On a signalé dans plusieurs journaux français et étrangers la chute qui a eu lieu dans le territoire de Brescia (Italie) d’une météorite d’assez grande dimension. Nous publions en premier lieu la curieuse lettre qui a été écrite à ce sujet par le professeur G. Ragazzoni.
Le phénomène s’est produit le 16 février 1883, à 2 heures 43 de l’après-midi. Le ciel était nuageux ; tout à coup, on entendit une bruyante détonation. Quelques paysans, ayant aussitôt levé les yeux, aperçurent une espèce de commotion dans les nuages qui couvraient le ciel et entendirent pendant une minute environ un bruit semblable à celui d’un train de chemin de fer glissant sur la voie. Ce bruit fut suivi de la chute rapide. d’une masse qui ressemblait à une cheminée avec son panache de fumée bleuâtre. La chute de cette masse produisit un ébranlement du sol. Les paysans, épouvantés crurent à la fin du monde, et l’un d’eux qui vit passer sur sa tête la pierre météorique tomba par terre sans connaissance. Quelques-uns coururent à la bourgade raconter ce qui s’était passé, et là aussi l’épouvante fut générale.
L’aérolithe est tombé dans un champ, à un peu plus de 300 mètres au sud-ouest d’Alfianello : le trou à la superficie du sol, était petit et avait près de 70 centimètres de profondeur. On creusa la terre et on découvrit un énorme bloc de près de 75 centimètres de hauteur sur près de 70 de largeur. Il avait la forme d’un cône tronqué ; la partie convexe ressemblait au fond d’une marmite. Son poids dépassait probablement 150 kilogrammes ; peut-être en atteignait-il même 200.
Il s’était enfoncé dans le sol d’une manière si oblique qu’il est permis de supposer que la direction de la chute a été du nord-nord-est au sud-sud-ouest. Cette supposition est, du reste, confirmée par ceux qui le virent tomber. Lorsqu’on le tira de la terre, il était encore chaud et exhalait une odeur de soufre. A l’intérieur, cependant il était froid. Il était d’une seule pièce quoique fendu, et recouvert d’une légère croûte verte noirâtre, parsemée de nombreuses cavités arrondies, qui paraissent faites avec le bout des doigts sur une substance molle et pâteuse.
Malheureusement, un des frères Bonetto, fermiers du champ, pour faire retirer la foule qui endommageait le trèfle, saisit une pince et brisa le bloc en morceaux, qui furent emportés par des curieux ignorants ; ces fragments ont ensuite été vendus. Bonetto est aujourd’hui désolé.
On dit que l’ébranlement du sol a été aussi ressenti à Ostrano, village de 8 kilomètres de distance d’Alfianello, el à Capriano, qui se trouve à 16 kilomètres dans la direction opposée.
La détonation a été entendue à Brescia, à Crémone à Plaisance, à Parme, à Mantoue et à Vérone. On crut à l’explosion d’une mine.
Quatre jours après l’événement, M. Rezzati, aide du professeur Bombicci, de Bologne, se rendit sur les lieux et réussit à recueillir, à quelques centaines de mètres plus au midi, quelques petits fragments de scories qu’il croît être tombées en même temps, que l’aérolithe. Ce fait l’a vivement intéressé, surtout lorsque, à son retour je lui ai montré un bloc de matière semblable trouvé près de Fronzano, et qui provient, je crois, de météorites tombées le 12 novembre 1856.
M. Denza a d’autre part communiqué à l’Académie des Sciences de Paris, par l’intermédiaire de M. Daubrée, une note sur la météorite d’Alfianello nous en publions ici quelques extraits :
La forme était ovoïde, mais un peu aplatie au centre la partie inférieure était plus large et convexe, présentant la forme d’un chaudron ; la partie supérieure était tronquée. La surface était recouverte de la croûte noirâtre habituelle et parsemée de petites cavités, appelées piézoglyptes, tantôt séparées, tantôt groupées ensemble, si bien que ceux qui étaient accourus crurent voir dans certaines parties l’empreinte d’une main, en d’autres, celle d’un pied de chèvre.
Quant aux dimensions et au poids de la météorite, les appréciations sont diverses. D’après le témoignage de quelques-uns, sa hauteur eût été de 0,75m, sa plus grande largeur de 0,60m, et son volume d’environ 0,025m³. Selon quelques-uns, son poids aurait été de 50 kilogrammes ; selon d’autres, de 100 kilogrammes, ou de 200 kilogrammes, ou même de 250 kilogrammes. Il paraît toutefois très probable que son poids véritable n’était pas beaucoup au-dessous de 200 kilogrammes. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que le professeur Bombicci en emporta plus de 25 kilogrammes à Bologne, pour en doter la riche collection de météorites qu’il a réunies au musée de Minéralogie de l’Université de cette ville ; qu’il en reste à peu près 40 kilogrammes auprès d’autres personnes ; que l’échantillon le plus considérable pèse 15,5kg et se trouve chez M. Ferrari ; que la municipalité d’Alfianello envoya un échantillon de 5 kilogrammes à l’Athenæum de Brescia ; enfin que deux morceaux, de plus de 12 kilogrammes chacun, furent jetés dans l’eau d’un torrent et s’y perdirent, sans parler d’une quantité considérable d’autres petits fragments, distribués çà et là, dont je possède quatre, ayant un poids total de 39 grammes, le plus gros pesant 30 grammes.
Par sa structure, la météorite d’Alfianello appartient, selon le professeur Bombicci, au groupe des sporadosidères-oligosidères et se rapproche du type Aumalite,se montrant pour ainsi dire identique à la météorite de New-Concord (Ohio).
Le poids spécifique de la météorite d’Alfianello est de 3,47 à 3,50. L’analyse qualitative et quantitative en est actuellement exécutée dans deux laboratoires de Bologne.