L’eau-de-vie de Prunelles

La Nature N°1096 — 2 Juin 1894
Jeudi 18 février 2010 — Dernier ajout dimanche 24 mars 2024

La Nature N°1096 — 2 Juin 1894

La récolte des prunelles étant extrêmement abondante dans quelques coins de la France, où l’on trouve des sols pierreux et des terrains en friche, on a, depuis quelques années, cherché à utiliser cette récolte peu coûteuse.

On a d’abord essayé de faire une boisson avec les prunelles. Pour cela, on fait la cueillette lorsque les fruits sont bien mûrs tout en étant encore fermes. On met les prunelles en tonneaux en ajoutant 60 litres d’eau froide par double décalitre de fruits [1]. La fermentation se produit lentement. On peut l’activer en ajoutant un peu de sucre. On soutire quand elle est complètement terminée. La boisson faite avec des prunelles est de qualité médiocre. Elle est âpre et noircit quand elle est à l’air depuis quelques heures, mais elle désaltère bien. L’addition de sucre contribue à en corriger le goût, ce qui semble indiquer qu’on pourrait, après quelques essais, réussir à faire, avec des prunelles, une boisson fort convenable. Si, en résumé, le vin est médiocre, l’eau-de-vie, en revanche, est excellente.

Il est inutile, pour faire la cueillette, d’attendre les gelées. La maturité des fruits semble avoir une influence presque nulle sur la qualité de l’eau-de-vie, tandis qu’elle en a une sur le rendement. Le même distillateur a pu constater, en effet, dans la même année, que les prunelles cueillies au commencement de la maturité avaient donné de l’eau-de-vie de meilleure qualité que d’autres cueillies plus tard, avant et après les premières gelées. Toutefois, le rendement de celles-ci a été plus élevé. La cueillette se fait à la main ; pour aller plus vite, on peut placer, sous les buissons, des vans, paniers, draps, etc., sur lesquels on les fait tomber au moyen d’une gaule. Dans ce dernier cas, il faut enlever, au moyen d’un van à main, les feuilles et autres débris de bois tombés avec les fruits. On met fermenter dans des tonneaux en ajoutant une petite quantité d’eau (3 litres par double décalitre de prunelles). L’addition d’eau se fait tous les deux jours, et permet à la fermentation d’être plus régulière en rendant le foulage plus complet et plus facile.

Aussitôt la fermentation terminée, on distille comme pour l’eau-de-vie de marc. L’alcool qui sort de l’alambic, est bleuâtre ; on le repasse une seconde fois et on obtient une excellente eau-de-vie dont la qualité augmente sensiblement après quelques années de mise en bouteilles.

Quelques personnes distillent plus tard. Après la fermentation, le tonneau est fermé hermétiquement ; la chair de la prunelle se détache du noyau ; au bout de trois à quatre mois, ou distille comme précédemment. L’eau-de-vie est de qualité meilleure ; elle a un goût de noyau fort prononcé. D’autres enfin ajoutent du sucre aux prunelles pour que la fermentation soit active. La fermentation du sucre produisant l’alcool, il en résulte que, en opérant ainsi, on obtient une plus grande quantité d’eau-de-vie avec un arôme moins marqué. Les rendements ne sont pas bien élevés. Un double décalitre de fruits donne en moyenne trois quarts de litre d’eau-de-vie. En revanche, les prunelles s’achètent bon marché [2]. Elles ne se payaient, l’année dernière, que 70 centimes et même 50 centimes le double décalitre. Nous avons entendu nommer quelques propriétaires qui se sont très bien trouvés de cette fabrication, il nous a semblé qu’il pouvait être utile de la faire connaître.

[1Il a longtemps était d’usage de mesurer certaines denrées, non pas en kilogrammes, mais en litres. C’était en particulier le cas pour les moules et les crevettes grisses jusque dans les années 1970.

[2Attention. Il s’agit ici du contenu d’un article de 1894. Ces conditions n’ont peut-être plus court en 2018

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