Aujourd’hui où la question du carburant devient angoissante pour l’automobile, il est intéressant de remarquer les efforts faits par quelques constructeurs pour ramener à l’ordre du jour la voiture électrique, Cette tentative est malheureusement trop ignorée du grand public, et il convient de fixer brièvement l’état actuel des choses.
Rappelons tout d’abord que les véhicules électriques, premières voitures automotrices depuis le tramway parisien de 1882, virent. après une courte vogue, se dresser un inquiétant rival : le moteur à explosions. La lutte fut brève ; progressant à pas de géants, ce dernier ruina l’essor de la voiture à accus encore trop imparfaite qui ne tarda pas à disparaitre de France. Aujourd’hui, grâce aux progrès réalisés en matière de mécanique et d’électricité, et favorisée par le marasme où se trouve l’automobile thermique. elle tend à reprendre une bonne place dans la locomotion. Abandonnant ses formes primitives, la voiture électrique conserve actuellement l’apparence de sa rivale ; le capot reste le même et sert à dissimuler soit le moteur, soit une partie des accus, l’autre se trouvant sous le siège du conducteur ou sur les marchepieds dans la voiture de maître qui peut ainsi conserver sa ligne svelte et élégante, et sous le châssis dans le véhicule industriel où le souci du pratique passe avant celui de l’esthétique.
Les automobiles électriques sont de deux types principaux : 1° à moteur unique ; 2° à deux moteurs indépendants.
Voitures à accumulateurs à moteur unique
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Ce type de voiture trouve principalement son emploi dans la voiture de maître et la camionnette légère. Le moteur, dissimulé sous le capot, très fréquemment un moteur série à deux collecteurs, assure la marche du véhicule par l’intermédiaire d’une boîte de vitesse et d’un différentiel. Les accumulateurs se composent soit de 60 éléments de traction au ferro-nickel, soit de 42 au plomb. Leur capacité peut varier de 225 à 350 ampères-heure en 3 heures ; ils sont placés sous le siège, et dans des coffres à l’arrière ou sur le marchepied, et alimentent le moteur par l’intermédiaire d’un combinateur du type à tambour, servant à réaliser divers couplages des induits et inducteurs suivant les besoins de la marche. Une pédale, actionnant un interrupteur, coupe à fond de course le courant principal entre les accumulateurs et le combinateur que l’on peut alors manœuvrer sans dommages pour les contacts ; ramenée à sa position première par un ressort antagoniste, elle rétablit le circuit en passant par une série de résistances qui s’éliminent au fur et à mesure. Toute erreur de conduite est rendue impossible par un système de verrouillage qui empêche rigoureusement de manipuler le levier du combinateur sans avoir au préalable agi sur la pédale.
L’équipement électrique de la voiture comporte en outre un dispositif de freinage (moteur débitant sur résistances), d’éclairage et divers accessoires, volt-ampèremètre, compteur, indicateur de vitesse, etc.
Voitures à accumulateurs à deux moteurs indépendants.
Rencontré surtout sur les camions de fort tonnage et les camionnettes, ce dispositif comprend : deux moteurs directement placés sur l’essieu arrière qui attaquent les roues par l’intermédiaire d’une couronne dentée intérieurement. Le grand avantage de cette disposition est la simplification des transmissions, la suppression du différentiel, organe essentiellement délicat.
D’autre part, la grande gamme de vitesses que l’on peut donner à la voiture par couplages appropriés des moteurs permet de supprimer le changement de vitesse mécanique, non moins importante source d’ennuis.
Comme dans le cas précédent, nous retrouvons ici combinateur et contacteur, freinage électrique, avec ou sans récupération, suivant l’excitation, shunt ou série des moteurs.
On peut encore diviser les véhicules à traction électrique en trois classes selon leur tonnage, et voici pour chacune d’elles, résumée dans cc tableau, une moyenne grossièrement arrondie des chiffres caractéristiques :
Camionnette légère | Camionnette | Camion | |
kilogs | kilogs | kilogs | |
Poids total en charge | 2700 | 4390 à 4800 | 12 à 15000 |
Charge utile | 680 | 1040 à 1630 | 5000 à 5600 |
Poids des accus | 800 | 800 | 1600 |
kmh | kmh | kmh | |
Vitesse maxima. | 25 à 50 | 20 à 25 | 12 à 16 |
Vitesse moyenne | 18 à 20 | 17 à 20 | 11 à 14 |
Avenir des véhicules électriques
L’extension prise en Italie par ce genre de voitures permet d’envisager leur réussite en France. A Milan particulièrement, elles sont chose courante sous forme de taxis, voitures d’arrosage, d’enlèvement des immondices, de livraisons, etc. L’une des firmes qui les exploite existe déjà, et prospère depuis plus de trois années. En France, à Lyon notamment, les autobus il accumulateurs ont fait une heureuse apparition (fig. 4.)
Cependant, il sied de remarquer que si la voiture électrique a de très intéressantes qualités, on ne saurait toutefois l’employer il tort et il travers ; utilisée en dehors de son rayon d’action nettement délimité, elle exposerait son propriétaire à de graves mécomptes. Alors que l’automobile à essence est nettement supérieure, disons même, seule utilisable pour les longues randonnées, la voiture à accumulateurs se montre beaucoup plus avantageuse pour les petits parcours (80 km environ), ne nécessitant pas de grandes vitesses (transports urbains et suburbains), donnant lieu à de fréquents arrêts ; point de pénible mise en route, ni de ralentis onéreux ; la voiture ne consomme que lorsqu’elle roule. On a donc intérêt à l’adopter pour toutes livraisons en ville, services municipaux, transports en commun, taxis, postes, etc. La propreté, l’absence de bruit, d’odeurs désagréables, de dégagements de gaz nocifs, la facilité de conduite, le minimum de délicatesse, tout est réuni dans la voiture électrique. En outre, comparé au moteur à explosions brutal par sa conception même, le moteur électrique possède une souplesse qui augmente le confort et double la durée du véhicule. Le seul entretien est celui de la batterie d’accumulateurs, entretien minime, trop connu pour qu’il y ait lieu d’en parler ici, et qui peut être encore réduit par l’emploi d’éléments au ferro-nickel. Enfin, un bon point pour la voiture électrique, est la confiance apportée par plusieurs ’gros constructeurs d’automobiles français qui en ont envisagé la fabrication.
Mais le grand développement de ce mode dl’ transport est intimement lié à l’extension des postes de recharges encore trop espacés. Il serait très souhaitable de les voir se multiplier comme l’ont fait les distributeurs d’essence. Chaque garage devrait en être muni, et l’on’ arriverait ainsi normalement à l’auto électrique à longue haleine. Leurs propriétaires n’hésiteront pas à se lancer s’ils ont la certitude de pouvoir recharger le cas échéant. On peut même déjà entrevoir la disparition du dernier obstacle, l’immobilisation périodique de la voiture pendant la recharge par l’interchangeabilité des accus. Cette manière d’opérer en exigerait la standardisation, chose que nous savons en bonne voie de réussite.
Quoi qu’il en soit, la voiture à accumulateurs ne peut pas être idéalement pratique du jour au lendemain. Telle qu’on nous la présente actuellement, elle est à même de remplacer avantageusement l’automobile thermique dans les divers cas précités. Le reste se fera petit à petit, si le public, rendu un peu sceptique par l’échec d’un premier essai, veut bien aujourd’hui lui accorder, tout entière, la confiance qu’elle semble devoir
mériter. Toute la question est là. Enfin, pour convaincre les incrédules pt les pessimistes, les démonstrations, qui seront faites à l’Exposition dl’ la houille blanche à Grenoble, viendront appuyer cet aperçu par des faits et des chiffres toujours plus persuasifs que les paroles.Daniel Mounier