’arbre incliné.
A l’autre extrémité de l’arbre incliné, près du différentiel, est un joint coulissant, car dans cette voiture le pont arrière avance ou recule suivant la flexion des ressorts.
Étant donnés les chocs auxquels sont exposés les châssis de voitures, et en particulier de camions, il arrive fréquemment que, lorsqu’un arbre a une certaine longueur, on le fragmente et on réunit les deux ou trois morceaux par des joints cardans à noix en forme de bille qu’on appelle alors joints à rotule.
Cela se rencontre en particulier dans les châssis de camions à chaîne. Le châssis de ce genre de voiture est très allongé ; il en résulte que l’arbre qui va de la boîte de vitesses au différentiel est d’une longueur assez importante. Cet arbre est alors en deux pièces et comporte au milieu un joint cardan qui réunit les deux bouts d’arbre.
Dans certaines voitures où la boîte de vitesses n’est pas juxtaposée à l’embrayage pour constituer un bloc moteur, on est obligé de réunir par un arbre l’embrayage, et la boite de vitesses est alors en alignement avec les leviers de commande, ce qui simplifie le mécanisme. Même, dans le cas de commande à gauche, les leviers sont articulés sur une pièce fixée à la boîte de vitesses elle-même.
Dans le cas où l’on a ainsi un petit arbre pour permettre d’avoir une liaison qui supporte les petites dénivellations, les vibrations, on interpose au milieu de cet arbre un joint élastique.
Les figures que nous reproduisons montrent la disposition de joint souple adopté sur les voitures Farman, dans lesquelles la boite de vitesses est éloignée de l’embrayage.
L’organe fondamental de ce joint est une pièce en caoutchouc moulé qui présente des cavités sur ses deux faces. Ces cavités se chevauchent et elles servent de logement à des dents de deux plateaux métalliques. Sur ces plateaux sont montés les deux éléments des arbres à réunir, dont l’un va à la boîte de vitesse et l’autre à l’embrayage par l’intermédiaire d’un joint à rotule.
Le joint cardan est quelquefois combiné avec le joint coulissant. Dans ce cas, la douille à rainures dans laquelle peut glisser l’arbre tout en restant entraîné est articulée sur un axe autour duquel elle peut pivoter. La chape qui supporte les extrémités de l’arbre peut elle-même pivoter autour d’un deuxième axe qui est perpendiculaire au premier, dont la chape est solidaire d’un plateau claveté sur l’arbre qui doit transmettre le mouvement.
En résumé, les joints à la cardan relient. entre eux deux arbres concourants faisant un angle quelconque ; le joint coulissant relie deux arbres dont l’un peut s’éloigner ou se rapprocher légèrement ; le joint souple relie deux arbres en prolongement sujets à de légers déplacements de l’un par rapport à l’autre.
Le rendement des joints à la cardan proprement dite est défectueux quand l’angle formé par les deux arbres opposés devient inférieur à 135°. Le champ des variations angulaires est quand même important, puisqu’il peut atteindre 90°.
Outre l’emploi dans les voitures automobiles, ce genre de joints est employé pour donner de la flexibilité aux hélices de navires, aux commandes de machines outils.
Dans le cas du joint de l’arbre entre la boite de vitesses et l’embrayage, on n’a pour but que de remédier aux flexions du châssis ; c’est pourquoi il est intéressant d’employer un joint souple qui est un organe à fonctionnement moins brutal et qui, par suite, a un meilleur rendement au point de vue bonne transmission, sans à-coups ni usure des pièces mécaniques qu’il relie.
E WEISS, Ingénieur E. C. P.